sa MOES François-Luc - Maison de la poésie et de la langue française de Namur

MOES François-Luc

Biographie

Né à Thisnes-en-Hesbaye, le 13 avril 1938, il a achevé ses Humanités Anciennes au Collège Sainte-Croix, à Hannut, avec un Prix pour un travail sur l’Esthétique, en 1957. La même année, il entrait en religion à l’Abbaye de Maredsous, le 4 septembre 1957. Il est envoyé en fondation au Monastère de Gihindamuyaga (Rwanda), 1961-1963. Prêtre, à la Cathédrale Saint-Aubain, le 16 juillet 1967. Il reprend « définitivement » le chemin du Rwanda, du Monastère de Gihindamuyaga, du 25 mai 1970 au 16 juillet 1994. Il y a assuré l’accueil, notamment. Il s’est passionné pour l’œcuménisme, l’interreligieux, le zen, la santé mentale, l’éducation, etc. Avant qu’il ne connût l’Horreur des Cent Jours au Rwanda (avril-juillet 1994), il est revenu, le 17 avril 1994, dans son monastère de profession, à Maredsous. Il a contacté la Maison de la Poésie. Eric Brogniet l’a résolument encouragé à l’écriture. Il publia son premier recueil : « Apartés », en fit une lecture-rencontre à la Maison de la Poésie, le 30 mai 1997. Le 21 décembre suivant, on en lisait des extraits à la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles.

Bibliographie

  • Apartés, 1997.
  • Sillons, distiques, inédit.
  • Ambres, prose poétique, en préparation.
  • Issues, «prose poétique, à l’italienne.
  • Sillons, distiques, 2008.
  • Nielles, poèmes libres, 2010.

Par ailleurs,

  •  Mutabazi, [L’émissaire], Kigali.
  •  Journal, (1976-2001].

Textes

[Sillons]     131. Mes mailles au lac à tel point baillaient lâches Qu’il m’y prit l’idée de devenir passeur d’âmes   132. Curieux comme peut peser le péché, le passé, L’impuissance à penser un projet qui plaise   133. A choisir, je préfère l’enclume Le marteau ? C’est tellement massif !   134. Celui qui s’approche fait la part belle Aux possibles, à l’avancée   135. Privé soudain de la brise exquise des sous-bois, J’ai gagné l’orée où sentir les magies de l’espace   136. J’envie déjà ces moments d’évidence Comme un ciel vif, sans la moindre nue   137. Plante au point focal de ta parabole L’arbre branchu aux mille et un oiseaux   138. Jour après jour, je tricote ma vie De fil en aiguille, maille à maille   139. Au gré des allégresses ou en dépit de mes peines, Je grappille des bonheurs à la surprise du menu   140. Qui n’a maraudé d’angoisses N’aimera la pierre de touche   …/…     [Nielles]   Anamnèse   Au coin bourguignon d’un salon ducal, En surplomb d’autant d’ondes saumâtres Où stagne une eau bistre mêlée de ténèbres, Me suis souvenu des dîners fins partagés en famille Autour de ma mère déjà requise par ses mélancolies Jusqu’à choisir, en héroïne indomptable du don, la seule issue qui l’intronisât dans la paix   Elle a pris congé des siens pour aller son destin, Telle une tragique et raide cariatide Engloutie en ses voiles diaprés d’amertume, Coiffée d’une couronne aveugle, Bordée de gemmes saturnales   Passé les décennies du dépit, de la tristesse, La roue n’a pu boucher les nids du souvenir   Est-ce ainsi que j’ai ressenti, lors d’une soirée, A ciseler les lendemains d’une amitié d’étain, Au fil étale du miroir des baumes, Un rai de lumière qui lançait le halo de l’espoir ?   Soudain de biais un cygne au col digne, Assez vaillant pour jouer franc, Me fixa gaillard d’un regard orange noir, M’embrassa de son vaste poitrail d’hermine Qu’avivait sa vibrante envergure     C’était le signe, l’annonce, le présage Du temps neuf survenu après des temps De doutes, de geôle et d’asthénie, De mirer en face de la vie l’avers de l’avenir, Au timon, redresser la barre d’aplomb     L’urgence d’aller voguer pavillon blanc, Sur tous les camaïeux du monde, Perler de nacre les grains de l’adamantin, Lisser d’apprêts les regrets de jadis, Filer fier et doux sur le reflet de l’eau, En avant tout, un adieu au frisson de sa queue …/… [Ambres]   Pavé     Il y a des enfants nés sous une bonne étoile, d’autres, à la belle étoile. Il y a des enfants nés à côté de chez eux ou, comme il arrive souvent, en l’absence de leurs parents. Il y a des enfants nées Unetelle de Quelque Part et des nouveaux nés de nulle part. Certains trop tôt, et de plus en plus, certains trop tard, des séquelles à la clé. Des enfants rêvés, désirés, attendus mais aussi des enfants commandés, expédiés, mal reçus. Des enfants faciles pour les parents et des parents fossiles pour les enfants. Des enfants sans enfance, vieillards avant l’âge. Des linottes à l’école, des pinsons de maison. Et ceux qui marchent très tôt et ceux qui parlent si tard, voire, jamais ! S’ils pouvaient ! Des enfants cruche, des soupes au lait, des enfants chou, aux enfants soleil, des enfants gémeaux, des enfants cancer, des béliers ou des vierges, des poissons ou des taureaux. Des Jean qui pleure et des Jean qui rit. Misérables titis, misérables gavroches, cosettes et poulbots, mioches et marmots, moutards et mouflets, potaches et blondins, nichées à marmaille, répliques des parents, depuis la nuit des temps, sans que le monde n’aille pour autant à sa perte fatale, diront certains, quand, soudain, d’entre mille, … survint … l’héritier ! Le roi est mort. Vive le Roi ! On fit remarquer : « Il est métis ! » – « Quand bien même … ! » L’infant dauphin ! Voilà le fin du fin ! Prince en sa ville à lui, il règnera sur ses sujets, un royaume enfin, un empire d’enfants sans plus jamais d’enfants battus, d’enfants violés, d’enfants perdus, d’enfants gâtés, d’enfants maladroits, d’enfants du sida, d’enfants perturbés, d’enfants de mines, d’enfants de chœur, d’enfants prodiges, d’enfants martyrs, d’enfants torturés, d’enfants naturels, d’enfants abusés, d’enfants…Oui ! D’enfants …Mais finalement qu’importe les enfants du monde, les règnes qui se succèdent et tous les Etats, signataires ou pas des plus sublimes conventions, des chartes universelles de la plus haute élévation, car il reste au tréfonds de moi un enfant. Il faut que je m’affaire à celui-là, cet enfant que je fus, conçu en son temps, selon l’air du temps, à l’audace ou l’effroi des parents, sitôt ado, victime requise avant même que j’y pus, que j’y fisse, blessé, ce faisant, irrémédiablement, par surprise, crevé à flanc de conscience, gorgée encore d’innocence ingénue, cet enfant, chargé désormais de souvenirs éternels, mérite, et la justice, et le droit, de soigner sa blessure aux onguents de la tendresse, aux rayons chatoyants d’un regard, au souffle chaud d’un homme, subtil et serein qui comprenne et s’adjoigne cet enfant pitoyable restauré, vulnérable, capable de ses dons jusqu’à pardon, foi de moi, crénom ! Humilié jadis à jamais, je m’incline et m’abaisse, qu’il se redresse, cet enfant-ci !

Commentaires

 « Apartés », Anhée, 1997, 140 p.   «Suite de dix cahiers, de neuf tableaux chacun, sur une humanisation personnelle de la nature et sa re-con-naissance universelle. Un premier cahier de Natures est un énoncé descriptif de perceptions immédiates et premières. Vient ensuite Empans qui suggère une démarche, une distance dont l’homme détient l’ordre et la mesure, qui esquisse déjà une solitude. Marées convainc pourtant qu’en la vie rien n’est sans retour. Avec Guises, c’est une appréciation, un acquiescement propres aux réalités perçues, tout étranges qu’elles paraissent. Aussi, des êtres se forgent et se forment, des libertés aspirent à l’expression. Corps témoigne de la sagesse et de la nécessité de ne rien renier du charnel « à lui-même spirituel », de l’assumer en une incessante autonomie. Dont on peut faire une récolte féconde, une moisson en ses Greniers. Sans refuser que la mort vienne tout détruire en horreur, obligeant à traverser autant de Deuils. Toutefois, aucune mort n’a jamais meurtri l’amour. S’il est réel et vrai, même au pire, il reverdit, il ressuscite en Surgeons. Assez pour discerner d’authentiques promesses en Desseins.   Il est à remarquer que tous les titres ne comportent qu’un mot et que les titres des cahiers sont tous au pluriel. Une façon de cerner l’essentiel et la singularité du multiple. Les deux vers qui ouvrent le dernier poème en langue française (‘Alibi’, p. 128) auront été le distique originel du travail suivant, intitulé « Sillons » [distiques], une tentative d’écrire un jour, sans plus de hiatus, comme à la coulée. L’ultime poème est en anglais. C’est le dernier aparté à vouloir dévoiler les possibles, qu’importe la langue, universels.   Préface de Joseph Boly, postface d’Eric Brogniet.       Extraits de lettres, de :   Jean Mambrino, des Etudes, de Paris : « Un livre très riche et où vous avez mis beaucoup de vous-même. Il est lourd de votre Foi et des immenses épreuves traversées. De beaucoup de complexités aussi, … »   Louis Sarot, de Vers l’Avenir : « … se révèle la qualité sonore du recueil où les allitérations alternent avec des images audacieuses et les mots rares. »   Christian Hubin : « … Ce chatoiement dont la légère ébriété n’exclut jamais le sens de la justesse. … Ce mélange de rigueur et de spontanéité, ce rayonnement d’une parole ouverte au mystère … »   Jean-Pierre Jossua, de La Vie Spirituelle, de Paris : « Comment faire connaître une œuvre poétique originale, que ses conditions de parution semblent condamner à garder un caractère confidentiel ? Pourtant le recueil de François-Luc Moës mérite d’être lu. … »   Jean-Claude Bologne : « Bien sûr, on est séduit … par cette sublimation progressive du désir qui ne perd rien de sa force, de sa sensualité en se fondant dans le divin, … »