WAUTHIER Jean-Luc

Biographie

Né à Charleroi en 1950 et décédé le 15 mars 2015, Jean-Luc Wauthier a enseigné la Littérature à l’Ecole normale de Nivelles (Haute Ecole PH Spaak). Vice-président du Centre international de la Critique littéraire. Il a présidé la Maison Internationale de la Poésie Arthur Haulot de 2008 à 2011.

Il a publié une vingtaine d’ouvrages – poésie, nouvelles, essais, romans. Il a reçu, en 1998, le Prix international Lucian Blaga décerné par le Centre culturel roumain pour l’ensemble de son œuvre poétique ainsi que le prix  René Lyr en 1993, le Prix  Gauchez-Philippot en 2001 et les Prix Menada (Macédoine) et Virgile (Paris) en 2009 et 2010.

En décembre 2003, les Editions de l’Arbre à paroles (Amay, Belgique) ont réédité l’ensemble de son œuvre poétique parue entre 1976 et 1993 sous le titre “Fruits de l’ombre”.

Rédacteur en chef du Journal des Poètes depuis 1991, il y illustrait et défendait la poésie du monde entier.

Principaux sites Internet à consulter :

Photo © Isabelle Françaix

Bibliographie

Poésie

  • Mon pays aux beaux noms. Chez l’auteur, 1975.
  • Morteville. Bruxelles : Maison internationale de la Poésie, 1976.
  • La neige en feu. Paris : Ed. Saint-Germain-des-Prés, 1980. (Coll. Chemins profonds). (Epuisé).
  • Secrète évidence.Paris : Ed. Saint-Germain-des-Prés, 1985. (Coll. poésie sans frontière). (Epuisé).
  • Tessons d’absence.Bruxelles : Pré-aux-sources, 1988. (Coll. Voix proches ; 2). (Epuisé) – Bruxelles : Bernard Gilson, 1991.
  • Le domaine. Châtelineau : Le Taillis Pré, 1991. (Coll. La main à la plume).
  • Les vitres de la nuit. Paris : L’Harmattan, 1993. (Coll. Poètes des cinq continents ; 39).
  • Par le silence et l’ombre. Amay : L’Arbre à paroles, 1993. (Coll. le buisson ardent).
  • Le nom du père. Liège : Tétras Lyre, 1994.
  • La soif et l’oubli. Paris-Lausanne : L’Âge d’Homme, 1999. (Coll. Contemporains).
  • Entretiens avec Albert Ayguesparse. Châtelineau : Le Taillis Pré, 2001.
  • Fruits de l’ombre : Poèmes 1976-1993.  Amay : L’Arbre à paroles, 2003.
  • L’envers du ciel. Dol de Bretagne : Editions d’écarts, 2007.
  • Manteau de silence. Dol de Bretagne : Editions d’écarts, 2010. (Coll. Fil à fil).
  • Sur les aiguilles du temps. Le Taillis Pré, 2014.
Prose
  • Libertés surveillées : nouvelles. Bruxelles : Ed Bernard Gilson ; Le pré aux sources, 1991.
  • Le royaume : roman. Genève-Paris : L’Age d’Homme, 1995.
  • Les sentiers du vin. Bruxelles : B. Gilson ; le Pré-aux-sources, 1999.
  • Les tablettes d’Oxford : roman. Éditions M.E.O., 2014.
Théâtre
  • Représentations de Les voyageurs du temps par la compagnie des Fleuriplanchistes, 1994.
  • Libertés surveillées, adaptation pour la scène par Lucien BINOT et François MAIRET (représentations à Braine-L’alleud, au Foyer culturel ; à La Louvière, Maison de la Laïcité ; à Bruxelles, Théâtre de la Vènerie ; au Foyer culturel de Manage, à la Maison de la Culture de la Louvière,  au Conservatoire de Charleroi et au Foyer-théâtre de Vaison-la-Romaine, France), de 1993 à 1997.
Essais et monographies
  • Jean Ransy. Charleroi : Institut Jules Destrée, 1977. (Coll. Figures de Wallonie ; 14).
  • Douze miroirs pour entrer en poésie. Institut européen interuniversitaire, 1980. (Coll. Retraite et vie devant soi ; n° 3).
  • Gustave Camus. Charleroi : Institut Jules Destrée, 1981. (Epuisé).
  • Albert Ayguesparse. Fondation Plisnier, 1987.
  • Pour saluer Albert Ayguesparse.En collaboration avec Luc Norin. Bruxelles : Bernard Gilson ; Pré-aux-sources, 1991.
  • Albert Ayguesparse : L’autre versant: choix de poèmes et entretien. Châtelineau : Le Taillis-Pré, 2001.

Traductions

  • Traduction en roumain (par Martha Idzak) du recueil Tessons d’absence. Editions Clusium, 1995.
  • Traduction en roumain (par Petruta Spanu) du recueil de nouvelles Libertés surveillées (Editions Fidès), 2007 et en Croate (par V Mistyc et D Katunaric) : Poèmes (choix), 2006.
  • Traduction en roumain d’une anthologie poétique (choix, par Horia Badescu), sous le titre Lasati strainul sa intre, Editions Casa CărÅ£ii de Åžtiinţă, 2008, Cluj.
  • Edition bilingue roumain-français d’un choix (avec Marc Dugardin et Lucien Noullez) : Trois voix de la poésie contemporaine par Ion Lascu, Editions Scrisul românesc, Craiova, 2012.
  • Nombreux poèmes et textes traduits en albanais, allemand, anglais, danois, espagnol, ukrainien, hongrois, croate, roumain.

Textes

Je suis passé juste à côté du poème
cet inconnu aspiré par les couloirs
       de l’ombre et dont le visage
       en clair-obscur, inconnu de tous,
       allait son chemin tandis que
       je restais là, immobile, bras ballants, plein
       de ces mots papiers-cadeaux
       que nul n’écoute
       Alors même que je n’étais pas sûr
       de reconnaître
       la démarche oblique des mots glissés
       sous les portes du sommeil
       puis abattus comme un bouquet d’oiseaux
       sous le grand compas
       du silence
****
Tu envies
                   ceux qui sont à tu et à toi
                   avec la vie
                   Parfois, tu les imites
mal et pas très longtemps
comme eux, tu tentes
d’allumer de longs flambeaux
qui éclairent une arrière-cour
déserte,
mais très vite, tu éteins
le feu
surgi  par hasard
dans la maison des hommes
****
                        Moi
l’aphasique
l’illettré
celui qui perd ses mots comme des clés
et qui radote un beau
langage mité jusqu’à l’os- omble
chevalier qui miroite pour rien
sous les arches de fer d’un
fleuve apprivoisé
Moi
l’homme déguisé
dont on oublie le nom
l’imposteur prudent
le poète désaffecté
au masque usé par la marche
forcée,
écrasé dans le désert
par un long soleil de cendre
celui qui
tire de son sang la dernière réplique
d’une pièce inachevée sur un rideau de fer
et qui
n’a jamais pu arracher le bâillon enfoncé par l’enfance
dans la gorge de l’ombre
****
MONTREAL-PANORAMA
(Extrait)
A Pierre-Yves Soucy
I

 

Penché
au bord
          de ces rues dont la longueur
          donne à l’angoisse
           la couleur du temps
Penché
            tandis que dans l’étrange café,
                        un Poète porté disparu épouse au plus près
                        le silence d’une volupté rousse
                        dont il ne voit qu’un reflet
                        sur le profil de l’ange –
                          Puis,
                        ces buildings comme des poissons
                        morts et qui hurlent aux
                        grandes orgues mouvantes de l’espace
                        et l’accueil
                        d’un ciel désormais hors d’atteinte
                        et le sens d’un Destin
                        qui ferme les yeux sur la marche
                        de celui qui pour la première fois
                        s’égare au cœur d’une seule rue
                        où les arbres demain vont chanter
                        quand naîtra l’opéra fabuleux
                                   d’un printemps tardif
Penché
                        sur cette nuit solaire
                        où l’œil jurera   plus tard
                        n’avoir rien vu- alors que
                        le voyeur a possédé
                        ces arpents sauvages, ce sourire
                        incertain de l’ange dont il
                        fut question déjà
                        et qui appelle.
Quatre poèmes tirés du recueil L’envers du ciel.

Commentaires

” Une poésie est là, pleine d’aveux, d’interrogations, de questions brûlantes qui conduisent parfois le lecteur devant un grand vide empli de la rumeur du monde, une poésie faite aussi de connivences entre le vécu quotidien et la puissance des songes. Comme sous nos yeux, la poésie s’accomplit, complète et illustre avec chaque vers cet univers caché qu’est le poème. Elle a par-dessus tout le mérite de ne ressembler à aucune autre, de ne pas rappeler les œuvres poétiques qui foisonnent aujourd’hui. Par la variété de ses thèmes, par la profusion de ses ressources, cette poésie surprend et enchante au fil des pages. Jean-Luc Wauthier renouvelle sans cesse le pouvoir qu’il détient de recréer la grandeur et les secrets de la vie”. (Albert Ayguesparse, Préface au recueil Tessons d’absence, 1988).
” La grande hantise de la poésie de Jean-Luc Wauthier est un lieu autour duquel le poète rôde, qu’il tente d’investir et de reconnaître, et par les cartes géographiques qu’il en dresse et que complètent, mot après mot, les poèmes ramenés au jour, qu’il tente d’exorciser. (…) Ce lieu obscur qui est l’objet de la quête poétique est un lieu qui n’a pas de définition : chaque poème en éclaire-t-il un fragment que l’ombre revient d’autant plus vite masquer l’ensemble du territoire. Le poète est ainsi le témoin douloureux du combat que se livrent autour de lui et en lui l’ombre et la clarté, la vie et la mort, le bonheur et le désespoir.” (Eric Brogniet, Dossiers L, SLL, 2001).
” J’aime, dans vos poèmes, cette métamorphose des mots usuels en rayons lumineux qui sondent le paysage du dedans, “l’inverse du miroir”, ce Dieu ” à jamais hors d’atteinte”. Il y a aussi une manière revigorante, mobile, de traverser “les vitres de la nuit”, et cela donne au lecteur comme un souffle neuf, malgré toute blessure ” (Andrée Chédid, Lettre à l’auteur, 1994).
“La soif et l’oubli se situe aux sources mêmes de l’affectivité, d’un imaginaire délesté d’artifices et de complaisances, forme contraste avec des œuvres d’imitation dont l’unique enjeu s’établit “de prestige” “. (André Marissel, Cahiers de l’Archipel, 2002)
” Je trouve très beaux ces poèmes douloureux qui éludent toute tentative de rhétorique élégiaque, pour creuser jusqu’à l’os le sentiment qui les a dictés et le langage nu, évident, de l’absence où l’on entre pour écrire ou mourir”. (Jean Rousselot, Lettre à l’auteur, 1996).
” Le certain est que vous êtes poète et, ce qui n’est pas moins important, que vous avez le sens et le goût de la mesure et de la nécessité poétiques. Un poème comme Morteville est d’une composition parfaite”. (Marcel Thiry, Lettre à l’auteur, 1975).
” C’est précisément ce brin d’herbe qui m’émeut, ces apparemment petites choses qui viennent comme subrepticement faire vibrer la surface entre le rien et le quelque chose là où peut être tout se passe. Ce passage, pour y revenir, du particulier vers ce qui compte ne se fait que par la version de l’émotion et ne mène jamais au concept, mais bien au poème à la fois intelligent et sensible. Poésie de l’immanence ? Oui, je crois. Je suis vraiment heureux de placer ce recueil aux côtés de ceux qui me resteront précieux.” (Fernand Verhesen, Journal des Poètes, 2001).