Extrait de Mes hamsters
Deux bruits me restent de l’enfance
Le couinement de la balançoire
Fabriquée par mon père
Et le grincement de la roue des hamsters
Enterrés tour à tour
Dans le jardin familial
Debout sur ma plaque
Cramponnée aux cordes
Je défie du regard maman
Elle qui m’observe depuis son antre
Tolère cette provocation
J’aime la tracasser par mon envol
Et ébranler ses convictions
Dans les limites de cet accord
Nous évoluons
Moi tendant vers le ciel
Elle gérant ses palpitations
Entre deux préoccupations ménagères
Elle cherche le prétexte
Qui mettra fin à ma liberté conditionnelle
Et le moment vient
Du dernier mouvement
Car il n’y a jamais de mauvaise raison
Et c’est soulagée qu’elle m’appelle
Pour un riz au lait
Une orange pressée
Ou le poulet rôti qui attend
L’odeur de la sciure
Agréable au début
Et vite insupportable
La roue
Le soir surtout
Les dents exhibées sans cesse
L’arrière-train qui s’allonge
Quand on tente d’attraper la bête
Mini queue de rat
Petites crottes dans le bidet
Lors du bain qu’il ne fallait pas donner
Le premier hamster mâle
Était femelle
Et mère d’une fameuse ribambelle
Elle nous a aidés à l’évacuer
En grignotant un bout de sa portée
D’autres se sont succédé
Menant leur brève existence jusqu’au terme
Je me souviens d’eux pour la plupart
Celui qui s’échappant du bagne
Se retrouve à la cave
Perdu dans ses pensées
Celui dont le ventre gonflait vers la fin
Et le coup de bêche
Qui abrège les souffrances dans le jardin
Et le deuxième coup qui donne forme à la tombe
Et le troisième qui dedans le dépose
Et le quatrième qui tasse la terre
Mon dernier hamster
Portait un nom de dessin animé
Ce qui ne l’a pas empêché de crever
Fragments sonores et interview
https://sonalitte.be/2022/03/25/veronique-roelandt-mes-hamsters/