Commencer par le soir, c’est élire l’hiver saison première. Troquer la droite du temps contre l’infini de la sphère et écrire jusqu’à la dernière page, comme Cocteau sur la dalle : « Je débute ». Françoise Lison-Leroy fait la nique au temps qui fuit et lance dans le ciel de la pensée des éclairs de poésie métaphysique. François Jacqmain, l’Unique, savait écouter le silence du bourgeon. Françoise Lison-Leroy se met, elle aussi, à entendre le bouton silencieux.
(Pascal Goffaux RTBF, in Le carnet et les instants, janvier 2003)
L’auteur se fait discrète. Elle écoute, dirait-on, les bruits d’histoires secrètes venues timidement se poser à sa fenêtre. Elle prolonge par l’écrit des impressions sensibles.
(Pascale Haubruge, Le Soir, 4 mars 1998)
Les racines de ses poèmes sont légères. On pressent qu’un amour sourcier y prolonge l’éphémère. La mort elle-même devient intime. Moins qu’un écartèlement, elle est le fondement des liens de l’argile.
(Carl Norac, Audax, janvier 1992)
Françoise Lison-Leroy est une arpenteuse, proche du sol dont elle prend la mesure de ses pas. Elle accompagne du corps et du regard, du souffle et de la parole, celui à qui elle dit « tu ».
(Pierre Maury, Le Soir, 11 décembre 1991)
Les vers se plient à des rythmes de sève et de houle ; les phonèmes n’ont de rimes qu’avec leurs échos pour proposer des musiques tendres ou sauvages, à fleur de vent ou à frisson de peau.
(Michel Voiturier, Le Courrier de l’Escaut, mai 1984)
Aucune mièvrerie et pas d’angélisme dans ces textes incisifs, qui tombent sous le sens et sous les sens mais, simultanément, se dérobent à la dissection froide. Françoise Lison-Leroy s’est inventé une langue à elle, dense et transparente, aiguë et tendre.
(Colette Nys-Mazure, Dossiers L, n°46, 1995)
Pour « L’Incisive », poèmes (Éditions Rougerie, 2005):
Avec « L’Incisive », Françoise Lison-Leroy aborde un accent nouveau. Elle abandonne le ton sensuel, celui des connivences avec la nature à travers ses souvenirs d’enfance en Tournaisis, et plus spécialement au Pays des Collines. Elle plonge dans les tourments d’une adolescence séquestrée entre les murs d’un internat. La langue se fait plus mordante, touche à toutes ces impressions longtemps refoulées qui remontent au jour, jusqu’à l’écriture.
Déjà, le recueil « Commencer par le soir » avait amorcé un travail sur l’essentiel de ce qui constitue l’être face aux questions fondamentales de la vie, de l’action et de la mort. Ici, c’est la liberté de devenir soi et la volonté de refuser le moule imposé qui traversent les pages, sous les brimades et les tabous, face « aux élans interdits ». Au point que l’autobiographique s’approche de l’universel en abordant ces mécanismes castrateurs inhérents à tous les systèmes concentrationnaires et pénitentiaires.
Typographiquement déjà, le lecteur est averti par des traits obliques découpant les strophes, remplaçant l’usuelle ponctuation, suscitant des rythmes de lecture hachés et saccadés, qui n’épousent pas ceux du découpage en vers. Les mots crient, disent les plaies sous les cicatrices, mais aussi la conquête réussie, assumée par la maturité adulte… puisque est venu le temps de « ravauder la déchirure ».
Le vocabulaire oscille entre le désespoir et le désir de s’en sortir, entre le cri rageur et l’aspiration à la tendresse sereine, entre la peur et la certitude du possible de la délivrance, entre l’impuissance et la volonté d’exprimer. Il ballotte donc le lecteur entre les extrêmes. Il lui assène des images fortes et des vérités écorchées en séquences brèves qu’il convient de scander. Il finit, comme l’auteure, par « franchir / le fossé aux eaux mortes / courir du côté des lessives ».
Michel Voiturier