QUAGHEBEUR Marc

Biographie

Dans Tournai, ville en ruines avec près de 50% de son habitat touché par les bombardements, Quaghebeur naît le 11 décembre 1947.

Trois ans plus tard commence une enfance auprès d’un grand-père maternel aimé et vénéré, qui vient de fermer son usine de chaussures parce que ses associés, détenteurs du capital, se refusent à moderniser l’outil.

Venue au monde, en 1952, de son frère Philippe, avec qui il partagera la passion de l’art, lieu d’un dialogue infini, lieu transcendé d’un monde d’où le religieux s’est retiré.

Études primaires dans une école de son quartier, puis secondaires au collège Notre-Dame avec des maîtres sévères qui donnèrent le goût du savoir et des cadres suffisamment solides pour qu’on en puisse sortir. Pratique le scoutisme, ce qui lui permet de découvrir la campagne tournaisienne, devient le chroniqueur de la troupe.

Études universitaires à Louvain l’ancienne. Y connaît la dynamique généreuse de la vie communautaire, l’infamie du Walen buiten, le choc profond de 68 et la difficulté d’inscrire ces idéaux dans les faits. Reçoit l’enseignement de Jacques Schotte et de Louis Bolle. Prépare sous leur houlette au F.N.R.S. une thèse de doctorat consacrée à L’Œuvre nommée Rimbaud.

Publie ses premiers poèmes en 69, dans le recueil collectif Six jeunes poètes, conçu par Robert-Lucien Geeraert, l’animateur d’Unimuse. Rencontre Yves Bonnefoi qui lui fait découvrir Celan; entre ensuite en relation avec Jouve et Mascolo.

1975 est l’année de la défense de sa thèse après qu’une camarilla conservatrice a tenté de l’empêcher d’en achever la rédaction, avant de lui barrer par la suite les portes du champ universitaire.

Un an plus tard paraît Forclaz, chez Oswald, juste avant la faillite de celui-ci. Assiste au colloque «Tel Quel» à Cerisy-la-Salle avec Frans de Haes.

1977 le voit devenir conseiller littéraire et théâtral du Ministère de la Culture française à Bruxelles. Il est amené à promouvoir les méconnues lettres belges francophones et y consacrera désormais l’essentiel de son activité scientifique. Découvre en sa ville natale, à travers Conversation en Wallonie de Jean Louvet, la maîtrise et le projet théâtral du metteur en scène Marc Liebens avec qui il se lie d’amitié tout comme un peu plus tard avec René Kalisky et Jean Sigrid.

Voit mourir d’anorexie sa première femme, Danièle Perrot, dit Nanou Richard, dont il est divorcé. Entreprend d’écrire le cycle de la morte dont la composition s’étalera sur quinze ans.

Avec Paul Willems, joue un rôle décisif dans les manifestations d’Europalia-Belgique en 1980. Construit et développe avec Joseph Hanse le Musée de la Littérature, tout en promouvant les grandes collections patrimoniales (Passé-Présent, Espace Nord, Archives du Futur) consacrées aux lettres belges et en en multipliant les structures de diffusion.

Baises pour l’histoire de nos lettres paraît en 82, suscitent des polémiques violentes dans la mesure où elles lient le devenir des oeuvres littéraires à l’histoire.

C’est chez Fata Morgana que sortent l’année suivante les poèmes de Chiennelures.

À partir de 1985, entreprend une action systématique en faveur des lettres belges à l’étranger, tout en se battant en faveur d’une conception plurielle de la francophonie. Début d’une correspondance régulière avec Henry Bauchau et Jean-Claude Pirotte; rapports amicaux aussi avec Sarah Kalisky, peintre, et Marc Trivier, photographe, d’où naîtront des oeuvres en intime collaboration.

Devenu en 89 commissaire au livre de la Communauté française de Belgique, prépare diverses expositions consacrées aux Irréguliers du langage et plus tard à Paul Nougé. Découvre le Congo-Zaïre et met en chantier une série d’actions interculturelles sous la dénomination Papier blanc. Encre noire, parmi lesquelles la fondation de la revue Congo-Meuse.

En 90 est impressionné par la découverte du palais de Charles-Quint à Yuste, ce qui engendre plusieurs textes autour de la figure de l’empereur et du XVIe siècle. Dégoût accru pour le cirque littéraire et pour l’imposture de la posture de l’artiste

Bibliographie

Poésie

Forclaz, Paris, P-J. Oswald, 1976.

L’herbe seule, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979.

Chiennelures, Montpellier, Fata Morgana, 1983.

L’outrage, Montpellier, Fata Morgana, 1987.

Oiseaux, Amay, L’Arbre à Paroles, 1983.

À la morte, Montpellier, Fata Morgana, 1990.

Les vieilles, Liège, Tétras-Lyre, 1991.

Les carmes du Saulchoir, Toulouse, L’Ether vague, 1993.

Fins de siècle, Amay, L’Arbre à Paroles, 1994.

L’effroi L’errance, Soumagne, Tétras-Lyre, 1994.

Nouvelle

La nuit de Yuste, in «L’Année nouvelle», Bruxelles, les Éperonniers, 1990 (p. 227-230).

Essais

Balises pour l’histoire de nos lettres, Bruxelles, Promotion des Lettres, 1982; rééd. Bruxelles, Labor, (Espace Nord), 1998.

Un pays d’irréguliers, Bruxelles, Labor (Archives du futur), 1990 [en collaboration avec Véronique Jago et Jean-Pierre Verheggen].

Lettres belges. Entre absence et magie, Bruxelles, Labor (Archives du futur), 1990.

Roman

Les grands masques, Renaissance du Livre, 2012.

Collaborations :

De nombreuses revues et divers quotidiens ont accueilli des textes de Quaghebeur comme Les Lettres romanes, La Libre Belgique, Cahiers internationaux du Symbolisme, La Revue nouvelle, Alternatives théâtrales, Le Journal des Poètes, Lectures…

Histoire :

Congo-Meuse, n° 6. Aspect de la culture à l’époque coloniale en Afrique centrale : formation, réinvention. En collaboration avec Tshibola Kalengayi, Bibiane, Ed. L’Harmattan – Archives et musée de la littérature, 2008.

Congo-Meuse, n° 7. Aspect de la culture à l’époque coloniale en Afrique centrale : littérature, théâtre. En collaboration avec Tshibola Kalengayi, Bibiane, Ed. L’Harmattan – Archives et musée de la littérature, 2008.

Congo-Meuse, n° 8. Aspect de la culture à l’époque coloniale en Afrique centrale : presse, archives. En collaboration avec Tshibola Kalengayi, Bibiane, Ed. L’Harmattan – Archives et musée de la littérature, 2008.

Congo-Meuse, n° 9. Aspect de la culture à l’époque coloniale en Afrique centrale : le corps, l’image, l’espace. En collaboration avec Tshibola Kalengayi, Bibiane, Ed. L’Harmattan – Archives et musée de la littérature, 2008.

Textes

Delta
Noyé

Les
Mouettes

Plus
Vertes

Que
Le sang

*

Un puits
Sanglote

Chambres
Pourtant

Les
Glottes
Roses

Lendemains
D’yeux
Qui crèvent

*

Guerre
aux cieux
Clos

Les
Râles

L’oeil
Voit

La mort
C’est
Dieu

*

Fruit
Continuel

Des roues
Sans bielle

Traçant
Contour

Des cuisses
De brouillard

*

L’estuaire
A déterré
Jusqu’aux
Artères

L’océan
Livre
Ses
Fougères

L’argile
De la morte
Hésite
Encore

Commentaires

Défenseur radical des préceptes “minimalistes”, Marc Quaghebeur n’accepte ni le chant ni le discours ni la phrase complète.  Ses textes se contentent de quelques mots qui doivent suggérer ou une attitude ou un paysage ou une simple atmosphère.  Leur nudité les empêche de faire rêver, le lecteur étant appelé, en somme, à organiser son propre poème.  Il arrive, de loin en loin, qu’une sorte de dimension invisible s’y insinue, comme à l’insu de l’auteur.

 

 

La poésie francophone de Belgique (1928-1962). Bruxelles : Editions Traces.