Barbara Y Flamand est restée fidèle à la poésie de combat. Son virulent pamphlet Les confessions de l’ Ogre planétaire, 1999 synthétisait ses multiples accusations portées contre l’ ordre économique dans bon nombre de poèmes précédents, ainsi que les tentatives d’ émancipation des peuples.
On retrouve dans les mauvais esprits et le crocodile vert l’ affirmation de son engagement et la même pugnacité, sous un ton tantôt impétueusement lyrique, tantôt ironique.
Sa critique, si elle prend pour cible le système, n’ épargne ni les sphères politiques où ” les chevrons se gagnent par la loyauté aux banques ” , ni les cercles intellectuels et poétiques où le regard ne descend jamais – ou si rarement- jusqu’au ” tortueux chemin économique ” où les vers sont ” encaustiqués à tous les pieds / qu’ils entrent propres dans les académies ” . Mais, dit l’ auteur, ” la misère n’ est pas métaphysique ” , elle est ” au ras des poubelles ” , ” elle saute dans tout ce qui vole et roule pour se fuir / et vider les poches des marchands d’esclaves / la somme de ses espoirs candides “.
Le pouvoir d’ émotion qui double la vision politique soutient tout le recueil. Citons ” La passion selon le IIIème Reich “, hommage vibrant aux femmes résistantes; ” Le promeneur inquiet ” devant l’ embrasement en Europe Centrale, et dans les moments où le poète se replie sur sa vie intime : ” Les mains de ma mère” , ” Novembre “, ” Un sous-bois, l’ été “, ” Un tout petit bonheur”…
Cette poésie jaillie d’ un don d’ humanité et d’ une blessure jamais fermée, peut, également, s’ épancher avec jubilation dans un humour iconoclaste : ” Les mauvais esprits “, ou encore dans la fantasmagorie : ” Le paladin de Prague “, ” La ville nue “.
Dans la seconde partie du recueil : ” le crocodile vert (Cuba), Barbara Flamand s’ inscrit dans la tradition de l’ épopée. Ce choix qu’elle justifie dans son avant-propos nous vaut des pages passionnées et salutairement toniques que son traducteur N.S.Sevillano a rendues dans leur déferlement: Nous l’ en remercions.
L’ éditeur en quatrième de couverture de Les mauvais esprits et Le crocodile vert.
On connait Barbara Y. Flamand comme le poète de la condition historique. Dénonciation des plaies sociales et politiques, indignation, révolte…
Pourtant, le propos dépassa toujours le constat pour fouiller plus profond et poser la question existentielle.
Poète politique, mais poète de la vie d’abord. Dans ses recueils la mobilité du regard embrasse une multiplicité de sujets; de la vision cosmique au cadre intime, l’ auteur traque le sens, affirmant la volonté de porter le vécu à sa dimension la plus haute.
La vie dans tous ses états obéit à cette exigence; en faisant surgir le sens poétique du berceau de l’ humanité, en le soudant au projet existentiel, Barbara Y Flamand fait du poème Philosophique qui est Le bleuet en hymne à la poésie et au génie créateur.
Quatrième de couverture de La vie dans tous ses états.
Quels qu’aient été les soubresauts politiques de la fin du siècle, pour Barbara Y. Flamand (1935), le poème communique encore et toujours un message idéologique; qu’il chante l’amour du Coeur fertile (1990) n’interdit pas qu’il rêve “du Nouveau Monde/qu’enfantent les coquelicots dans le vent” ni qu’il fustige les “menus pantagruéliques” des Gringos et le “la” qui nous vient “d’Outre-Mer” en toutes matières. Il en résulte bien des textes manichéens, de faciles “billets” de conversations feites, où Barbara Flamand réplique d’ailleurs à sa critique: “Vous êtes trop sensible./Vous aimez trop la beauté,/ et vous êtes tellement au-dessus de la boue et du sang”. C’est, parfois, l’esprit de violence d’Artaud. Il n’empêche: que le poème heurte “le goût des belles lettres” ne garantit pas forcément sa valeur.
in : Bruxelles-Poésie, Amay : L’arbre à parole, 2000. ___________________________________________________________________________________________________________
Voilà un poète. Un vrai. Qui n’est pas assez connu en France. Il faut lire cete posie forte, qui vient des profondeurs de l’âme, de la souffrance devant le mal du monde. Une profonde humanité transfigure tout cela. “J’ai écrit parce que j’aime”. On regrette de ne pouvoir donner à entendre ici qu’un soupir de cette respiration profonde.
La fin du myosotis.
Nous n’irons plus main dans la main comme font les amoureux.
Ma bien-aimée aux yeux de myosotis, Mon amour long d’une vie, ne me quitte pas encore! Nous n’avons pas fini de boire l’une à l’autre comme le tournesol boit le soleil et la racine l’ondée.
Une minute encore, écoute ! Le coin de table, maison de la poésie Paris: novembre 2009 numéro 40 ___________________________________________________________________________________________________________
On le sait de reste, la poésie engagée n’a plus tellement la cote aujoud’hui. Mais les modes vont et viennent, et Dieu sait si ce qui nous paraît aujourd’hui le plus moderne ne sera pas, demain, le plus vieillot…
Et puis, il y a chez elle une telle assurance, une telle conviction… un sens rare de la solidarité, le don de la clarté et de la beauté, en ces images qui se détachent, au fil des pages, comme la ligne d’une montagne à l’horizon. Comment ne pas se sentir emporté par le mouvement:
Dans vos mots sauvés de la houle du quotidien ou de ses déferlantes ne vibre pas seule votre voix, mais encore la mienne et la voix même du monde qui résonne comme un métronome inviolable, jamais ne s’use et toujours se perpétue, tantôt dans un sanglot, tantôt dans un rire. s’épuise dans un cachot , murmure dans une prière, résonne comme un gond dans la défaite ou le triomphe, toutes ces voix portées par le battement du sang jusqu’au chant funèbre.
On le voit, un sens extraordinaire du rythme, de l’ampleur du rythme, qui vous emporte comme une grande vague, vous enroule et vous chahute… Une puissance bien rare dans la poésie actuelle.
Extrait de “La pensée wallonne” n° 21 sept-oct 2009. Par Joseph Bodson