GOYENS Jacques

Biographie

Jacques Goyens est né à Hal, le 7 juillet 1939. Après ses humanités gréco-latines, il effectua une licence en Philosophie et Lettres à l’Université catholique de Louvain. Puis il entama une carrière d’enseignant de français et d’histoire dans une école secondaire bruxelloise. A quarante ans, il obtint le Certificat d’italien à l’Université libre de Bruxelles. Il fut toujours tenté par le démon de l’écriture, mais ce n’est qu’à l’âge de la retraite qu’il décida de se consacrer à la création littéraire (poèmes, romans, essais). Jacques Goyens est membre de l’Association des écrivains belges de langue française et de l’Association royale des écrivains wallons.

Bibliographie

– Les enfants de Munich, roman. Avin : Lux, 1999.
– Harmoniques, poèmes. Avin : Lux,  2000.
– La vie, là-bas, essai.  Millau : Editions Associatives Clapàs, 2003.
– Le partage des eaux. Editions Comédia, 2004
– Chants à deux voix. Clapas,  2006.
– Mon père, cet inconnu, récit de vie. Memory Press, 2008.
– L’insondable énigme, nouvelles. Memory Press, 2010. – Singulier Pluriel, roman.  Editions Edilivre, 2011.
Collaboration régulière aux revues littéraires :

– Le Reflet de chez nous ;
– Les Elytres du hanneton ;
– Francophonie vivante.

Prix littéraire des Baronnies

2003 pour “Le Château enchanté” (nouvelle)
2004 pour “Ganako-sur-Ouvèze” (nouvelle)
2005 pour “Le sanglier et l’abricot” (nouvelle)
2006 pour “La conférence des animaux”

Prix de poésie de la journée du livre de Sablet, 2008 pour “Points cardinaux”
Prix de la nouvelle de la journée du livre de Sablet, 2008 pour “La disparition de Balthasar”

Textes

 Harmoniques

Cerisiers en fleurs
Silence de l’aube
Pureté des sons
de ton âme

Orphée

Do si la sol fa ré
un decrescendo de six notes
et c’est l’extase.
Te rappelles-tu, Giuseppe?
C’était à Bussetto,
au plus fort de la tempête,
cette simple mélodie
et soudain la certitude
que jamais le mal ne triomphera.
Mieux encore: Amadeus!
Trois notes, quatre tout au plus,
et, par un étrange sortilège,
la vraie vie apparaît,
sublime, parfaite,
sans heurts, sans dissonances.
Oui, autre chose ailleurs existe,
que la musique éveille.
Jazz aussi: sonorités, rythmes
surgis du fond des âges,
primitives ardeurs,
obsédantes mélopées
qui redisent sans cesse
le cri de vie de l’homme.
Quand la peur rôde,
trois ou quatre notes suffisent
à vaincre l’angoisse
et peut-être, qui sait?
à vaincre la mort.
Trois ou quatre notes,
c’est le ruisseau qui coule,
c’est l’éclair dans l’azur,
c’est la porte qui s’ouvre.
Qui  dira la force de ce la obstiné
qui transcende toute chair?
Qui dira l’ivresse souveraine
de la dominante,
la surprise énamourée de la syncope,
la légèreté de la trille
dans les premiers balbutiements
du temps?
J’entends la douce plainte
d’une tierce mineure
et le monde m’appartient.
Ô Musique! pacemaker de mon âme,
tu m’emportes dans l’éternité
de l’instant,
rallentando, ad libitum!

Commentaires

Une voix d’or et une voix d’ombre. Ces Chants à deux voix ont des accents qui ne sont pas sans rappeler ceux de Pascal lorsqu’il confiait à ses feuillets que « rien ne peut fixer le fini entre les deux infinis qui l’enferment et le fuient. »

La pensée de Jacques Goyens, qui a choisi le chant pour s’exprimer, une composition en vers de style simple et familier, dont la noblesse est tout intellectuelle, oscille de même entre le sublime et l’abîme, le rêve délicieux et le cruel examen de la condition humaine.

L’être fragile et mortel s’accroche à la mémoire, gardienne des émotions, à l’amour créateur, à la musique, qui divise en douceur le recueil en mouvements du cœur. Il célèbre la beauté insolente de la jeunesse, les séductions du quotidien, du hic et nunc qu’il faut savoir saisir et apprécier, y compris dans ses aspects les plus humbles (que traduit si bien la légèreté du haïku), du songe encore qui aide à entrevoir l’Idéal. Un seul rêve suffit à l’esprit errant pour découvrir le bonheur, connaître en un éclair la fusion des cœurs, l’unité, l’harmonie au sein du monde, atteindre la connaissance pure et parfaite.

Cette postulation-là est essentielle. Elle est la référence vitale pour échapper au piège du spleen, du refus. Les filets de l’angoisse sont immenses et leurs menaces incessantes : le savant chaos a remplacé le silence éternel des espaces infinis, les caprices effrayants de la Nature nous réduisent à peu de choses ; l’homme meurt vite et tôt, et quand il résiste ou qu’on l’oublie, il se heurte à sa quatrième saison, aux faiblesses du sentiment, aux abandons, aux trahisons médiocres, à la bêtise démesurée, au hasard aveugle, à cette infinité de déceptions qui rendent l’existence si difficile à porter.

La vie, une équation rebelle à plusieurs inconnues, mais qui justement, grâce à ses mystères et à ses embûches, peut devenir un itinéraire passionnant et irremplaçable. L’épicurisme souriant auquel l’auteur a recours comme antidote pour ne pas sombrer entre les deux rives lui permet d’accorder à cette poussière d’éternité un charme durable, envoûtant quelques fois. L’écriture favorise cette réconciliation car elle confère à l’éphémère, à l’insaisissable une valeur, une réalité de chair, de couleurs et d’accords que l’on aime à contempler, à répéter comme un refrain de confiance.

On pense à ces « Chants de l’innocence et de l’expérience » de William Blake, qui montraient lyriquement, à l’aube du Romantisme, les deux aspects opposés de l’âme humaine. Jacques Goyens, en fin et lucide moraliste, en appelle avec raison à l’inaltérable poésie pour apaiser son savoir humain, trop humain, et aiguiser son goût pour les belles et divines choses de la vie.

Préface de Michel DUCOBU