LES HEURES
1
Minuit a sonné.
Comme un cri taillé dans le roc
Ton silence est debout
sur l'ombre de nos ossuaires.
Un instant le temps s'arrête,
retient son souffle,
suspendu comme une vague
qui s'accroche à sa crête
et retombe dans le creux
d'où elle prit son départ.
Le silence cogne
comme le ressac
qui, sans répit,
recule et repart
à l'assaut de la falaise
L'univers frémit d'impatience.
Debout à l'heure de minuit
l'être prend toute sa mesure.
Comme une ramure gigantesque,
comme une croissance irrésistible,
l'être envahit l'infini de Ton silence.
2
La démesure de Ton univers
n'a d'égale que la démesure de mon ignorance.
Non, ce n'est pas mon savoir,
ce n'est pas ma sagesse qui ont grandi.
C'est mon ignorance
qui croît comme une ombre
en filigrane de Ton univers
à l'heure de minuit.
Tels des fruits d'or
les étoiles brillent
pareilles aux pommes d'or
au jardin des hespérides.
Au cœur de la nuit un fruit trop mûr
tombe d'un coup sec sur la terre.
Une flèche fulgurante sillonne
un ciel en feu.
Mes mains en gardent les brûlures et les cendres.
Qu'une poussière tombe
et l'univers en résonne.
Extraits de Les Heures de Thèbes, Éd. Saint-Germain-des-Prés, 1988, p. 43-44.