CONFLUENCE
Marée basse,
Je plonge dans la vague,
Je rentre chez moi.
Mon entrée est pleine de sable chaud,
Encore tout doré des rêves de la nuit.
Au porte manteau, du varech toujours humide
Des saillies de l’aurore.
Au salon, la vague déroule son tapis,
Coquillages des chairs qui se donnent
A voir.
Entre le lit des golfes,
Aux fonds de galets blancs, et
La table de mes chevets enchevêtrée,
Gisent, les reliquats des nausées nocturnes.
Sur mon bureau, un sang d’encre
Attend la confluence,
Pour écrire toute la nuit,
Les fluxions océanes.
Le Cosmos tout entier,
Est un océan de vagues et de symboles.
Sur le parquet,
Les restes des nuits blanches,
Toutes perturbées des étreintes,
Des marins et des chercheurs de Sens.
Dans un silence, meublé de mots pleins,
Un horizon au-delà de la cuisine,
Oratoire des grands contemplatifs.
Derrière, à l’ombre des rideaux,
Le laboratoire des poètes et des alchimistes,
Pour écrire, à fendre les feuilles blanches,
Et tout récapituler, mot à mot,
Par, avec et dans le Verbe.
Les vagues de la vie, successives, dépressives,
Excessives, répressives, irrésistibles … fluent
Et réalisent le projet de nos rêves,
Soutiennent à fleur d’eau, arc de
La Parole tendue, comme érection.
Et moi, je pleure le grand large,
Les yeux, pétulance des sels,
Comme pleins d’exubérantes ardeurs,
Zèle des noyés, vivacité des grands nageurs.
Le vent souffle fort dans la salle à manger,
Il y a de gros nuages au plafond.
Je sors sur la terrasse pour prendre l’air
Un peu, à pleines vagues, illumination, bruine,
Chez moi, comme dehors, il pleut comme des retombées,
Marines.
Retour violent des vagues sur elles-mêmes,
Lorsque les pensées sont frappées,
Contre l’obstacle des rétines.
Les ressacs de la pleine mer, fluent,
Dans les anfractuosités de mon appartement.
Ils écrivent par le déferlement des mots,
Comme des vagues nues, qui montent jusque mon lit.
La baignoire n’est pas pleine, du sang salé des poètes,
Aux grandes saignées des grandes marées,
La plume n’est pas là pour écouler les veines.
****
ROULEAUX D’ECUMES
Connaissez-vous les saillies de la nuit,
Ces cauchemars humides qui vous trempent le lit ?
Rouleaux d’écumes comme des compresseurs,
Qui angoissent l’oreiller au bord des draps mouillés,
Roulé-boulé des vagues qui ne cessent de tomber,
En se roulant sur nous, en boule comme de peur,
Connaissez-vous bien, ces grands rouleaux d’écumes,
Qui, bobines bavantes, nous roulent
Sur nous-mêmes, et rouillent nos regard ?
Si vous ne savez pas, les saillies de la nuit,
Alors nagez, bougez, sortez, et puis vaguez …
Aérez-vous de balades mouillées.
Cocooning de flots bleus, de silence, de présence,
Pour être là, au bon endroit, quand la marée remonte.
La vague roule des pelles aux corniches crayeuses,
Aux saillies naturelles surplombant nos regards.
Escarpement des sens et chemins de traverse,
Que le poète prend pour monter aux à-pic,
D’une écriture lourde en sel,
Et en intuitions moites.
Chemins d’écritures, qui surplombent les feuilles,
Où s’écrivent l’impossible et l’inconnaissance.
Comme aux confluents de plusieurs inconnues,
Là où deux cours d’eaux, se mélangent en nos bouches,
Pour parler de la vie, et nous dire la mort ;
Là où deux sources, s’origines et se finissent ;
Là où ciel et terre, enfer et paradis se rejoignent,
Au seuil des purgatoires.
Comme à la fine pointe, au sud d’une lointaine Sicile,
Flux, reflux, fluxions des eaux entre passion et Passion,
D’un Verbe qui se meurt pour nous tous.
Souffrance à même la plage, où les croix poussent
Droites, comme pousse les arbres.
Pointes de terres et de chairs au confluent de deux cours d’eau,
Qui jaillissent du jardin d’Eden,
Qui sorte de dessous le trône, et
De dessous le Temple, s’éclaboussent de vie.
365 jours de flux, la mer va porter plainte,
Pour le jour de trop, qui fait déborder la vague,
Elle va porter nos plaintes,
Au-delà des lointains horizons.
365 jours de marées bissextiles
Portées tous les quatre ans,
Aux biceps des vents.
Rouleaux d’écumes à bobines savantes,
Au style austère, comme rouleaux de pierres
Romanes, au seuil des couvents.
Les ondes des bénédictions marines,
Hostiles au feu de Saint-Elme,
Oscillent comme berce mon cœur,
Nausée, au grand mal de la mer.
Nauséeuse, pissantes, jutantes, purifiantes,
Lourdes et coulantes aux gargouilles des falaises,
Toutes fouettées de lames violentes.
Comme saignantes des fluxions de la nuit,
Grandes menstrues au sommet des flots.
Suppurantes, fluantes et refluantes,
Du flot de nos humeurs,
S’égouttant aux replis de l’espérance,
Dégouttant aux saillies de la foi
Filtrant l’Amour de toute part.
Bandes enroulées d’eau de formes vivantes,
Comme sirène des parchemins écrits à l’encre de la vague,
Sirène de papiers, Sirène de tissus, comme s’ouvrent
Les voiles pour dévoiler le jour.
Au bout du rouleau, la vague se défait,
Ne n’avoir rien à dire, elle se nourrie d’échos
À la fin de sa vie, elle repart de plus belle.
Comme cheveux enroulés aux bigoudis des eaux,
L’Esprit de la vague, déferle sur les plages,
À rechercher La Grâce, pour se vêtir de vents.
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PAROLES FETE DE CHAIR
Collusion des vagues qui flux et reflux,
Des mots qui se disent pour mieux
Nous dire.
Entre l’Adriatique et la Méditerranée,
Comme l’eau se mêle au vin,
Le Verbe se mêle à l’homme,
Douloureuse incarnation de la
Parole, fête des chairs.
Mailles d’eaux aux fils des vignes,
En terre de Cana, lieu des roseaux.
Canaan, terre basse, terre promise,
Des poètes et des prophètes,
Tes eaux se mêlent aux sels.
Collusion des mots comme mêlés d’émaux,
Complicité à même l’éclat de la voix,
Des poètes aux radeaux des Méduses.
Les mots s’accolent, se déclinent, se déclament,
Les mots se disent, se conjuguent sans fin,
Pour dire le Logos en pleine expansion.
Collés mot à mot en pleine expression,
Comme art-ti-culés aux tonalités et
Aux consonances des vents et des échos.
Accord sur la portée du langage,
Mers Égée, d’Oman, bleues,
Mers Noire et Caspienne,
Mer Rouge des sangs.
Mers Ionienne, Tyrrhénienne, bleues,
Ligure à la lisière des eaux mortes,
Vos eaux se mêlent, comme les mots s’emmêlent,
Aux plis et aux saillies des grands océans,
Entre Terre et Ciel, monts et marées.
Les sept mers, disent le flot du Verbe,
Logis du Logos, habitations de houles,
Visitations de vagues aux falaises
De nos nudités, et de nos pauvretés,
Humide humilité.
Roland REUMOND