Max Elskamp est sans doute, avec Verhaeren et Michaux, le poète le plus incontestable qui ait vu le jour en Belgique. Il demeur aussi le plus exaltant aujourd'hui, malgré les faiblesses et les répétitions, à la fin de sa vie. Plus que tout autre, il a su faire des hantises de son temps une sorte de litanie universelle, qui le dépasse. Au sein du symbolisme, qu'il soit belge ou français, il a l'insigne mérite de fuir le maniérisme, alors qu'il ne s'interdit pas une langue à lui, et rien qu'à lui, qui par instants se sait archaïque. Ce qu'on peut reprocher à Henri de Régnier ou à Stéphane Mallarmé, à savoir trop de contorsions, on ne saurait que les accepter chez Elskamp car son inspiration n'est pas celle d'un intellectuel irrécupérable ni d'un poète de salon.
La poésie est celle d'un homme seul, qui dit sa foi et les nostalgies de celle-ci: cette simplicité _ qui n'empêche pas l'enluminure savante _ qui manque autour de lui, où fleurissent jusqu'à l'encombrement les théories, les expériences, les artifices. Lui extorque au langage un parti pris qui très vite devient une nécessité. Humble, il l'est sans ostentation: ni les croisades de Verhaeren, ni les silences théâtraux de Maeterlinck. Il dit aussi sa ville, pleinement: les troubles de la chair, les voyages sur place, les petites gens qui cachent leurs vices et leurs souffrances, les inutiles voyages hors de soi et hord de l'Escaut. Le drame personnel est exprimé avec pudeur, comme si le chant seul était capable de conjurer des atteintes de l'einterminable maladie. Dirions-nous: une simplicité aussi chantante que tordue, et qui donne une sonorité à sa voix, à nulle autre comparable?
Editions Traces Bruxelles 1985 "La poésie francophone de Belgique"