Au seuil de ce recueil, Froissement, constitué par la réunion d’un recueil paru précédemment, L’encre rouge des pruniers, et d’un autre inédit, Le harem de l’été, une question vient tout naturellement à l’esprit ; ces titres un peu mystérieux, mais très évocateurs, que se cache-t-il derrière eux? Ou, plus exactement, qui se cache-t-elle derrière eux?
Froissement, à la fois d’une feuille de papier, d’une feuille sous le vent d’automne, et d’une souffrance intérieur, d’un contact maladroit. Car chez elle, il faut toujours chercher derrière les mots, un sens en cache toujours un autre. Tout est métaphore, emblème, allégorie. Il y a du frisson dans ce froissement, mais aussi du friselis. Du vent dans les branches. Cette encre rouge des pruniers, fait furieusement penser à du sang, à ces captifs qui écrivaient avec leur sang ; à des corrections impitoyables, dénudant le beau bleu de nos textes d’enfant; et, bien sûr, à des plumiers…
Et Le harem de l’été, me direz-vous? Bien sûr, l’été qui mûrit les fruits. Et le harem, servitude, multitude, une certaine touffeur un peu moite… Mais c’est aussi la fidélité, un peu forcée, il est vrai, par la clôture. L’obéissance. Les fleurs alors accourent/ Fidèles comme des femmes/ Dans le harem de l’été. Et encore, D’un coup de serpillère/ La femme ramassel/ Sa vie émiettée/ Sur le sol de sa cuisine. On pourrait y voir de simples tableaux de la vie quotidienne. Mais le langage est codé, c’est celui d’un cri, d’une identité perdue… Cathy Leyer? Une grande économie de mots, de moyens, la volonté d’aller au fond des choses, d’aller au fond des mots, de faire rendre à chacun de ces mots ce qu’il a dans les tripes. Une parole dense, ramassée, réfléchie. Difficile à saisir parfois. Mais claire, incisive. Une solitude essentielle. Une paix qui, chaque jour, a besoin d’être recousue.
Joseph Bodson
Ardennaise, et donc plutôt taiseuse, Cathy Leyder n’est pas du genre à s’épancher longuement. Des poèmes courts qui évitent toute littérature inutile pour aller à l’essentiel, quelquefois aux limites de l’aphorisme, en obole du quotidien ou en Points de gravité. Avec elle “Le poète harponne les mots / Les escortes dans leur profondeur”.
Francis Chenot
“Froissement” Cathy Leyder, ed. L’Arbre à paroles, Maison de la Poésie, 2002.