ENFANTS
La Caste sans pitié, la face de colère
Qui hennit à la mort dans les rues du village,
La meute qu’on entend dans les nuits de pillage
Faire hurler les enfants et posséder les mères,
Dieu parfois en voyant son frand coprs sur la terre
Ou sa fièvre penchée sur l’eau sombre d’un puits,
S’étonne en découvrant sous la touffe rebelle,
L’âpre narine et l’entr’oeil fauve du cruel,
La joue limpide et dans ses plis de puberté
L’amer velours, amer à la bouche enfantine.
Anges violateurs, ils meurent en silence
Tous les tueurs, tous ceux qui n’ont pas eu d’enfance
Enfants martyrs, enfants bourreaux, enfants perdus
Je pousse votre cri, ô mes fils, laboureurs
Qui luttez trébuchants avec l’âme en sueur.
L’enfant, l’enfant David, qui jouait de la lyre
Est couché dans le lit des guerres courtisanes.
Le front maigre courbé sous le casque de fer
La Caste a revêtu la robe sans couture
Elle est l’ombre et l’autel, l’ombre noire du Christ
Et Dieu devra peser sur une autre balance
Marqués de l’acte impur et du sang de la Bête
Ces terribles épis des moissons violentes.
1952
LIANT DELIANT
Doutant du regard
doutant de la voix
doutant du passage réel
de l’amour dans les bois enroués par l’hiver
Suivant le courant
la voie des rivières
relisant du coeur
les points les accents la course légère
de ses lignes bien espacées
Doutant redoutant
l’arrêt du soleil
des songes du temps des dons du sommeil
ne redoutant plus
l’air en mouvement l’écriture claire
liant reliant
déliant l’émoi
de sa mécanique légère
IGNORANTE IGNORANT
Incertains du coeur
Incertains de lâme
et des mouvements de l’esprit
Inorant des fruits de l’ombre
Ignorante du soleil
Insoucieuse insouciant
dormant dans la confidence
de la source de la feuille
de la framboise étourdie
d’une taille de fougère
oublieuse oubliant
le temps de songe écoutant
et parfois n’écoutant plus
Enfants de terre incertaine
OUBLIANT
Oubliant, c’est vrai, bondissant
franchissant le réel de son genou léger
épousant par limpidité
son existence de rivière
avec le signe du grand air
et le soleil aventureux
qui filtre clair et bienheureux
dans l’abondance du feuillage.
Oubliant, c’est vrai, jaillissant
de ses fontaines corporelles
sautant dans l’eau courante à travers les prairies
par ses délicieuses approches
attirant sur un lit de roche
le temps jeune, le temps naïf
jusqu’au matin de l’oubli tendre.
LA DOGANA
Est-ce que je crois en Dieu, je ne sais
je ne sais plus il faut que j’oublie
et je t’invente le matin
lorsque je vais le long des quais
vers la Douane de la mer
payer le prix qu’il faut à l’instable fortune
la forme verte et noire et couturée des femmes
pour voir mon vrai lion, son cours et son discours
sa crinière de force à tes reins savoureux
et l’aigle rouge du désir
adoucie par le temps, adorée par le bleu
où l’amour a son rang de plumes et de pensées.
Devant l’inépuisable
beauté des eaux et la rose de la tour
l’automne fait sonner la cloche des brouillards
il est temps d’acquitter les droits de l’amour jeune
tout le prix d’amour fier affrontant les années.
Avec la grâce en son péril, il faut patience
il faut le peuple de la main
pour ouvrir cette ville ou cette vie profonde
produire un vrai lion qui marche sur la mer
et dans l’espace des amants
mène la barque noire et rebroussée du temps.
Ces textes sont extraits du recueil: Poésie 1950-1984