Extrait de l’argumentaire du jury composé de Jacques Crickillon, Claudine Gothot-Mersch, Liliane Wouters, à l’occasion de l’attribution du prix Georges Lockem:
À vingt-cinq ans, Raphaël Miccoli parvient, par la magie de ses poèmes en prose, à faire éprouver l’indicible cauchemar de la condition humaine; le cauchemar de celui, le poète, qui est en quête d’un sens dans un environnement qui refuse désormais d’en avoir, qui se satisfait d’une insane et festive suspension au milieu de sa propre absurdité. Le poète, lui, en ces pages hallucinées, d’une écriture resserrée, acérée, se déchire dans l’attente d’un signe de transcendance. Asthénée et soif dévorante, couple oxymorique qui confère sa cohérence à ce remarquable livre de poèmes.
Une poésie tentative de méditation. Tentative, car comment vaincre la fugacité de l’être même, comment fixer, serait-ce un instant, cette vie qui s’écoule étrangère autant qu’inexorable? Et autour de soi, le silence de dieux sans don de réponses. Et devant soi, la vieillesse et le vide.
«Attends. N’espère rien. / Attends. Il est déjà trop tard.»
Alors, se tourner vers une naissance de naguère — la fréquence du mot «ombilical» —, une venue vierge au monde; mais tout était-il vraiment possible en ce temps de la source d’un temps, ou tout était-il déjà marqué sur la piste de la vie?
C’est donc un homme seul qui parle ici, suspendu dans le néant du destin, poète «funambule» qui cherche à vaincre sa propre, fatale, pesanteur. Poète «Porteur d’étoiles», qui attend celle qui l’identifiera, qui colle ses lèvres à l’obscurité de sa pauvre vie, qui poursuit sa «folie» à travers un monde qu’il ne comprend pas, non plus qu’il ne s’éclaire à lui-même dans le miroir elliptique de l’ego.
Malgré l’abêtissant totalitarisme post-moderne, la poésie, espace de l’appel à la transcendance, demeure vive tant qu’un être, éprouvant sa solitude abyssale, la réinvente comme étoile de folie. Ainsi de Raphaël Miccoli, qui compose ici un livre rétif à classification comme à consommation.