VANDERAA Olivier

Biographie

Né en 1962, Olivier Vanderaa, poète, slameur, participe à de nombreuses scènes ouvertes, tournois et festivals de poésie.
Ses thématiques récurrentes sont : chemins de vie et de sagesse, amour/désamour et fortune, spiritualités, anciens et nouveaux dieux, sexe, mort et renaissance. Il écrit également de la Docu-Poésie, des poèmes à deux voix, des textes militants. Il se produit sous une formule Spoken Word, “Chambres Habitables”, et un premier EP est en préparation.
Tout en écrivant pour lui-même durant les années 90 et 2000, Olivier Vanderaa a pratiqué la prise de son pour le film de fiction et le documentaire, la photographie en tant que langage plastique et l’exploration de contextes urbains à l’aide des Nouveaux Médias (Médias Locatifs).
Organisateur depuis 2013 d’événements de poésie de performance, de Slam et de Spoken Word, notamment au Cercle des Voyageurs à Bruxelles, il fonde deux ans plus tard, avec la complicité de Nuria López Bernal, sa propre association, “De Forme(s) Poétique(s).be”, qu’il veut laboratoire de formes poétiques différentes/nouvelles et tremplin éducatif et social.
“Abreuvements Nécessaires” est son premier recueil de poésie publié en 2015 aux éditions M.E.O., construit autour de la pulsion amoureuse et du cheminement vers la sagesse comme mode de résolution.

Bibliographie

  • Abreuvements nécessaires. M.E.O., 2015.

Textes

Agneaux Royaux
aujourd’hui je suis
le goéland royal
prince du goémon salant
à tue-tête j’agace les goélettes
je suis garçon du vent encore à quai
au port séculaire d’Essaouira
je suis le cow-boy sans son âne
incursion cocasse d’un occident de bazar
disparaissant sous l’étoffe
d’un Tarzan-l’enfant
silhouette noire
effilée sur la jetée
piaillant comme pie grise
s’éclipsant en paire de cerfs-volants
je suis saint mouton mort
au milieu de la croix
braillant une dernière fois
je serai plus tard son gras
fin comme un linge
suspendu sur sa corde
dans l’air clair du matin suivant
je suis ces dizaines
sous l’appel à la prière
au pied de Ben Youssef
je coiffe, décoiffe & rase
je m’appelle Madani
je tiens sainte boutique
dans une impasse oubliée
sur Mellah en bord de Médina
je suis le bronze des canons de misère & de conquête
de Barcelone, de Séville & d’ailleurs
trublion fanfaron
je suis l’équilibre subtil
entre thé vert, sucre,
menthe & calumet
je suis la paix flottant haut sur vos têtes
forte comme l’acajou des coques des chalutiers
je suis ivre de l’odeur du foie
qu’on grille sur les paliers
je donne du sourire aux enfants
du dessin au henna
& des gâteaux aux figues
je donne du thé à l’étranger
car il vient de loin
en terre d’humanité
bismillah, régale-toi!
je suis le bois d’eucalyptus
qu’on embrase au coin des rues
pour cuire les pattes & les têtes
je suis le bon cœur du mouton qui te contente
& ses centaines de peaux sanglantes
jonchant les trottoirs
dans ta mémoire
il ne restera peut-être de moi que ça
apprécie-moi
je suis cette éternité-là!
© Olivier Vanderaa 2015
Essaouira, 3e fête du mouton, 24/09/15
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l’amour scelle les destins
donne moi à boire de cette gravité-là
porte à mes lèvres
cette coupe d’où coulent
ces sublimes soubresauts vitaux
de vice & de salut conjugués
cette laitance de la fortune
débordante flamboyance éclatée
fruit conjugué
à l’infini des passions omnivores
cette coupe emplie du désir de nos corps
happant leur salut dans les chairs
babines célestes
sillons cutanés d’amphitryons
monts & vallons appâtés
géographie humide, frétillante, poissarde
sagaces mers des sargasses où se fécondent nos sucs entremêlés
ton corps me colle au corps
comme ton désir à l’âme
viens me frayer me bousculer
viens parler en langues à mes cavités
de ta voix lactée de mille feux cutanés
me haleter aux tendons
exciter ma glande ombilicale
me ré-attacher au lien primal
viens me parler de la montée du tumulte de l’autre côté
crie-moi ton plaisir en mes fractions intimes
pendant que ma sève te nourrit des racines aux cîmes
bois à la coupe de mon sang pur
le sacré-coeur
ton va & vient mystique
mon bonheur tantrique
abreuve-moi de ce calice-là
maintiens-moi
frénétique
en émoi
© Olivier Vanderaa 2014
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j’ai prié pour le vol UX487
commandant:
l’homme oiseau
l’homme rempart
ce chamane dansant
on avait suivi les trois pistes
dans la trace d’ogive & l’empreinte de la balle
je l’ai porté de toute ma chance
il a disparu de cet écran-là
comme en partance
fidèle à sa destinée
amant de combat
© Olivier Vanderaa 2014
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un temps estival
comme en action
en festival
on tirait sur des civils pour s’amuser
comme un fruitella,
délibéré
au lendemain de la grosse chasse
où on sonnait le cornet
comme à la Saint-Hubert
toutes ces cartaches
une drache de plomb fondu
on avait confondu
un obus dans le 11e
& puis l’ivresse de canonner les fermes
c’était trop vert
on voulait le désert
la performance
en six éclairs
on en butait 30
d’autres restaient
percutés au culot
c’est mal, on le savait
alors on a éteint la conscience
émis nos pollutions
un compte de crevaison
© Olivier Vanderaa 2015
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(sous-titre: même les animaux ne sont pas des salauds)
& voilà que demain est devenu aujourd’hui
& mon jardin, aveugle sous la fleur nouvelle
nos pieds calleux butent déjà sur les pierres disjointes du chemin
mais nos têtes
avisées & primesautières
s’électrisent
& se sustentent plus que jamais
aux sources de l’esprit
oui,
demain n’est pas encore mort
même si on n’en est jamais loin
& toujours peuplé de dieux dansants & allègres
comme l’érection qui se confond au royaume câlin des érudits de perse
& file un sage coton
enchaîne en vagues
ces musiques de compassion
demain danse pour l’universel
même si des chocs rouges sans répit toquent à l’horizon
même si en chemin des gâchettes gâtent les gouttes de paix
les dieux ne sont parfois pas compatissants
ça fait beaucoup de mammifères
laissés pantelants aux carreaux du temps
sacrifiés
écharpés aux barbelés
demain est devenu aujourd’hui
avec ses protubérances armées
se diluant dans l’enfer
comme avant comme hier
c’était nuit & brouillard
maintenant c’est nuages chimiques
c’est mort & cendre & sang
c’est océan de noyades
& ça s’étend
bravement
on affronte & on pourchasse
du petit tank à la grande armée
de la rafle organisée
des murs derrière les murs
des alibis d’enfer aux dissimulations financières
& les discours d’esprits courts sont d’application
demain est devenu aujourd’hui
honteuses sont devenues les politiques
du rempart & du profit
durs temps pour ceux qui viennent chercher refuge
en la forteresse mère
les morts en mer laissent amères
nos langues de bouddhas intranquilles
endolories nos chevilles de galériens enchaînés
contraints d’assister au désastre depuis l’autre rive
éthiopien, pourquoi es-tu mort?
si ton corps flotte encore
c’est une bouée jetée à la faillite des sociétés
c’est que remonte à la gueule la noirceur des grands fonds
ça nous rappelle l’immonde sur lequel on a souvent bâti ce monde
& nous autres en terres de pseudo-paix qu’on contrôle
du renseignement comme science bien informée
des données utilisées, VOUS êtes le produit
fuites planétaires contre procédés de sorcières
& sociétés très privées en charge du génie des frontières
mais t’as vu mais t’as pas vu?
demain est devenu aujourd’hui
& tu te demandes pourquoi ta sœur est partie
pourtant tu sais
en dedans
qu’existe la congrégation du néant
comme en tout flanc
demain est pervers mais tu n’y peux rien
c’est les morts sur le chemin du mal
sur le chemin du bien
& tu n’en sais rien
foutrement rien
demain est devenu aujourd’hui
c’est le temps des rois d’une autre ère
& des prophètes pris à la lettre
des idées biscornues sur la pureté
& la pudeur
qu’on confond avec dignité
hier aura mangé tout cru demain qu’on croyait sans fin
mais on le pressentait
demain s’est annoncé parfois étrange
mais autant
confine à l’absurde
laisser crever dans l’abondance
est un crime
ne pas être attentif à ce qui nous entoure
est maladif
de la désespérance d’un canal
coulant sous des cieux blancs
mais on entend
effrontément
comme un vacarme incessant:
“booste ton bizz boy
booste ton bizz boy
booste ton bizz boy
boy booste ton bizz-ness”
parfois malgré ce qu’on nous injecte
je vois la fin & je vois l’éternité pavoisant
je vois le grain germé
je vois l’humanité levée
je vois les arcanes du temps & les origines des mondes révélés
je vois les portes pures
nettoyées
en attendant
certains meurent de commencer
largués au cru du hasard
touchés d’être nés sous d’autres destinées
demain est devenu aujourd’hui
& il faut laisser partir déjà
ce qui nous succédera
mais jamais
au grand jamais
nous résigner
© Olivier Vanderaa 2015