VAN ARENBERGH Emile

Œuvres disponibles

Bibliographie

  • Les médailles, Paris : G. Crès, 1921.

Textes

Les errants

Il est ainsi de pauvres coeurs
avec en eux des lacs de pleurs,
qui sont pâles comme les pierres
d'un cimetière.
 
Il est ainsi de pauvres dos
plus lourd de peine et de fardeaux
que les toits des cassines brunes
parmi la dune.
 
Il est ainsi de pauvres mains
comme feuilles sur les chemins,
comme feuilles jaunes et mortes
devant la porte.
 
Il est ainsi de pauvres yeux
humbles et doux et soucieux,
comme les yeux des bêtes
sous la tempête.
 
Il est ainsi de pauvres gens,
qu'ils soient riches ou indigents,
qui trimballent de la misère
au loin des plaines de la terre.

Commentaires

La mode des poètes maudits, à l'exclusion des autres, entre 1900 et 1914, pour simplifier, a relégué dans le discrédit des poètes qu'on peut qualifier d'explicites.  C'est le cas, en particulier, d'Henri de Régnier, de José Maria de Hérédia et surtout d'Emile Verhaeren.  Son purgatoire paie-t-il quelques erreurs: notamment d'avoir été le poète officieux de la Flandre, du progrès industriel, puis de la Belgique en guerre?  Cette injustice, il en émerge à peine aujourd'hui.  Peut-etre les goûts ont-ils changé: son éloquence détonne, ses cuivres sont trop stridents et ses plaidoyers sentent parfois l'application.  Il faut les oublier, pour redécouvrir un très grand poète, au moins dans trois domaines.  Il est d'abord un chantre de l'amour et de la tendresse, comme de l'intimité: il est toute ferveur, jusqu'à la satiété.  Ensuite, il est le magicien de sa terre, dont il rend avec un étonnant chromatisme le moindre souffle, la moindre tempête, la moindre légende.  Enfin, il est incontestablement le seul poète de la langue française qui ait su, sans tomber dans le ridicule, glorifier le travail, chariant des rythmes inouïs, des enthousiasmes inépuisables, des forces toujours renouvelées.

Editions Traces, Bruxelles (1985), "La poésie francophone de Belgique"