Textes
SOIR D'ETE (extrait)
Sous les diffuses lueurs du crépuscule d'août, les campagnes harmonieuses, aux penchants des coteaux, reposent; et dans cette lumière égale et mate s'attarde sur leur immensité, elles paraissent avoir dépouillé tout relief.
Ces étendues prennent des couleurs sourdes, mais consistantes: les champs de blés et d'avoines sont vêtus d'une ombre brune, comme les grands moines qui, cheminant dans le soir vers l'abbaye, passent en lente théorie dans la sente montant le long des hauteurs.
Ils reviennent des solitudes champêtres, où ils ont accompli, dans la clarté du jour, des oeuvres pacifiques, la moisson et la prière, afin de glorifier le Dieu dont ils perçoivent la béatitude, l'omnipotence tutélaire et gloire, à travers la grandeur illimitée de la terre et de l'azur.
Puis, tranchant sur la pâleur des épis étalés en nappes immobiles, de vastes carrés de prairies et de jachères, du plus beau vert-sombre, évoquent les buis - les buis de couleur austère, qui croisent dans le silence et l'ombre des cloîtres.
Peu à peu une mystique impression émane de ce vaste paysage qui va s'élargissant, à travers une des plus heureuses contrées d'Occident, jusqu'au cercle lointain des horizons où s'étagent des forêts.
De celles-ci, la crête se dessine très noire, et se poursuit bien loin dans les cieux, traçant avec majesté des lignes d'une hiératiques, beauté sur un fond de vieilles étoffes, aux couleurs mélancoliques, où le rouge s'éteint en des violets de vitrail.
En cet ineffable spectacle se découvre une tranquillité supérieure à toute accalmie terrestre, une quiétude participant du bonheur des âmes contemplatives, où règne un demi-jour de rêve et de mystère: en vérité, sur ces sommets, habite une paix qui semble éternelle.
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