Antoine Wauters est né dans la région liégeoise en 1981. Très vite c’est le rythme qui l’éveille. Battre le rythme, inscrire, retranscrire le rythme. En deçà de la clarté, du visible, de la compréhension rationnelle du monde. Se laissera porter, traverser par les battements, pulsations. Sans savoir. Confiance en l’intuition, en ces insondables qui viennent à lui. De la même manière (fataliste ?) ne retiendra pas ce qui s’éloigne. Les énigmes de la vie.
Il passera un temps à Bruxelles. Etudes de philosophie. Break. Etudes de philosophie. Puis Nietzsche. Nada vers l’enseignement. La relation maître-élève. Qui le maître, qui l’élève ? Apprendre quoi, de qui ? Quoi enseigner ? Sinon la vie. Tas de questions sans réponses. Lesquelles le laisse yin. Que le pouls de la nuit frappe, s’entende sur les chemins de poésie.
C’est ainsi que de naître opaque. C’est ainsi que de laisser demain à demain. De voir venir, de voir toucher sentir ressentir. C’est ainsi qu’aujourd’hui ne se fiera pas aux flous de demain, ne résistera pas aux flous de hier. Présent en son empire. Gardant la distance vis à vis de ce qui chavire. Sans y être sensible. Que du contraire. Car une seule chose est nette pour lui : nous venons de l’obscur et retournerons à l’obscur. Et c’est l’affolement, cette chute dans la crudité, la férocité de la lumière qui est la cause première de nos erreurs, de nos perditions. Combien la lumière nous a trompé ! Combien la raison déchantée ! Plutôt battre et laisser la nuit en découdre avec la nuit.
Et l’écriture est. Et l’écriture va, coule, s’écoule virgule après virgule, fuse dans une direction, vers une direction intangible. Fidèle au babil, à salive, à langues et muqueuses. Fidèle au corps, au cours de l’écriture qui joue, se déjoue de l’écriture. Autour du noyau dur de son cri. Serrée, toute proche de la mémoire aveugle, de la mémoire déchirure, de la matrice. Ainsi à la fois la créature et l’ombilic. A la fois la chair, le corps des mutations et la relation à. De genèse à genèse. De la faille à la faille. D’un passage, intermède infaillible. Jusqu’à la mort à la vie (éditions en revue : Plume à poils ; Matières à poésie…) (Ben Ares)
*
Debout sur la langue
« La langue, la parole sont au coeur de ce magnifique bookleg qui peut se lire à voix douce, comme un chant d’avant l’aurore… Une écriture maîtrisée, une force tranquille qui s’en dégage, portées de plus par une voix jeune et nouvelle dans la poésie contemporaine belge. Antoine Wauters est un poète avec qui il faudra compter… » (Thierry Leroy)
« Debout sur la langue est le deuxième recueil d’Antoine Wauters, un jeune poète liégeois plein de promesses, qui vient de recevoir le prix Polak de l’Académie royale. On est frappé à la lecture de cet opuscule par sa très grande cohérence, tant formelle que thématique. Debout sur la langue est composé de poèmes en prose, épousant tous à peu près la même longueur et occupant chacun le milieu d’une page. La cohérence est ainsi déjà visuelle : quand on feuillette le recueil, on est face à une série de rectangles de texte qui se suivent et se ressemblent. Ensuite, les poèmes obéissent à un même usage particulier de la syntaxe et de la ponctuation. Chaque texte alterne les longues phrases où les mots semblent se bousculer et les phrases courtes, qui se résument parfois à deux mots : « Du feu », par exemple (p. 21). Il arrive aussi que les verbes soient employés à l’infinitif ou à l’impératif là où on attendrait un indicatif : « Parle sans goût de bouche, hors de moi, absenté sous la cosse, l’écrin nu de la peau » (p. 22).
De quoi est-il question dans ces poèmes ? D’une sorte de réflexion abstraite sur la langue, réflexion qui se fait parfois tautologique ou qui se traduit par une quête des origines, une recherche paradoxale d’une « parole d’avant le mot » (p. 7), d’une langue corporelle qui ne serait que rythme, « battement sourd, régulier » (p. 4). Le but est sans doute d’échapper ainsi à « cette muqueuse malade qu’est devenue la communication » (p. 15) et de se libérer, par l’écriture poétique, de l’emprise totalitaire de la langue : « Là où je crois dire, je ne dis rien encore. Là où je crois parler, ce sont les mots qui me parlent » (p. 18).
Y aurait-il une tradition de poésie liégeoise ? En lisant Antoine Wauters, on songe parfois à Izoard (par exemple quand les phrases se mordent la queue, comme, p. 26, « La parole est à trouver dans la parole ») ou au Savitzkaya de Mongolie plaine sale (avec des phrases essoufflées comme « Langue d’eau, je la cours, roue d’à-coups sa couleuvre, ses membranes aux doigts gourds » (p. 24)). Mais, à partir de ces influences formelles, Antoine Wauters élabore une poétique très personnelle, de nature plus philosophique que celle de ses glorieux aînés. Un poète à suivre. » (Laurent Demoulin)
« Ce livre est un ensemble de fragments, des proses poétiques qui sont autant de questionnements sur la langue ou de mises en scène de la langue et de la parole (on pourrait évoquer d’ailleurs une démarche similaire à celle de Lorand Gaspard dans son livre Approche de la parole). On sent ici que l’écriture aspire à faire corps avec la matière, avec la terre en particulier, et il n’est pas étonnant d’entendre le poète nous dire : « Lorsque je dis j’écris, peut-être ne faut-il rien entendre d’autre que je me penche, tends la main, ramasse rocs et rochers sonores. » Antoine Wauters – il n’a encore que vingt-sept ans – fait preuve ici d’une déjà belle maîtrise de la langue et il est l’un de ces nouveaux poètes à encourager sans réserve aucune.» (Yves Namur)
*
La Bouche en quatre
« Antoine Wauters aime user de l’ambiguïté des sens pour donner à voir les fruits de sa recherche sur la pensée. Par-delà la confusion générée par les questionnements et les incertitudes, s’exprime avec virtuosité un poète qui se collète élégamment avec la Langue » (Thierry Leroy)
*
Os
« Quarante-deux textes en prose serrée par blocs de deux par page. Serrés comme l’os dans sa gangue. A l’ombre de Bernard Noël et de quelques autres sensibles aux matières drues, nues, charnelles, ce jeune poète sait « hisser le sang au visage », s’invente, inventorie, fauche « lin, lianes », arrache « langue », précipite mots, signifiants en chaîne, jusqu’au tombeau final, où tous nous nous retrouverons, où nous nous retournons… Renversant Wauters? Certes. Ça fourmille d’inventives pulsions.
Textes qui se prêtent à lire, à rire, à dire, à rire jaune…
Textes surtout pleins de neuve poésie.
Des rencontres improbables et pourtant saillantes comme le sens gicle des peaux, du sang…
Le jeu de mot-maux-moi « poussé à l’ange », poussé au « bel art » de dire. De se dire.
Le poète de 1981 ira bien loin. » (Philippe Leuckx)