LACOMBLEZ Jacques

Biographie

Né à Bruxelles (Ixelles) en 1934 d’une famille d’origine hennuyère, il connut dans son plus jeune âge le privilège d’être guidé dans sa quête d’être par un grand-père averti : par les belles lettres qu’il lui lisait, les musées et galeries qu’ils visitaient ensemble le dimanche, les étangs et forêts dont il lui apprenait à connaître les rudiments et autres merveilles cachées, la politique, l’histoire universelle… mais aussi à se méfier des curés.
Très tôt, il prit plumes et pinceaux, armes qu’il ne lâchera jamais plus. Peintre, aquarelliste, dessinateur autant que poète, la rencontre avec l’œuvre de De Chirico fut déterminante et le conduisit sur les pas du surréalisme. S’il côtoya Marcel Lecomte, Paul Nougé, Achille Chavée, Mesens etc. avec lesquels il se lia d’amitiés électives, il ouvrit son univers au-delà de toutes frontières, inconnues dans le monde des arts et des lettres. Ainsi, il rencontra le poète Édouard Jaguer qui animait le mouvement Phases dont il devint l’actif relais en Belgique. Il créa la revue « Edda » (5 n° publiés à Bruxelles entre 1958 et 1965, qui compta des collaborations des plus grands poètes et artistes de l’époque) et les éditions « L’Empreinte et la nuit ».
En 1958, il fit la rencontre d’André Breton. Dès lors, il participa à de nombreux événements et expositions des groupes surréalistes et Phases, partout en France, en Belgique mais aussi ailleurs en Europe, en Amérique du Nord comme du Sud. Aujourd’hui encore, il poursuit sa collaboration avec le Mouvement surréaliste international, dont récemment aux activités du groupe Liaison Surréaliste de Montréal.
Jacques Lacomblez est avant tout ce « Voyageur immobile » qui se nourrit du « peu quotidien » mêlé « D’Ailleurs le désir » (en référence à 3 titres de ses recueils).
Marqué, entre-autres, par le romantisme allemand, le symbolisme, le surréalisme ou une certaine gnose d’orient et d’occident, mais aussi par la psychanalyse ou par quelques « penseurs » tels Jacob Boehme, Hegel ou Rûmî, il accumule dans de nombreux textes ruptures mallarméennes, anacoluthes et autres disjonctions syntaxiques pour toucher à l’ascèse d’une quasi absence dont les seuls reliefs prennent forme dans un érotisme sublimé. L’humour, l’aphorisme et la dérision, voire un avéré désespoir temporel, en sont aussi des composantes importantes.
En poésie comme en peinture, ses œuvres prennent leur source dans l’inconscient – rarement dans le vécu immédiat – et laissent libre cours à l’automatisme, cependant structuré, mais pas à l’improvisation.
Si, pour son travail pictural l’artiste a toujours eu besoin de lieux définis, en écriture, il vagabonde, note quelques bribes d’un vers sous un abri-bus à la pointe du jour, en marchant entre ses deux ateliers, au dos d’une missive juste reçue… bouts de papier couverts de son écriture menue qu’il enfonce au fond de ses poches. Sismographe des temps inconjugables, il aime à s’aventurer dans les méandres d’une langue raréfiée, avant de geler l’instant en traces d’un « pays de rémanence ». Les mots, chez Lacomblez, ont cette minéralité des grottes enfouies aux tréfonds du sens, condensations géologiques de sa pensée jamais lisiblement énoncée sinon sous l’encre de « la nuit défénestrée » (autre titre).
Comme dans son œuvre plastique, il procède dans ses écrits par collage, joue de sonorités exigeantes ou de couleurs grattées en elles-mêmes, agence la page – parfois double – pour en augmenter les entrées du mystère souligné par le trait des mots malaxés comme de la glaise. Lire le poète Jacques Lacomblez, c’est entamer un magnifique voyage dans le labyrinthe vertigineux de l’en soi et de son indicible langage sacré.
Plusieurs de ses poèmes ont été traduits en néerlandais par L. Vancrevel et en allemand par H. Becker.

 

Bibliographie

  • Cité de mémoire, Éditions L’Empreinte et la Nuit, Bruxelles, 1984.
  • Un peu de la tisane universelle, Éditions de l’Ébrasement, Paris, 1992.
  • Pour une phrase voilée, Atelier Ledoux Éditions, Bruxelles, 1996.
  • Le voyageur immobile, Atelier Ledoux Éditions, Bruxelles, 2001.
  • Le peu quotidien, illustrations de Jacques Zimmermann, Éd. Syllepse, Paris, 2001.
  • Extrême du temps, illustrations de Lucques Trigaut, Édition Quadri, Bruxelles, 2007.
  • Pages de mégarde, illustrations de Jean-Claude Charbonel, Éd. Le Grand Tamanoir, Nevers, 2008.
  • La nuit défenestrée, préface de Claude Arlan, Éd. Quadri, Bruxelles, 2009.
  • D’ailleurs le désir, (anthologie établie par Alain Le Saux), préface de Claude Arlan, ill. de Suzel Ania, Ed. Les Hauts-Fonds, Brest, 2010.
  • Blazoen van het ultieme lichaam(poèmes extraits de La Nuit défenestrée), traduction en néerlandais de Laurens Vancrevel, ill. en couv. de l’auteur, éditions Brumes Blondes, coll. Katernen, Bloemendaal (NL), 2011.
  • Un temps de courte paille, ill. de l’auteur, Ed. Quadri, collection l’Escabeau de verre, Bruxelles, 2011.
  • Presque rien (mélanges légers), ill. de Laure Missir, Ed. des Deux Corps, Rennes, 2011.
  • Jetées d’exil, préface de Jean-Michel Goutier, Ed. Quadri, Bruxelles, 2013.
  • De dérive et d’instant, illustrations de Michèle Grosjean, Éd. Quadri, Bruxelles, 2015 (cf. “Le livre de la semaine” de Claude Lorent, Arts Libre, n°269, semaine du 27 mars au 2 avril 2015, in La Libre Belgique).
  • Le chansonnier: Impromptus et élégies 2015-2016, Accompagné de sept Indécentes ellipses inédit de Georges-Henri Morin,  Quadri, Bruxelles, 2017.

Textes

L’aquamanile du vent

Le temps des ruines en ce tramway dévoyé
par les longs annulaires de midi nérige plus
au jardin des banquettes mortes qu’un mausolée
pour l’ombre ordonnée licorne
jadis autour de ma voix
et la tour devant mes pas
Celle aux perches de sang dressées contre la marée
des enfants malades que l’on achève
à coups de serpettes ébréchées toute la semaine de Pâques
Celle aux portes multiples où le nord s’éteint peu à peu
à la poursuite des effraies
la tour des évêques pourfendus que l’on visite
au bras des maîtresses nues
la tour descend vers la neige
merveilleuse excisée.