DOMS André

Biographie

1932 : Naissance, le 9 mars, à Bruxelles.

1942-50 : Adolescence fortement marquée par la religion chrétienne (dans la croyance, puis la contestation).

1950-54 : Études de philologie romane à l’U.L.B. Il commence à enseigner, comme étudiant, durant ses propres études. C’est aussi à cette période qu’il commence à s’intéresser sérieusement à la littérature, notamment dans l’amitié de Henry Fagne (qu’il connaît depuis 1949 et avec qui il collabore).

1954-82 : Période pendant laquelle il enseigne : le français et l’espagnol. L’Espagne, d’ailleurs, le fascine. À partir de ses dix-huit ans, et cela jusqu’en 1965, il s’y rendra chaque année. Entre 1960 et 1965 il rédige des critiques pour la revue Marginales. La fin des années soixante le voit père de quatre enfants, nés de son mariage avec Claire-Anne Magnès. Il cesse de voyager et travaille activement à sa maison de Corroy-le-Grand. Entre 1972 et 1975, il se remet à voyager. Il se rend, cette fois, en Hongrie et en Yougoslavie pour raisons touristiques et littéraires. Il réalisera, par la suite, de nombreuses traductions de ces langues au français, surtout avec Mira qu’il rencontre en 1980 à Struga et avec qui il vivra de 1980 à sa mort en 1993. À signaler aussi : c’est en 1976 qu’il devient rédacteur du Journal des Poètes. Il le demeurera jusqu’en 1991. Outre la littérature, il se passionne pour la musique, l’archéologie, «la justesse historique», la physique contemporaine et la philosophie des sciences. Il quitte l’enseignement en 1982.

1982-87 : Voyage beaucoup (en France, Hongrie, Tchécoslovaquie). Traductions. Séjourne régulièrement en Macédoine et en Serbie.

Depuis le milieu des années 90 : André Doms assume la présidence du Conseil d’Administration de la Maison de la Poésie d’Amay et des éditions l’Arbre à Paroles.

 

Bibliographie

Poésie

  • Poème des anges, Ed. du Lion, Bruxelles, 1953.
  • Chant de Léna, Marginales, Bruxelles, 1961.
  • L’ombre la sentinelle, précédé de Demeure successive, éd. Guy Chambelland, La Bastide de Goudargues (Gard), 1963.
  • Matière habitée, 1965.
  • Cantate pour le vif des temps, Fagne, Bruxelles, 1971.
  • De semaille obscure, Ed. Origine, Luxembourg, 1974, traduction italienne de Luigi Mormino.
  • Selon plis et reflets, Le Cormier, Bruxelles, 1974.
  • Native l’entaille, Ed. Bozo Biskupic, Zagreb, 1980, traduction croate de Djurdja Sinko-Depierri.
  • Quand vivre foisonne, Maison internationale de la Poésie, Bruxelles, 1981, présentation du recueil posthume de Pierre Bourgeois (avec Fernand Verhesen).
  • Lecture silencieuse, éd. Pierre Belfond, Paris, 1982.
  • D’urgence nue, Éditions Le Pavé, coll. La main à la pâte, Caen, 1985.
  • Feu que fonde la cendre, L’Arbre à paroles, Amay, 1988.
  • L’aube et l’aval, Ed. Sud, Marseille, 1990.
  • La fascinante consumée, L’Arbre à paroles, Amay, 1992.
  • Cavalier de Mithra, Ed. L’arrière-pays, Auch, 1992.
  • L’ost, L’Arbre à paroles, Amay, 1993.
  • Lettres à Rufius, Éd. Origine, Luxembourg, 1994.
  • Au présent de l’histoire, Ed. l’Estocade, Nancy, 1998.
  • Poursuite d’Ulysse, Maison de la Poésie du Nord-Pas de Calais, Beuvry, 1999.
  • Fleuve, L’Arbre à Paroles, Amay, 2002.
  • La tapisserie d’Hélène, L’Arbre à Paroles, Amay, 2004.
  • Demeure successive, Tome 1-4, L’arbre à Paroles, Amay, 2008.
  • L’imparfait de vivre, L’arbre à Paroles, Amay, 2010.
  • Voyeur, voyageur, Le Taillis Pré, 2012.
  • Sérénade, L’Herbe qui tremble, 2013.
  • Balkaniques, L’herbe qui tremble, 2019.
  • Ibériques, L’arbre à Paroles, Amay, 2019.
  • Italiques, L’arbre à Paroles, Amay, 2019.

Essais

  • Chants séculaires, avec Georges Thinès, L’Arbre à Paroles, Amay, 2004.
  • Tenir parole, trois volumes, L’Arbre à Paroles, Amay, 1998.

 

Textes

Contre le ciel ma main
grand ouverte, géante, et moi
jouet de ce que l’oeil fomente.
Rôdeur qui s’enfièvre n’étreint
que rêve. Paierai-je aux bas mots
le solde de ma vie ? Capable
au mieux d’aimer, je t’en confie
ombre et lumière comme l’eau
s’appuie au bras de berge.

Le vent chiffonne l’eau.
Je respire une histoire
qui me somme de lire
mon anonyme écho.
Mais la main à ton ventre,
j’implante, je sens comme
enfin vrille la racine
d’être soi, et toute la joie
m’ente à ta vigne.

D’en haut, compte sept meuses,
sept éclats pour un instant
de l’oeil, mais songe à celles
qui recueillent ou creusent
l’ombre aux angles d’heures,
amant continûment égaré
en fumées et facettes
sans qu’affleure l’évidence
de l’eau coulée secrète.

Extraits de : Fleuve, éd. L’Arbre à Paroles, 2002.

N’étaient ces lacs
ces langues
la terre qu’on met entre nous
que je reste à franchir
vers le clair de tes yeux vers tes genoux

rien peut-être ne serait advenu
de tout ce qui était prévu

S’il n’est pas d’amour
et j’aime
plus belle l’humaine foi
Si tu m’es l’autre
et moi :
faute
sans honte
présence du feu
que fonde
la cendre
même

Extraits de : Feu que fonde la cendre, éd. L’Arbre à Paroles, 1988.

Aussitôt la lumière adéquate : ces mots de fée, subits, effacent des siècles d’arrachement. Vite, un songe s’acclimate et loge aux forges. Le fleuve verse à l’est, il se souvient. premier matin hâtif qui tamise le coeur.

Vais-je me prendre aux fuseaux de Morgane, à sa fraîcheur, aux lys de son silence ?

                                                                                                                                 (Trois-Rivières)

                              *
   
Ce n’est pas de l’oeil que naît l’horizon. mais de sous la prairie, des glaises qui étouffent la peste et dont tu cuis les faces de tes dieux, les pots, les colliers de tes femmes.

N’y plante pas de mots. suffit ton geste.

                              *

Sous des volets de peur, tu peux toujours tenir métier de rythmes. Que ta phrase batte au corps de femme et vous joigne, usagers du souffle, pour que ne crève pas la fine créature du coeur.

Et traque aussi la bouche d’ombre : l’oracle répond-il à la terreur ?

Extraits de : La tapisserie d’Hélène, éd. L’Arbre à Paroles, 2004.

Commentaires

Si André Doms est d’abord poète, il convient toutefois, avant de se pencher sur son œuvre poétique, de souligner qu’il n’a cessé de mener une action portant sur la diffusion d’œuvres poétiques peu connues. Cette action, cet engagement même, qui relève d’une éthique, s’est déployée à travers la direction du Journal des poètes, la traduction et la critique.

André Doms fut rédacteur du Journal des poètes entre 1976 et 1991. D’un tel rôle, on retiendra la qualité première qu’il suppose : l’ouverture à l’autre.

Quant à l’activité de la traduction, on peut relever qu’elle supprime les frontières que les langues instaurent, tout en veillant à préserver ce que les œuvres renferment de spécifique dans leur langue propre. Elle est encore un exercice d’attention, ainsi que de connivence avec l’autre. La critique, enfin, vise à faire affleurer la vérité profonde des œuvres. Il s’agit, une nouvelle fois, de traduire dans la langue commune (par laquelle peut circuler quelque chose comme l’entendement, même s’il ne repose que sur l’acceptation d’un ensemble de conventions) une langue autre, dont la différence réside en ceci qu’elle est poétique. Mais ici, il y a encore à dire. Car la plupart des poètes sur lesquels André Doms a porté son regard critique présentent une particularité : tous ont vécu et ont élaboré leur œuvre en retrait de «la vie littéraire», et aussi du souci de publier. Ces marginaux auraient-ils été voués à l’oubli si quelqu’un ne s’était astreint à rassembler leurs textes épars et à les commenter? On ne peut que le supposer. Il est vrai : la question ne se pose plus depuis qu’André Doms a exhumé l’œuvre de Jean Glineur et salué celles de Pierre Bourgeois puis, tout récemment, d’Arthur Praillet.  

Extrait de l’article de Pierre Romée. André Doms : Deumeure successive In Le Journal des poètes, n°3/2010.

Voilà une oeuvre qui tient bien en mains: les 1014 pages de poésie d’André Doms. Comme l’indique la note bibliographique qui clôt le quatrième volume, la présente édition de Demeure successive reprend sous un titre ancien (1963) l’ensemble des dix livres de poésie écrits et publiés par l’auteur entre 1956 et 2005. (…) Il s’agit bien plus que d’un trajet ou d’un massif poétique: d’une expérience de vie avec toute sa charge affective et intellectuelle, ses voyages nombreux, toujours ouverts sur la réalité, l’indentité de l’autre, le tout exprimé dans une langue forte, aux arêtes vives:

Retombe et vive mer qui vibe sombre

Éclate et brille aux retailles de roc

                               (Lecture silencieuse)

Le lecteur découvrira ou redécouvrira dans ces quatres volumes des recueils aujourd’hui introvables comme L’ombre la sentinelle, Selon plis et reflets ou Lecture silencieuse. La maîrise formelle y est déjà patente ainsi que les principales sources d’inspiration du poète, comme cet amour passionné pour le monde minéral; à l’origine d’une sorte d’art poétique.