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Les cordes de ton corps
Les cordes de ton corps sur lesquelles je joue
Un air où chaque note a l'accent de l'adieu
Sont un chemin plus sûr que ces murs où j'avoue
N'avor rien vu de mieux que l'absence de Dieu
Une seule guitare a suffit pour que naisse
Au hasard d'un pays mille fois inventé
Cet instant de bonheur qui sera ma jeunesse
Ton corps est le soleil de mon éternité
Visage que Renoir eût aimé tu me sauves
Des miroirs déformants où l'homme seul se voit
J'aime tes yeux de biche où sommeillent des fauves
Les orgues de l'amour se cherchent dans ta voix
La démarche du temps à la tienne ressemble
(Mais le temps seul poursuit sa marche quand tu dors)
Nous sommes deux enfants qui s'avancent ensemble
Vers l'ombre qu'on devine au font du corridor
Gérard Prévot incarne assez bien un état d'esprit qui règne à la fin des années 50 et au début des années 60: le désarroi d'une génération qui réagissait contre les premières attaques du langage éclaté. Influencé par Aragon, il est un poète d'époque, et se relit assez mal. La générosité, la révolte pour la révolte, l'engagement hugolien sans la nécessité d'une idée précise: tel est le destin de cet homme tragique. Mais si on s'abandonne aux flots de son tempérament, on devine en lui un véritable don de soi.
La poésie francophone de Belgique (1903-1926), Bruxelles, Éditions Traces.