STUBBE Gwenaëlle

Biographie

Née à Bruxelles en 1972, Gwenaëlle Stubbe vit aujourd’hui à Ivry-Sur-Seine, en France.
Poète et dramaturge, elle débute en 1999 avec “Un serpent de fumée”, suivi de “Le Héros et sa créature” en 2002.
Elle a publié une pièce de théâtre “L’incroyable histoire du Grand Gelbe” en collaboration avec Laurence Vielle.

Bibliographie

  • Un serpent de fumée, avec De Taeye Camille. La Pierre d’alun, 1999.
  • Salut, salut Marxus. Romainville : éditions Al Dante, 2006.
  • Ma tante Sidonie, P.O.L., 2010. 116 p.

Participation à l’anthologie:

  • Le siècle des femmes

Prix Lockem et Nicole Houssa
Prix AMIC de l’ académie française, 2003


Textes

L’aube

une aura de salive de montre
la même inclinaison
même lait de peaux mortes
même rampe à son bras
même sève tachée
un tissage qu’on ajuste
dans des lits froids
dans des lits jaunes

~~~

être un homme bien condensé bien entassé
et toujours une femme
en robe rouge qui contourne le noeud
des arbres
quelques mèches courbes contre sa joue
il n’est pas permis de se coller mille cadavres
d’oiseaux dans sa chevelure
de se soulever comme un vautour
un sifflement de bec un lambeau dans sa gorge
et bercer ma tête
dans le cercle de ses ongles

on retire l’homme de cire
au fil de ma main

qu’attendre
on accumule ses enfances
sur des pouces alignés

de quelques roues au bord du lac
on lave la femme
de quelques rainures dans les yeux
on passe et on repasse son corps
en filigrane
sur la route on recueille sa peinture blanche

~~~

mes bras vibrent sur la côte du bois
on glisse des rainures de miel

ses veines de cire
improvisent des partitions sur l’écharde
on roule des copeaux sur la langue

j’avais détaché ma tête
on s’amusait à la voir
posée sur les calices les candélabres
les cartes s’agençaient dans ma main

des lustres on étirait les marionnettes
un théâtre bâti sur la tangente du bras

Extraits de Partition sur l’écharde

Définition du clams

C

Le Clams est un objet de mer très ligné avec une substance gluante au centre qui fait immédiatement penser à de l’oeil.

Le Clams est un objet de mer très ligné avec un peu de peau d’Adélaïde jetée par-dessus.

Qu’est-ce que tu fiches là, Adélaïde ?

Le Clams est un objet de mer qu’on ne trouve pas spécialement près de la mer, on peut le trouver aussi ailleurs.

Le Clams est une coquille abrupte et forte.

Pourquoi ?

Parce que ses rayures se règlent.
Un pneu s’il le veut, tombe pile avec sa trace dans les rayures du Clams et peut l’utiliser comme piste cyclable, piste…

Il peut faire marche arrière sur Le Clams ou tester ses freins.

Le Clams est une espèce en pleine croissance.
Très convoitée pour les dessus de porte, de cheminée, comme l’était antécédemment les hiboux.

Le Clams organisme très ligné, grandes rayures, taille prise, et séjour-silhouette d’un oeil au centre.

C’est un objet citoyen.
Poussé par une coulure de boue ou de goudron. Inanimé l’objet Clams glisse sur des coulées bien organisées.

C’est un organisme marin conçu sous mer, et fabriqué à l’aide de postillon d’algue et autre végétaux de type mourant, le tout ensemble, met au point Le Clams, et son contenu pas loin d’ un oeil un vrai.

L’intérieur de la gueule du Clams est dessinée vers l’extérieur, au lieu de voir les lèvres, on voit les dents et une langue assez absurde.

Il y a pas très loin, un banc de sable, où résident des versions asséchées de Clams, toutes avec une langue sortant démesurément de la fermeture, qui se laisse tomber sur la surface du Clams, et la recouvre entièrement comme une patte d’étoile de mer sur laquelle on irait en sens contraire.

Commentaires

À travers ses étranges personnages, Gwenaëlle Stubbe pointe ces “gestes intérieurs” dont parle Henri Michaux : “ceux pour lesquels nous n’avons pas de membres, mais des envies de membres”

Quatrième de couverture pour Salut, salut Marxus.

 

Gwenaëlle Stubbe est une Belge dont les textes piquent. “Ma tante Sidonie”, son nouveau recueil, parle de la guerre et interroge le sens des mots.

Peut-il exister une autre tante Sidonie que celle qui apparaît dans Bob et Bobette ? Non, bien sûr, et c’est à elle, « figure succincte de BD qui carbure en pleine guerre avec ses troupes », que fait référence Gwenaëlle Stubbe en intitulant son recueil de textes et de poèmes contemporains Ma tante Sidonie. Une façon détournée pour celle qui a fait des études de lettres (et une thèse sur le poète Carl Norac) de rappeler ses origines belges, même si la jeune femme de 38 ans vit à Paris depuis le début des années 2000. Tante Sidonie interviendra à plusieurs reprises dans ce livre qui tourne et retourne dans tous les sens la notion de guerre. Celle du Rwanda, où l’auteur s’est rendue en 1994 et qu’évoque Jean Hatzfeld dans plusieurs livres qu’elle a lus. Celles d’hier, d’aujourd’hui, de demain aussi. Les textes de Gwenaëlle Stubbe sont tellement personnels que chacun en fera sa propre lecture. Une certitude : pas une once de gras dans ces phrases polies à l’extrême, déconcertantes, dérangeantes. Des mots juxtaposés qui explosent de sens. Qui fouillent partout, traquent l’incongruité des choses, interrogent. Des mots qui explorent les sons et leur prêtent une autre dimension. Tante Sidonie y revient sans cesse, avec son sacré caractère. D’autres personnages lui tiennent compagnie, révélateurs eux aussi de la nature humaine. Très active dans le milieu de la poésie contemporaine (lectures-performances), en français comme en néerlandais, et des ateliers d’écriture (même pour les jeunes des écoles), Gwenaëlle Stubbe a jusqu’à présent davantage publié dans des revues, des anthologies et des recueils (depuis 1999) que des livres qu’elle signe seule. Son précédent était Salut, Salut Marxus (Al Dante, 2006). Celui-ci paraît chez P. O. L., la maison d’édition à qui elle avait adressé un recueil quand elle avait vingt ans. Le livre avait alors été refusé, mais l’éditeur l’avait encouragée à poursuivre son travail. Gwenaëlle Stubbe a de la suite dans les idées. Aujourd’hui, en parallèle à un doctorat sur la poésie contemporaine (fonctions de la répétition) à Lyon, elle étudie la sociologie pour mieux percevoir le milieu des traders. Qu’y fera sa tante Sidonie ?   Source bibliographique: CAUWE, Lucie. Quand la poésie s’en va-t-en guerre. In: Le soir [en ligne]. Vendredi le 17 décembre 2010 [consulté le 10/01/2011]. Disponibilté et accès :  http://www.lesoir.be/culture/livres/2010-12-17/quand-la-poesie-s-en-va-t-en-guerre-809366.php