BAUCHAU Henry

Biographie

1913 : Naissance de Henry Bauchau, le 22 janvier, à Malines. Famille paternelle d’origine mosane et famille maternelle louvaniste. Henry passe son enfance à la campagne, à Bas-Heylissem puis à Archennes.
1919 – 1925 : La famille s’installe à Bruxelles.. Il découvre la lecture à travers la collection Les cent chefs-d’œuvre qu’il faut lire.
1932 – 1939 : Études de droit à la Faculté Saint-Louis puis à l’Université de Louvain.
1945 – 1951 : Henry Bauchau met sur pied une maison de distribution d’éditions à Bruxelles, puis à Paris où il se fixe en 46.
En 1953, Bauchau quitte Paris pour fonder en Suisse (à Gstaad) un collège international pour jeunes filles. Il y enseigne notamment le français. Il publie à 45 ans son premier livre. Henry Bauchau commence Œdipe sur la route et obtient en 1985 le Prix Quinquennal de Littérature de la Communauté française de Belgique pour l’ensemble de son oeuvre.
En 1988, Jean-Claude Drouot monte Gengis Khan, qui connaît le succès en Belgique comme en France et, en 1989, Bauchau reçoit le premier Grand Prix de la ville de Tournai.

Henry Bauchau est décédé le 21 septembre 2012.

Bibliographie

  Poésie :

  • Géologie. Paris : Gallimard, 1958. Prix Max Jacob.
  • L’escalier bleu. Paris : Gallimard, 1964.
  • La pierre sans chagrin. Lausanne : L’Aire,  1966.
  • La dogana. Castella, 1967.
  • Célébration. Lausanne : L’Aire, 1972.
  • La Chine intérieure. Paris : Seghers,  1975.
  • La sourde oreille ou le rêve de Freud. Lausanne : L’Aire, 1981.
  • Poésie 1950-1984. Arles :  Actes Sud, 1986. (textes des recueils précédents et inédits). Prix quinquennal de Littérature 1985. Prix Foulon de Vaulx de la Société des Gens de Lettres de France 1987.
  • Heureux les déliants, poèmes 1950-1995. Bruxelles : Labor, 1995. (Espace Nord)
  • Exercice du matin. Arles : Actes Sud,  1999.
  • Nous ne sommes pas séparés. Arles : Actes Sud, 2006.
  • Poésie complète. Arles : Actes Sud,  2009.
  • Tentatives de louange. Arles : Actes Sud,  2011. (Le souffle de l’esprit).
  • L’enfant rieur. Arles : Actes Sud,  2011.

Romans :

  • La déchirure Paris : Gallimard, 1966. Rééd. Préface de Jean-Louis Jacques et lecture de Jean Florence. Bruxelles : Labor, 1986. (Espace-Nord).
  • Le régiment noir. Paris : Gallimard,  1973. Prix d’honneur (Paris) ; Prix Franz Hellens (Bruxelles) et Prix Triennal du Roman. Rééd. Préface d’André Molitor. Bruxelles : Les Éperonniers, 1987.
  • Œdipe sur la route. Arles : Actes Sud, 1990. (Babel ; 54). Prix Triennal du Roman.
  • Diotime et les lions : récit. Arles : Actes Sud, 1991.
  • Antigone. Arles : Actes Sud, 1997. (Coll. Babel ; 362).
  • L’enfant bleu. Arles : Actes Sud, 2004.
  • Le boulevard périphérique. Arles : Actes Sud, 2008. Prix du Livre Inter 2008.
  • Déluge. Arles : Actes Sud, 2010.
  • Temps du rêve. Actes Sud, 2012.

Nouvelles :

  • L’enfant de Salamine.  In : La Revue générale, mars 1991, p. 81-92.
  • Les vallées du bonheur profond. Arles : Actes Sud, 1999. (Coll. Babel).
  • En noir et blanc. Paris : Editions du Chemin de Fer,  2005. Réédition 2007. Illustrations de Lionel D. Orion.

Essais et autocritique :

  • Essai sur la vie de Mao Zedong, avec la participation de Laure Bauchau, Flammarion, 1982.
  • L’écriture et la circonstance, quatre conférences données à l’Université Catholique de Louvain (faculté de Philosophie et Lettres). In :  Chaire de Poétique, 2, 1988.
  • Sous l’éclat de la sibylle, Actes sud, 2013.
  • Les Constellations impérieuses d’Henry Bauchau, Colloque de Cerisy 21 – 31 juillet 2001, AML Editions/ Editions Labor, 2003.

Théâtre :

  • Gengis Khan. Mermod, 1960 ; Arles : Actes Sud-Papiers,  1989.
  • La machination. Lausanne : L’Aire, 1969.
  • Prométhée enchaîné, d’Eschyle : adaptation théâtrale. Bruxelles : Cahiers du Rideau, 1998.
  • Théâtre complet.  Arles : Actes Sud-Papiers,

Journal :

  • Jour après jour, journal 1983-1989. Bruxelles : Les Eperonniers,  1992.
  • Journal d’Antigone 1989-1997 Arles : Actes Sud, 1999.
  • Passage de la Bonne-Graine 1997-2000. Arles : Actes Sud, 2002.
  • La Grande Muraille 1960-1965.  Arles : Actes Sud, 2005. (Coll. Babel).
  • Le présent d’incertitude 2002-2005 Arles : Actes Sud  2007.
  • Journal de la déchirure. Arles : Actes Sud, 2005. (Coll. Babel).
  • Les années difficiles : journal 1972-1983. Arles : Actes Sud, 2009.
  • Henry Bauchau, l’écriture à l’écoute: Revue internationale. Presses universitaires de Louvain, 2013.

À consulter :

  • QUAGHEBEUR, Marc et SPINETTE, Albert, Alphabet des Lettre Belges de langue française. Bruxelles : Association pour la Promotion des Lettres de langue française,  1982, p. 156, 159 et 210.
  • BECKERS, Anne-Marie, Les écrivains belges, Ministère de l’Éducation Nationale, 2 tomes, 1987 et 1989, résumés de La déchirure et du Régiment noir.
  • FRICKX, Robert et TROUSSON, Raymond, Lettres françaises de Belgique – Dictionnaire des Œuvres, I, Le roman, p. 125, 430; II, La poésie, p. 117-118, 183-184, Duculot, 1988.
  • HALEN, Pierre.  Le régiment noir et Œdipe sur la route. In : Indications.
  • TORDEUR, Jean, Henry Bauchau, une mémoire de l’inconscient. In : La Revue générale, février 1986, p. 19-27.
  • TORDEUR, Jean, Discours de réception à l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, séance publique du 25 mai 1991.
  • Revue NU(e), Nice (29, rue Primerose, 06000 France) : Association NU, 2007. Numéro 35, coordonné et réalisé par Myriam Watthée-Delmotte, maître de recherches au FNRS et professeur à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve.
  • Fonds Henry Bauchau : http://bauchau.fltr.ucl.ac.be

Actualités :

Un prix Henry Bauchau vient d’ être lancé à l’université de Louvain-la-Neuve : Règlement
L’appel à projet est lancé, pour toutes infos : Myriam Watthee-Delmotte

 

Textes

ENFANTS

La Caste sans pitié, la face de colère
Qui hennit à la mort dans les rues du village,
La meute qu’on entend dans les nuits de pillage
Faire hurler les enfants et posséder les mères,
Dieu parfois en voyant son frand coprs sur la terre
Ou sa fièvre penchée sur l’eau sombre d’un puits,
S’étonne en découvrant sous la touffe rebelle,
L’âpre narine et l’entr’oeil fauve du cruel,
La joue limpide et dans ses plis de puberté
L’amer velours, amer à la bouche enfantine.

Anges violateurs, ils meurent en silence
Tous les tueurs, tous ceux qui n’ont pas eu d’enfance
Enfants martyrs, enfants bourreaux, enfants perdus
Je pousse votre cri, ô mes fils, laboureurs
Qui luttez trébuchants avec l’âme en sueur.
L’enfant, l’enfant David, qui jouait de la lyre
Est couché dans le lit des guerres courtisanes.

Le front maigre courbé sous le casque de fer
La Caste a revêtu la robe sans couture
Elle est l’ombre et l’autel, l’ombre noire du Christ
Et Dieu devra peser sur une autre balance
Marqués de l’acte impur et du sang de la Bête
Ces terribles épis des moissons violentes.

1952

LIANT DELIANT

Doutant du regard
doutant de la voix
doutant du passage réel
de l’amour dans les bois enroués par l’hiver

Suivant le courant
la voie des rivières
relisant du coeur
les points les accents la course légère
de ses lignes bien espacées

Doutant redoutant
l’arrêt du soleil
des songes du temps des dons du sommeil
ne redoutant plus
l’air en mouvement l’écriture claire
liant reliant
déliant l’émoi
de sa mécanique légère

 

IGNORANTE IGNORANT

Incertains du coeur
Incertains de lâme
et des mouvements de l’esprit
Inorant des fruits de l’ombre
Ignorante du soleil
Insoucieuse insouciant
dormant dans la confidence
de la source de la feuille
de la framboise étourdie
d’une taille de fougère
oublieuse oubliant
le temps de songe écoutant
et parfois n’écoutant plus
Enfants de terre incertaine

 

OUBLIANT

Oubliant, c’est vrai, bondissant
franchissant le réel de son genou léger
épousant par limpidité
son existence de rivière
avec le signe du grand air
et le soleil aventureux
qui filtre clair et bienheureux
dans l’abondance du feuillage.

Oubliant, c’est vrai, jaillissant
de ses fontaines corporelles
sautant dans l’eau courante à travers les prairies
par ses délicieuses approches
attirant sur un lit de roche
le temps jeune, le temps naïf
jusqu’au matin de l’oubli tendre.

 

LA DOGANA

Est-ce que je crois en Dieu, je ne sais
je ne sais plus il faut que j’oublie
et je t’invente le matin
lorsque je vais le long des quais
vers la Douane de la mer
payer le prix qu’il faut à l’instable fortune
la forme verte et noire et couturée des femmes
pour voir mon vrai lion, son cours et son discours
sa crinière de force à tes reins savoureux
et l’aigle rouge du désir
adoucie par le temps, adorée par le bleu
où l’amour a son rang de plumes et de pensées.

Devant l’inépuisable
beauté des eaux et la rose de la tour
l’automne fait sonner la cloche des brouillards
il est temps d’acquitter les droits de l’amour jeune
tout le prix d’amour fier affrontant les années.
Avec la grâce en son péril, il faut patience
il faut le peuple de la main
pour ouvrir cette ville ou cette vie profonde
produire un vrai lion qui marche sur la mer
et dans l’espace des amants
mène la barque noire et rebroussée du temps.

Ces textes sont extraits du recueil: Poésie 1950-1984

Commentaires

Quatrième de couverture de Tentatives de louange. Actes Sud, 2011. (Souffle de l’esprit).

Chacun des poèmes de ce recueil est une louange de l’univers, un hymne à la vie que le poète célèbre au quotidien. Textes de sagesse et de gratitude, Tentatives de louange est une ode à la fragilité, un éloge du doute, une interrogation sur l’essentiel de la vie. “Le poème ne conduit pas, il est conduit ainsi qu’un mot, deux mots, dont l’innocence soudain fait apparaître notre céleste insuffisance.”

 

Œdipe sur la route.

Œdipe, déchu de sa royauté est exclus de Thèbes comme conséquence de son double crime. Il va errer jusqu’à sa mort. Sa fille Antigone l’accompagne et Clios, un bandit convertit se joint à eux.

Henry Bauchau décrit avec une rare poésie, et dans un style tragique, tant cette errance que la métamorphose des trois figures du récit. Chacun accomplit un destin puissant qu’il ignore, humain (Clios), royal (Antigone), divin (Œdipe). L’auteur saisit dans ses mots une Grèce caillouteuse et malade de soleil, pauvre et fraternelle, et il y situe sa tragédie. L’épreuve qui attend chacun d’eux ne sera surmontée que par l’effort insensé des corps. La pensée est presque absente. Les mots ne servent plus qu’à capter et échanger des signes surnaturels. Les hommes, sous l’empire de cette vérité qui les conduit n’échangent plus que des pensées conventionnelles, proches de la langue de bois des réunions politiques, syndicales, ou religieuses…

C’est bien là que ces personnages centrés sur eux-mêmes me semblent en fait d’une grande pauvreté, proches de l’inhumanité, mais pleins de certitudes incommunicables. Ils hurlent, ils éructent, ils ont des pressentiments, des visions. Mais ils ne pensent pas, ils ne réfléchissent pas, ils ne construisent rien. Leur raison ne les guide pas. Ils se livrent en bloc à un sort qu’ils ne discutent pas, qu’ils ne cherchent pas à comprendre, esclaves passifs du surnaturel.

C’est pourquoi ce livre me semble un pari littéraire, d’ailleurs remarquable dans sa forme, d’écrire à notre époque une tragédie grecque. Mais ce pays, qui a posé les fondements de l’usage de la raison et de l’organisation politique, mérite, me semble-t-il de laisser dans nos mémoires autre chose qu’une image mythique de déraison, aussi grandiose soit elle.

 

Editions Actes Sud 1990 (Date de la note : 31/12/2000 )