Jour malade
Qu'il pleuve! Les champs sont vieux.
Le feu dans les bruyères couve.
Le soleil autour de nos yeux Sèche nos larmes.
Tête lourde, Nous souffrons comme d'un orage Qui n'éclatera donc jamais! Dans plus de poussière que d'ombre, Le jour s'allonge, se détend Chenille sous les herbes jaunes.
Verrons-nous l'azur déteindre Sur la fumante forêt?
Verrons-nous crever ces nuages?
Qu'il pleuve !
La terre dure
Sous nos talons sonne creux.
Avoines couleur de lune,
Peupliers grisonnants...
La route
Monte au ciel si pâle, si loin !
Ah ! plus vide qu'un dimanche
- Quel amour le comblerait ? -
Ce peu de temps nous rassemble,
Entre la guerre et la paix,
autour d' une flamme courte
Et de cendres déjà blanches.
Sécheresse du coeur, malaise de l'été.
Si le vent remuait les branches,
Il tomberait des fruits gâtés,
Mais un chant d' oiseaux et de feuilles
Imiterait le bruit de l' eau.
Nous pourrions fermer les yeux,
Nous étendre, les bras en croix,
Dans quelque verger callme et sombre.
Qu' il pleuve !
Aux creux de nos paumes
Nous boirons la sueur du ciel.
Nous avons soif.
La nuit peut-être
Versera sur nos corps d' athlètes
Son huile mêlée de parfums.
Nous aurons pour citron la lune...
Mais qu' il pleuve !
Et si la tempête
Souffle, nous dormirons bien.
Ce n'est pas Dieu qui m' abandonne.
D' autres se détournent de lui.
Avec eux, tous ceux de mon âge,
Je demande à voir le visage
D' un vrai jour, lavé, guéri.
Alors nous pourrions sans doute
Essayer de sourire encore,
Essayer même de vivre,
De croire encore et d' aimer.
extrait de Passage au Méridien