sa LIBBRECHT Géo - Maison de la poésie et de la langue française de Namur

LIBBRECHT Géo

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Biographie

Géo Libbrecht naît à Tournai, le 17 février 1891. Orphelin de père, il vit beaucoup avec sa grand-mère maternelle, chef mineur dans un charbonnage du Borinage. Sa mère est une adepte du courant occultiste et elle l’introduit dans un monde de connaissances insolites et mystérieuses. Il effectue ses études de droit à l’Université libre de Bruxelles où il prend goût aux poètes grecs et latins ainsi qu’aux philosophes présocratiques. Pendant la première guerre mondiale, il est simple soldat dans les boues de l’Yser. Il ne reverra pas sa mère, morte durant les hostilités. Son appartement tournaisien a été pillé. Désargenté, Libbrecht s’embarque avec une trentaine de compagnons pour le Brésil où on distribue aux colons quelques hectares de forêts à exploiter. L’entreprise échoue. À trente ans, Libbrecht rentre en Belgique. Inscrit au barreau, il devient avocat à la cour d’appel de Bruxelles. Il se lance ensuite dans les affaires (courtier d’assurances, puis agent immobilier), crée sa propre compagnie et fait construire des buildings. À plus de quarante ans, il abandonne les affaires pour se consacrer à la poésie. Il écrira près de 120.000 vers. Le 10 février 1962, il est élu à l’Académie où il succède à Thomas Braun.

Les œuvres complètes de Libbrecht sont rassemblées dans une dizaine de volumes (Livres cachés) qui totalisent plus de cinq mille pages sur papier bible. Chacun d’eux reprend un certain nombre de la bonne centaine de recueils publiés auxquels auraient dû s’adjoindre bien d’autres titres annoncés. De cet ensemble où des scories se mêlent au meilleur, se dégagent plusieurs thèmes. La ville natale de l’auteur (Tournai) en est un. De Ma ville (1941) à Les Pinceaux (1969) en passant par Tapisserie de ma ville (1955), le poète loue sa cité aux cinq clochers qui eut à souffrir beaucoup par faits de guerre, en 1940. Les aventures qu’a connues Libbrecht à travers le monde, plus spécialement en Amérique du Sud, nourrissent les recueils venant après les premiers titres négligés par l’auteur dans ses œuvres complètes, tels Étincelles (1934) ou Les Vitraux (1936), un ensemble de sonnets et rondels. Les souvenirs poétisés vont de Passages à gué (1937) à Palmiers de Taquouari (1938) et Comptoirs dans le vent (1940). Des notations, souvent transposées, évoquent les années passées à bourlinguer. Un peu à la façon de Marcel Thiry, Libbrecht évoque alors les marchands qui vendent «cif ou fob, sans surestarie».

Parfois aussi, le poète s’intéresse à des constructions moins habituelles se rapprochant de l’oratorio, tel Isthar (1947), un long poème polyphonique évoquant le jeu des saisons et de la vie. Libbrecht se veut également le théoricien de son art, dans Nous avons tous la même poésie (1948) où il tente de justifier la liberté dont il use dans le fond comme dans la forme («devant le cosme éternel, l’humain aux formes, nuances et rapports infinis, oscillera toujours entre le perpétuel quotidien et le songe le plus mystérieux»).

L’essentiel des principaux recueils de Géo Libbrecht est à la fois traduction de ce perpétuel quotidien et recherche des énigmes. Dès lors, aucune forme d’expression n’est bannie. Auprès des alexandrins parfois pulpeux, voire des versets à la manière de Claudel ou de Saint-John Perse, se rencontrent des mètres plus courts dont l’incisive sécheresse s’apparente à la lame d’un scalpel. Les épigraphes que Libbrecht place en tête de ses recueils successifs révèlent cette oscillation incessante d’un homme à l’affût de toute piste conduisant vers les secrets. On y trouve aussi bien les noms d’Ovide, d’Homère ou de Ronsard que ceux de Verlaine, d’Éluard, de Cocteau ou de Rilke. Une phrase placée en tête du recueil Marche de nuit (1960) résume bien les pôles d’attraction du poète qu’on a, plusieurs fois, qualifié de néo-surréaliste : «Dieu, l’Univers et l’homme, en un seul nœud : le cœur.» Des mots qui expliquent sans cesse la démarche de Libbrecht. Cette doctrine de vie ne va pas sans un certain ésotérisme mêlé à un incessant bourgeonnement verbal qui permet à l’onirique et au réel de s’imbriquer et de s’aider mutuellement. Passant de la piété la plus fervente au doute le plus absolu, toute son œuvre est marquée à la fois par l’ontologie, la théogonie, la cosmogonie, voire la cabale (Le Fol, 1970) ainsi que l’attestent certains graphismes illustrant des ouvrages. De la sorte, cette œuvre dense et touffue, parfois confuse, est plus proche des rites de divination que du chant.

Plusieurs de ses livres ont été traduits en italien : C’est la terre et c’est le monde (1950), Comme on prie (1951), L’Homme qui s’est inventéM’n accordéïeon (1963), Lès Clèokes (1964), À l’bukète (1968). En 1955, il a créé ses propres éditions, à l’enseigne de L’Audiothèque qui publia, à ses frais, de nombreux poètes de Belgique.

L’œuvre de Géo Libbrecht a souvent été laurée : Prix international de Syracuse (1949) pour C’est la terre et c’est le monde, Prix du Brabant (1950) pour Comme on prie, Prix triennal de la littérature française (1955) pour Le Banquet des ombres, Prix international Simon Bolivar (Sienne,1955) pour Ma sœur l’éternité, Prix quinquennal du Hainaut (1956) pour l’ensemble de son œuvre Prix biennal de poésie dialectale du gouvernement (1963) pour Les Clèokes, Prix biennal dialectal de la ville de Liège (1969) pour l’ensemble de son œuvre dialectale, Grand Prix de poésie Octave Pirmez (1973).

En 1958, un microsillon a été réalisé avec la participation de l’ensemble vocal féminin de la maîtrise de la RTF. Il reprend Incantations

Décédé le 20 septembre 1976, Libbrecht a été inhumé dans le Jardin des poètes qu’il avait créé à Mont-Saint-Aubert, sur la colline dominant sa ville natale. (1956). Libbrecht a aussi signé quelques recueils écrits en langue picarde : (1956), une suite chorale a capella pour quatre voix égales de René Bernier.

Sources: ARLLFB

Bibliographie

 

Poésie:

Passages à gué, Ed. Avant-Poste, 1937
Palmiers du Taquouari, Ed. Cahiers du Journal des Poètes, 1938
Outre-Ciel, Ed. Avant-Poste, 1939
Comptoirs dans le vent, Ed. Cahiers du Journal des Poètes, 1941
Ma ville, Ed. du Journal des Poètes, 1941
A la rencontre de Dieu, Ed. La Maison du Poète, 1942
Noces d’Anges, Ed. La Maison du Poète, 1942
Psyché, Enchanteur de toi-même, Ed. Avant-Poste, 1946
Légende Satanique, Ville détruite, Ed. Avant-Poste, 1946
Ishtar, Ed. La Maison du Poète, 1947
Chant de la Virginité, Ed. Ecran du Monde, 1948
Songe, Ed. La Maison du Poète, 1949
Sacre de l’Univers, Ed. Avant-Poste, 1949
C’est la Terre et c’est le Monde, Premio Internazionale Siracusa, 1949 (Ed. Au Plomb qui fond, 1950)
Comme on prie, Prix du Brabant, 1950 ( Ed. Maia Siena, Italia, 1951)
Poèmes choisis, Ed. Pierre Seghers, Paris, 1952
L’Ombre et les blés, Ed. Pierre Seghers, Paris, 1953
Ma Soeur pour l’Eternité, Ed. Pierre Seghers, Paris, 1954
Tapisserie de ma Ville, Ed. Dutilleul, Paris-Bruxelles, 1955
La Route, Ed. L’Audiothèque, Bruxelles, 1955
Le banquet des ombres, Ed. Seghers, Paris, 1955
Incantations, Suite chorale “A Cappella” pour quatre voix égales, de René Bernier (Ed. S.O.F.I.R.A.D., Paris, 1956). Microsillon 33 1/3. DT 1032 A. Pathé – Paris 1958 – Direction : Jacques Besson. Ensemble Vocal Féminin de la Maîtrise de la R.T.F.
L’UOMO che si è inventato, Ed. Maia, Sienne, 1956
Mon orgue de Barbarie, Ed. *, 1957
A la rencontre de Dieu, réédition en 4 tomes des ouvrages antérieurs (Ed. *, 1958)
Les mains trouées, Ed. *, 1959
Livres cachés, Tome I, Ed. *, 1959
L’homme de ronde, Ed. *, 1960
Marche de nuit, Ed.*, 1960
Le pain quotidien, Ed. *, 1960
Frontières du vent, Ed. *, 1960
Abstrachromie, Ed.*, 1960
Le Maître caché, Ed. *, 1960
A chair perdue, Ed. *, 1960
L’Emigrant, Ed. *, 1961
Rive humaine, Ed. *, 1961
Passage sans Visa, Ed. *, 1961
Vêtu de ciel suivi de Miroir du Langage, Ed.*, 1961
Livres cachés, Tome II, Ed.*, 1961
L’Heure des Quinquets, Ed. *, 1962
A la Guitare, Ed.*, 1962
Poésie, 1937-1962 (Ed. Universitaires, Paris)
M’n accordéïeon, Ed.*, 1963
Bellefontaine, Ed. Pierre Pierre Seghers, Paris, 1964
Fronde, Ed. *, 1964
Balle Perdue, Ed. *, 1964
Mères, Ed. *, 1964
Pour Etre, Ed., *, 1964
Les Cloques (Prix biennal de poésie dialectale, 1964
Livres cachés, Tome III, Ed. *, 1964
L’oiseau de sable, 1965
L’heure immobile, 1965
Madame, 1966
Syllabe, 1966
Genèse : feu, terre, air, eau, Ed. *, 1966
Georges Libbrecht, “Poètes d’Aujourd’hui”, Ed. Pierre Seghers, Paris, 1966
Terre promise, 1967
Livres cachés, Tome IV, Ed.*, 1967
Livres cachés, Tome V, Ed *, 1968, comprenant neuf recueils : Le pas de l’habitude;Passeur d’images;Haute-lice;Arbre de chair; Nuits blanches;Le grand pardon; Passeport; J’écoute au loin s’il chante; A l’bukète.

Géo Libbrecht, par Robert-Lucien Geeraert. Unimuse, Tournai, 1967.

 

Pastels et fusains.

* Ed. de l’Audiothèque

Essai:

Nous avons tous la même poésie,
Ed. Ecran du Monde, Paris-Bruxelles, 1948

Textes

Une ombre s’éloigne

Une ombre s’éloigne, une ombre revient
que la nuit effeuille à hauteur des songes.
Quelle voix me parle et fuit comme un chant
sur les signes blancs qui portent l’absence?
Si triste est la voix, si morne le chant,
que le ciel tranquille efface une étoile,
et que nul ne sait ce qu’a dit le vent.

Commentaires

Venu tard à la poésie, Géo Libbrecht a rapporté de l’Amérique latine des images et des rutilances proches de Jules Supervielle.  Ses meilleures pages datent de ses débuts: il dit avec simplicité la planète, les espaces, l’étonnement, la magie quotidienne.  La soixantaine atteinte, il publie, coup sur coup, bon an mal an, un nombre inconsidéré de recueils, tous sur le même modèle: une philosophie de la solidarité et de la résignation.  Il lui arrive encore de retrouver sa fraîcheur première, que corrige ou dévoie une ironie toute de calme sollicitude.

Editions Traces Bruxelles 1987 “La poésie francophone de Belgique”