LISON-LEROY Françoise

Biographie

Françoise Lison-Leroy vit en Belgique. Elle est née le 6 octobre 1951, dans un village du Pays des Collines. Elle habite près de Tournai, où elle enseigne le français et participe à la page culturelle du journal Le Courrier de l’Escaut.

Elle est également intervenante à l’École Supérieure de Journalisme de Lille, et grand-mère d’Emile (juillet 2002) et de Madeleine (novembre 2004).

En 2017, elle obtient deux prix de prestige pour son livre Le Silence a grandi: le prix Louis Guillaume, en France, et le prix triennal de la Communauté Wallonie-Bruxelles, en Belgique.

Bibliographie

  • La mie de terre est bonne (poèmes), Éd. Froissart, Valenciennes, 1983. Prix Froissart.
  • L’apprivoise (poèmes), Éd. Unimuse, Tournai, 1985.Prix Casterman 1984.
  • À l’eau-forte et à l’âme (nouvelles), Éd. Unimuse, Tournai, 1986.Prix Hubert Krains.
  • Fief d’aube dans Lieux tressoirs(poèmes), Éd. Rougerie, Mortemart, 1988.
  • Elle, d’urgence (poèmes), Éd. L’Arbre à paroles, Amay, 1989 (Réédition 2004). Prix René Lyr 1987.
  • Le chemin baumier (poèmes), Éd. L’Arbre à paroles, Amay, 1989. (Le buisson ardent)
  • On les dirait complices (poèmes, en collaboration avec Colette Nys-Mazure), Éd. Rougerie, Mortemart, 1989.
  • Pays géomètre (poèmes), Éd. L’Âge d’Homme, Lausanne, 1991.Prix Max-Pol Fouchet.
  • Quand je serai petite (poèmes pour la scène-pour le Créa-Théâtre, Tournai), Éd. La Bartavelle, Charlieu, 1992.
  • Avoir lieu (poèmes), Éd. Rougerie, Mortemart, 1993.
  • Tous locataires, La Bartavelle éditeur, Charlieu, 1993.
  • La nuit résolue (poèmes, en collaboration avec Colette Nys-Mazure), Éd. Rougerie, Mortemart, 1995.
  • Terre en douce (poèmes), Éd. L’Arbre à Paroles, Amay, 1995. (Traverses).Prix Gauchez-Philippot 1997.
  • Lettres d’appel (poèmes, en collaboration avec Colette Nys-Mazure), Éd. Tétras Lyre, Ayeneux, 1996.
  • Dites trente-deux (poèmes, illustrations de George Warnant), Éd. Luce Wilquin, Avin, 1997, (Zobéide).
  • L’eau des fêtes (poèmes, en collaboration avec François Emmanuel et Colette Nys-Mazure), Éd. La Bartavelle, Charlieu, 1997. (Modernités)
  • Champs mêlés (poèmes, en collaboration avec Colette Nys-Mazure), Éd. Luce Wilquin, Avin, 1998. (Zobéide)
  • Le coureur de collines (nouvelles), Éd. Luce Wilquin, Avin, 1998.
  • Celle que l’été choisit (poèmes), Éd. Rougerie, Mortemart, 1999.
  • Marie-Gasparine (poèmes, illustrations de George Warnant), Éd. Le dé bleu, Chaillé-sous-les-Ormeaux, 1999. (Le farfadet bleu)
  • Pas si sage ! (poèmes, en collaboration avec Colette Nys-Mazure, illustrations d’Annie Gaukema), Éd. L’Arbre à paroles, Amay, 1999. (Les petits bleus du buisson ardent)
  • Sans mots (poème, avec des lithographies d’Anne Leloup), Éd. Esperluète, Noville-sur-Mehaigne, 2000.
  • Le dit de Petite Elle (poèmes, illustrations de George Warnant), Éd. L’Arbre à paroles, Amay, 2000.
  • Je n’ai jamais dit à personne que (récit, en collaboration avec Colette Nys-Mazure et Montse Gisbert), Éd. Esperluète, Noville-sur-Mehaigne, 2001.
  • L’affûteuse (poèmes), Éd. Rougerie, Mortemart, 2001. Prix Delaby-Mourmaux.
  • Commencer par le soir (poèmes, photographies de Sylvie Derumier), Éd. Esperluète, Noville-sur-Mehaigne, 2002.
  • Flore et Florence (roman, en collaboration avec Colette Nys-Mazure), Éd. Memor, Bruxelles, 2002.
  • Chemins du guet (poèmes), Éd. Tétras Lyre, Soumagne, 2003. Prix Biennale Robert Goffin.
  • Les bretelles du crayon (poèmes, illustrations de Laura Rosano), Éd. Lo Païs d’Enfance, Draguignan, 2004.
  • Pia Couchotte (récit, projet collectif avec des papiers mâchés de George Warnant, et une création photographique originale de Myriam Lanckmans), Création graphique: Martin Laloy, Flobecq, 2004.
  • L’Incisive, Ed. Rougerie, Prix de Littérature française Charles Plisnier 2005.
  • Gilbert Delahaye, 1923-1997, Un poète hors du temps dans son temps, Maison de la culture de Tournai, 2007( en collaboration avec Jacky Legge et  Michel Voiturier).
  • C’est pas un jeu, Esperluète, Noville-sur-Mehaigne, 2008. Desssins de Jean-Claude Saudoyez.
  • Et nous, par tous les temps, Poésie en voyage, 2008.
  • Lettre barrée, Rougerie, Mortemart, 2008.
  • On s’appelle, Rougerie, 2010.
  • Drölling, intérieur de cuisine, Éditions Invenit, 2010. (Ekphrasis).
  • Les pages rouges, roman, Luce Wilquin, 2011. (Sméraldine). Prix quinquennal Marguerite Van de Wiele 2012.
  • Les bouloches, Éditions Esperluète, 2012. Dessins de Pascaline Wollast. Prix Poésyvelines 2014.
  • Elle sait, Rougerie, 2013.
  • Tabliers & maillots de bain, Les déjeuners sur l’herbe, 2014. (Images & Mots). Avec Anne Letoré et Emilia Jeanne.
  • En train d’écrire, Les déjeuners sur l’herbe, 2015. Avec Colette Nys-Mazure. Photographies de Iris Van Dorpe.
  • Le silence a grandi, Rougerie, 2015. Prix du Poème en Prose Louis Guillaume 2017. Prix triennal de la Communauté Wallonie-Bruxelles 2017.
  • Le Temps tarmac, Éd. Rougerie, Mortemart, 2017.

Textes

c’est pas un jeu/ il faut essayer le bonheur/

comme on pose un chapeau/ sur une chevelure/

consulter son miroir/ avant que mille éclats/

déchirent l’autre page/ déjà/ la gifle de l’écume/

atteint tes os

passe ton tour et joue/ sur une autre marelle/

un pas plus loin/ le bouchon flotte/ entre deux

îles noires/ heurte la barque/ au prénom

ferrailleur

qui remisera les plombs/ pour un prochain duel ?

*

Elle avait du chagrin, parfois.
Son spasme à elle.  Pas celui qu’on livre à tous, un soir de
débâcle, quand on prend la mesure de la béance d’autres.
Ni celui des fiels grêles, des très pleins, des trop creux,
des redits.
Chagrin de gouttière de garenne.  Petite bête trahie au
bord de son terrier de mots. Peluche fière et velue
sous l’oreiller crevé de silences.
Chagrin fourré de gamines aux complots déjoués.
Chagrin bréviaire aux litanies d’amante. Chagrin
sourcier.
Haut chagrin.

*

une ardoise et trois pierres/ ronds dans l’eau/

amplitude/ et derrière le cercle/ un peu de blanc

très pâle/ à l’assaut du nuage

et va/ la fin n’est jamais loin/ elle recule d’un

siècle/ à la moindre coudée

la flèche indique l’ombre/ celle qu’il faut

capturer/ avant ce bout de nuit/ tenu en

laisse

si elle s’échappe/ les plumes sont perdues/

jusqu’au dernier envol/ jusqu’aux oublis

tu claques des doigts/ la mort recule/ tu

tapes du pied/ elle descend plus vite/

éclabousse une ligne/ tracée en bleu

que dirais-tu d’une ruade/ dans la joue

gauche du passant ?

cache-toi et compte/ les soldats qui

crachent leur ombre/ les voitures

aveugles/ tous les chars enrubannés

devant toi/ la planète vire au blanc/

la brûlure noircit/ on ne peut larguer

le soleil

 

Commentaires

Commencer par le soir, c’est élire l’hiver saison première. Troquer la droite du temps contre l’infini de la sphère et écrire jusqu’à la dernière page, comme Cocteau sur la dalle : « Je débute ». Françoise Lison-Leroy fait la nique au temps qui fuit et lance dans le ciel de la pensée des éclairs de poésie métaphysique. François Jacqmain, l’Unique, savait écouter le silence du bourgeon. Françoise Lison-Leroy se met, elle aussi, à entendre le bouton silencieux.
(Pascal Goffaux RTBF, in Le carnet et les instants, janvier 2003)
L’auteur se fait discrète. Elle écoute, dirait-on, les bruits d’histoires secrètes venues timidement se poser à sa fenêtre. Elle prolonge par l’écrit des impressions sensibles.
(Pascale Haubruge, Le Soir, 4 mars 1998)
Les racines de ses poèmes sont légères. On pressent qu’un amour sourcier y prolonge l’éphémère. La mort elle-même devient intime. Moins qu’un écartèlement, elle est le fondement des liens de l’argile.
(Carl Norac, Audax, janvier 1992)
Françoise Lison-Leroy est une arpenteuse, proche du sol dont elle prend la mesure de ses pas. Elle accompagne du corps et du regard, du souffle et de la parole, celui à qui elle dit « tu ».
(Pierre Maury, Le Soir, 11 décembre 1991)
Les vers se plient à des rythmes de sève et de houle ; les phonèmes n’ont de rimes qu’avec leurs échos pour proposer des musiques tendres ou sauvages, à fleur de vent ou à frisson de peau.
(Michel Voiturier, Le Courrier de l’Escaut, mai 1984)
Aucune mièvrerie et pas d’angélisme dans ces textes incisifs, qui tombent sous le sens et sous les sens mais, simultanément, se dérobent à la dissection froide. Françoise Lison-Leroy s’est inventé une langue à elle, dense et transparente, aiguë et tendre.
(Colette Nys-Mazure, Dossiers L, n°46, 1995)
Pour « L’Incisive », poèmes (Éditions Rougerie, 2005):
Avec « L’Incisive », Françoise Lison-Leroy aborde un accent nouveau. Elle abandonne le ton sensuel, celui des connivences avec la nature à travers ses souvenirs d’enfance en Tournaisis, et plus spécialement au Pays des Collines. Elle plonge dans les tourments d’une adolescence séquestrée entre les murs d’un internat. La langue se fait plus mordante, touche à toutes ces impressions longtemps refoulées qui remontent au jour, jusqu’à l’écriture.
Déjà, le recueil « Commencer par le soir » avait amorcé un travail sur l’essentiel de ce qui constitue l’être face aux questions fondamentales de la vie, de l’action et de la mort. Ici, c’est la liberté de devenir soi et la volonté de refuser le moule imposé qui traversent les pages, sous les brimades et les tabous, face « aux élans interdits ». Au point que l’autobiographique s’approche de l’universel en abordant ces mécanismes castrateurs inhérents à tous les systèmes concentrationnaires et pénitentiaires.
Typographiquement déjà, le lecteur est averti par des traits obliques découpant les strophes, remplaçant l’usuelle ponctuation, suscitant des rythmes de lecture hachés et saccadés, qui n’épousent pas ceux du découpage en vers. Les mots crient, disent les plaies sous les cicatrices, mais aussi la conquête réussie, assumée par la maturité adulte… puisque est venu le temps de « ravauder la déchirure ».
Le vocabulaire oscille entre le désespoir et le désir de s’en sortir, entre le cri rageur et l’aspiration à la tendresse sereine, entre la peur et la certitude du possible de la délivrance, entre l’impuissance et la volonté d’exprimer. Il ballotte donc le lecteur entre les extrêmes. Il lui assène des images fortes et des vérités écorchées en séquences brèves qu’il convient de scander. Il finit, comme l’auteure, par « franchir / le fossé aux eaux mortes / courir du côté des lessives ».
Michel Voiturier