sa
Chanson de jaloux
Je l'écoute, je l'écoute:
elle affûte des couteaux pour les fous,
et elle a une chienne obscène,
t-elle a une chienne chaude
qui gémis dans l'âme des hommes.
Elle vient par des chemins nocturnes,
son souffle amer moule mon visage,
et ses petites phrases barbelées
écorchent son très pauvre coeur.
Elle suppose, elle insinue
que tu inventes ton amour pour moi
et qu'il y a des indices sur les feuilles
depuis que tu suis l'autre au bois.
Et je l'écoute, et je l'écoute,
et ses mots montent dans ma tristesse
comme ces maison, là-bas,
qui ont l'air plus grandes dans la nuit.
Je le sais bien. Je ne le sais pas.
Homme sulfureux, hostile et batailleur, René Verboom aura hanté toute une génération de poètes, tant par son incohérence apparence que par la rareté de ses textes. D'abord poète de l'amour sensuel _ sur le mode d'Eluard, mais une dizaine d'années avant lui _ il a su rester lumineux et simple dans sa quête d'absolu. Soudain devenu néo-classique, il aligne alors des vers lourd, pompeux mais traversés de superbes réussites de détail. A la fin de sa vie, comparable à celle d'Antonin Artaud, il a écrit des pages mystiques aux litanies lancinantes, d'une insoutenable densité.
Editions Traces Bruxelles 1987 "La poésie francophone de Belgique"