Poète belge (1908-1972).
sa
Poète belge (1908-1972).
La chaise
La chaise a beau dire:
Je suis de bois, de paille.
Elle oublie le marteau,
la scie, la varlope,
le mètre pour la mesure.
Elle oublie l'arbre,
la terre, le soleil,
la pluie pour la soif.
Elle oublie le bras,
la hache, la sueur,
l'homme qui la conçut.
La chaise a beau dire:
Elle est plus que matière.
Demeuré méconnu de son vivant et aujourd'hui négligé, Marcel La Haye occupe pourtant une place particulière parmi les poètes de l'objet - ou faut-il dire: de la phénoménologie - comme Francis Ponge, Jean Follain ou Eugène Guillevic. Avec minutie et virtuosité, il décrit la chose choisie, la pourlèche et en tire, dirait-on, une lumière toute de jaillissement et d'ardeur. Alors qu'un Francis Ponge, en des exercices du même ordre, pontifie ou se prend au sérieux, Marcel La Haye sait rester, avant tout, un fabuliste et un jouisseur. L'ironie donne à ses natures mortes, paradoxalement, une vie pleine de verve. C'est un petit maître assez irremplaçable.
La poésie francophone de Belgique (1903-1926), Bruxelles, Éditions Traces.