Puis la refont, espérément ou pas, c’est selon. D’où vient que la voix de Michel Joiret (1942), tantôt épanouie, tantôt grinçante, se veuille avant tout “lecture cursive” du voyage. Souffleur de cendre (1974), soucieux de ses “cartes à jouir”, de ne pas “avoir perdu la vie / sans l’avoir fait couler / vraiment”, honorant donc la femme et le monde merveilleusement protéiformes, il n’en arpente pas moins l’aventure du silence (1995), émiettant “le hasard / dans l’urne oblique / du couchant” et concluant qu’ “il n’y a pas de sens à tout ceci sinon l’oreille / grinçante sur les rails du chemin parcouru”.
Car s’agissant de “tenir / simplement / la vie / par les anses “, Joiret ne s’en dissimule ni la fragilité ni la brisure fatale, et contre cette absurdité qui le révolte, ne recule ni devant l’expressionnisme:
Dans le cuvier
insoldable des jours:
cureter
jusqu’aux images
sa tache de naissance
ni devant l’humour noir, cette raillerie macabre, si périlleuse en poésie: que la vie le “buvarde” mais ne lui laisse pas accroire qu'”il est en avance / sur son temps// (comme) un mégot / qui parle”! Joiret fait front, fait de toutes ses lettres: romancier, critique, animateur, revuiste,etc., il n’a jamais cessé, poète, de “retenir le temps”, voyageur solidaire des autres mais les sachant, comme lui, “chacun / dans sa valise”.
L’Arbre à paroles, 2000.