Extraits de « La Ronde des jours » William Powell Télé jamais ne fait revivre Les merveilleux acteurs d’antan Comme par exemple William Powell Resté mon idole, mon modèle. Et puis, hier soir, je l’ai revu, Cinquante-trois ans après (ou plus). Je suis heureux, heureux, heureux. Je rêvais de lui ressembler Et en toute modestie je crois Y être arrivé. Calme et souriant, un rien narquois, Le veston croisé tombant droit, La cravate au centre, impeccable Et la moustache brillante d’humour. Et puis un jour dans une étoile J’ai su trouver ma Myrna Loy Et la garderai toujours, toujours. Salut vieux Will. On t’aime. Gentille-Polie J’attends mon bus sous le soleil A l’aubette place du Roi-Vainqueur Où l’ensemble architecturale Des buildings jaunes et merveilleux Autour du square et de ses fleurs, De sa pelouse verte des pigeons. Il arrive bourré comme un œuf. J’y monte et m’accroche à la barre Pour ne pas tomber aux virages. Tout à coup une jeune voix me dit : Voulez-vous vous asseoir, Monsieur ? Et une jeune fille se lève souriante. Je me confonds en remerciements Et prend la place tout rougissant. C’est la première fois que cela m’arrive ; Je réfléchis, suis ébahi, Ce n’est pas que j’aie l’air d’un vieillard, Mais c’est à cause de ma moustache, De ma moustache des années trente Comme en portaient toutes les vedettes. Seulement, elle est devenue toute blanche. Magritte Oui, Des millions d’hommes sont sans logement Et des millions sont sans voiture, Des millions d’hommes sont sans vêtement Et des millions sans nourriture. Or, je lis ce soir dans le journal L’empire des Lumières de Magritte Vendu pour treize millions d’euros. J’aime, j’aime, j’admire René Magritte Plus que le prosateur Tacite, Que le philosophe Héraclite, Que les musiciens trop classiques, Que les peintres trop romantiques. Mais, qui était donc cet acheteur ? De son temps, il n’était pas riche, Le cher, très cher René Magritte. Il était un surréaliste Aimé des Rares, honni des Cuistres. Maintenant, il peint, et gratuitement, Le bon Jésus au Firmament. 1925 Et il dansait, dansait, Dansait le charleston. Il avait trente ans A Cannes au Carlton. Moi je dansais, dansais, Dansais le charleston Quand j’avais cinq ans A ma p’tit école. Extraits de « Le fruit défendu » Chant d’Adam Toute semblable à moi, mais plus belle qu’une âme, Ainsi je l’attendais depuis le Créateur. Les fleurs blanches du soir Effleurent sa douceur, pour être enfin parfait, tu rejoindras la Femme. Le plus pur séraphin n’est plus qu’un séraphin, La biche que j’aimais lentement se résigne. Ah qu’est le raisin chaud dans l’ombre de la vigne Lorsque ses seins bombés se tendent vers mes mains ? Le cri tendrement fou de la caille palpite ; Lance ton dard, bourdon, dans la blondeur du miel. Que s’embrase le bois, le feuillage crépite Et la sève jaillit illuminant le ciel. O premier feu sacré de la première étreinte, Comme la lave bout, du volcan convulsé A la lune charnue exultant sous l’empreinte, Quand noués nous montons comme transfigurés. Chant d’Eve Roi des vivants, Maître de l’aigle et du lion, Et Prince étincelant du jardin des merveilles, Le sceptre haut levé, sur son domaine, il veille. Près du fruit défendu, je lui chante son nom. Tu es l’orgueil et le bélier de mas agnelles, Deviens la force et le chêne de ma forêt, Deviens l’aventurier de mon désir secret, Aborde, violent, ma douce île t’appelle. O mon fleuve brûlant se ruant à la mer Avec un rauque cri me transperçant la moelle, Nous formons un cyclone et la raison se perd Dans l’univers sans rive, et tournent les étoiles. Et te voici l’orage, ô spasmes, et éclairs, Mon sang a le vertige et gicle avec ivresse. Ange domptant mes reins, ô mon enfant de chair, Vous êtes Dieu lui –même et m’appelez déesse.