MEURIS Jacques

Bibliographie

  • Le diable est toujours dans le bénitier. Paris : Debresse, 1949.
  • Les noces illusoires, 1952.
  • Jazz, 1952.
  • Le journal de Provence, 1955.
  • Les paysages immobiles, 1955.
  • Le miroir fidèle. Paris : Librairie des Lettres,  1956.
  • Tauromachie, 1957.
  • Elpénor ou la Méditerranée, 1963.
  • Keepsake, 1966.
  • Ferdi's fantastic lovers, 1971.
  • Ethnographies, 1972.
  • Secoueurs du frein, lunes au front, 1973.
  • Bruxelles, les gens, 1973.
  • Lèvres de l'impur, paupières closes, 1974.
  • Rêves, 1976.
  • Les Marie de Mara, 1976.
  • Abyssinies, 1977.
  • Elpenor, la Méditerranée, Daily-bul, 171.

Textes

La Méditerranée (extrait)

        Pourquoi était-il là? Il avait voulu vivre ailleurs et c'est ici qu'il avait enfin débouché, comme sur une vaste plaine attendue où les silences sont suffisants pour que, dans une nécessaire indifférence, l'on puisse trouver sa place.
Il avait parcouru les pays en tous sens et n'avait trouvé rien de mieux - rien de plus; nulle part endroit moins discutable, où il soit moins de confusion possible, où toutes choses s'éclairent si abondamment. Sitôt vue la mer, les liens s'étaient défaits et étaient tombés à ses pieds. Mais il n'avait pu si vite y croire, cependant, flairant l'impossible cette fois à portée. Ces choses devaient être dites et la leçon ne pouvait être perdue: il fallait le faire savoir. 

        Une journée tout entière, une nuit; jours et nuits, à l'infini, lui étaient désormais réservés pour ainsi se prêter aux songes, pour revivre et, sans quitter le rivage, pour être partout à la fois, éclatant de toute sa peau lisse comme les roches de Collioure habitées, elle aussi, de mille équinoxes: jeune dieu abandonné sans autre besoin sur une plage sans limite, tantôt de sable, tantôt de pierre, éternellement hospitalière.
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Commentaires

Romancier, photographe, Jacques Meuris (1923-1993) restera pour beaucoup l'excellent analyste et avocat de l'art contemporain, mais on soulignera la qualité du poète d'Elpénor ou la Méditerranée (1963), qu'avait révélé puis confirmé avec Keepsake (1966) l'éditeur George Hoyoux. Esthère raffiné, Meuris distille magistralement ce qu'il faut bien appeler une prose poétique, dont l'intelligence et les luxuriances conjointes le situent dans le sillage d'André Breton: l'évocation des "grandes forêts du Parana" n'a rien à envier à celle du Teide, par exemple, dans L'Amour Fou, et là comme ici, la poésie ne craint pas d'évoluer au courant d'un récit où l'itinéraire géographique, balisé de références précises se double d'une quête inférieure, en trace la sismographie par l'enregistrement des influx sensoriels les plus divers; la notation aiguë du spectacle physique conduit bientôt au désir, au besoin de le rêver, de le recréer par la fusion même des registres. Qui ne songerait au Rivage des Syrtes, à son atmosphère, traduite avec une aisance en quelque sorte exigeante, mais à travers Julien Gracq, on pourrait remonter à l'extrême précision intellectuelle et sensuelle de Valéry. A l'inverse d'un affrontement des horizons, Meuris suggère une interpénétration des rivages méditérranéens, tant dans l'espace d'"une mer nôtre" que dans la durée des civilisations ou encore dans le travail souterrain des imaginations personnelles.


Bruxelles Poésie, L'arbre à paroles, 2000.