KAVIAN Eva

Biographie

Née en 1964 en Belgique, Eva Kavian anime des ateliers d’écriture depuis 1985. Après quelques années de travail en hôpital psychiatrique, une formation psychanalytique et une formation à l’animation d’ateliers d’écriture (Paris, Elisabeth Bing), elle a fondé l’association Aganippé, au sein de laquelle elle anime des ateliers d’écriture, des formations pour animateurs, et organise des rencontres littéraires. Co-fondatrice du réseau Kalame, elle travaille activement à la professionnalisation du travail d’animateur d’ateliers d’écriture. L’Académie des Lettres lui a décerné le prix Horlait-Dapsens, en 2004, pour son œuvre littéraire et son travail dans le secteur des ateliers d’écriture. Elle a reçu le prix Marcel Thiry en 2006 pour son roman « Le rôle de Bart ».

Bibliographie

Nouvelles

  • Mo et le violoniste d’Ingres, nouvelle, a reçu la première mention, en 1997, au concours de nouvelles de la Fureur de Lire.
  • Le voisin sur les rails, nouvelle, a reçu la première mention et le grand prix de la RTBF en 1999, au concours de nouvelles de la Fureur de Lire. Diffusion sur La Première, octobre 1999, émission d’Annie Rak. Publication, dans l’anthologie Escales littéraires d’automne (Castor Astral, 2000) et participation à ce festival, en Belgique, en France, et au Luxembourg.
  • Le souvenir de toi dans une robe à fleurs, nouvelle, diffusion RTBF, juin 2001, mise en onde par Annie Rak.
  • Les couleurs de ma mère, nouvelle, diffusion RTBF, septembre 2001, mise en onde par Annie Rak.
  • Nom de code : Roméo, Marginales n°252.
  • Tout va bien, Marginales n°254.

Romans

  • Après Vous, Le Hêtre Pourpre, Namur, 2001.
  • Autour de Rita, Castor Astral, Bordeaux, 2002.
  • Trois siècles d’amou, Castor Astral, Bordeaux, 2003.
  • Le rôle de Bart, Castor Astral, Bordeaux, 2005. Prix Marcel Thiry 2006.
  • Premier chagrin, Mijade, Namur, 2011.
  • L’art de conjuguer des hommes mariés, Les Carnets du dessert de lune, 2012. (Pleine Lune). Photographies de Julian Vanroey.
  • Ma mère à l’Ouest, Mijade, 2012.

Poésie

  • La nuit, le silence fait moins de bruit, textes poétiques, éditions Esperluète, Noville-sur-Mehaigne, 2002.
  • Amoureuse, textes poétiques, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, février 2007.
  • Participation à l’anthologie Ici on parle flamand et français, Le Castor Astral, 2005.

Manuel pratique

  • Ecrire et faire écrire, Editions De Boeck, 2007.

Autres

  • Guide des ateliers d’écriture en Communauté Française, éd Luc Pire, Bruxelles, 2003, avec Pascale Fonteneau et Réjane Peigny.

Articles et textes, dans diverses revues. Participation à « L’agenda des poètes 2006 », et à «  52 méditations pour vivre », Luc Templier, éd Dervy, 2005.

Textes

Extraits de La nuit, le silence fait moins de bruit, poèmes illustrés par Marilyne Coppée.

 

Dans l’épaisseur

Du silence

Se trouble

Le sommeil

De la femme

Enfin seule.

 

Dans l’oubli de ses jours

Elle découvre son corps

Et répond à ses cris

De ses mains lentes et sûres,

A côté de l’homme

Sans mémoire,

Endormi,

Qu’elle a aimé,

Un jour.

 

Le silence,

Comme un secret oublié,

Fait moins de bruit,

La nuit.

 

(…)

 

L’homme que j’aime

Ne supportera pas

Le silence

Des nuits

Vidées

De moi.

 

Au cœur de l’une d’entre elles

Il quittera son lit

Et viendra déposer

Dans la chambre de nos délices

Un bouquet de roses rouges

Pour dire sans un mot

Son amour

Par-delà

Ses désirs.

 

(…)

 

L’enfant a saccagé nos nuits

Des terreurs

Que les images muettes

Des siennes

Imposaient

A son âme.

 

Puis elle a grandi

Elle a tout pris sur elle

Les nuits, les peurs

Les choses qui ne peuvent se dire.

 

La nuit parfois

Quand l’homme qui m’a choisie

Dort

Quand je m’ensommeille

Dans les bras de celui que j’aime

A l’heure où celui que je ne connais pas

Me lit,

L’enfant furtive

Se glisse

Pose ses lèvres et s’en retourne,

Dans son monde,

Gardienne de nos possibles

Sans que le silence

Ne fasse

Le moindre bruit.

 

J’ai besoin de la nuit

Pour oublier les silences de l’un

Et les cris de l’autre

Qui se prennent pour des mots

Pour oublier que meurent et que désirent

Des hommes aux verges hautes

Tendues

D’un désir impossible.

 

Je vis la nuit

Une autre vie

Où l’on me lit

Où l’on me touche

Où l’on me dit.

 

 

Le silence

fait moins de bruit

la nuit.

 

Une femme

Alors

Ecoute

Et écrit

Pour s’offrir

La mémoire

De ces heures

Et de ces hommes

Et quelque trace

Aussi

De son secret

Gardé.

Extraits de La nuit, le silence fait moins de bruit, poèmes illustrés par Marilyne Coppée.

1

Eva est amoureuse. Elle met des pinces dans ses cheveux et sort son bilboquet. Si la boule au premier coup se pose sur le bâton, elle choisira une robe rouge, mais ses cheveux relevés laissent des baisers croquants se glisser sur sa nuque, ça fait trembler sa main. Clac. Si la boule au second coup se pose sur le bâton, Eva dessinera une histoire à dormir debout, mais sans sa robe, le vent sur sa peau fait trembler sa main. Clac. Si la boule cette fois, la troisième donc, se pose sur le bâton, Eva toute amoureuse ira à cloche pieds jusqu’au premier pommier. Mais en dormant debout, des baisers dans le cou, et sur la peau, le vent, sa main à cloche pieds ne pouvait que trembler. Clac. Alors Eva dépose son bilboquet et court jusqu’au pommier. Elle prend la plus belle des pommes et l’emballe dans sa robe rouge. Ça commence à ressembler à une histoire, se dit-elle, d’être amoureuse comme ça.

            Elle prend la pomme emballée d’une main, et de l’autre le bilboquet. S’il choisit la première, elle restera nue. S’il préfère l’autre, elle croquera la pomme comme un baiser croque une nuque, mais il prend les deux mains. La boule se pose sur le bâton et la robe sur le soleil. Ça fait une femme nue et un homme autour d’une pomme. Eva trouve ça très beau, pour une histoire. Elle a les yeux qui brillent et une chanson dans la tête, une belle chanson d’amour qui s’invente toute seule.

Dans la nuit orange, Eva laisse la pomme et met dans sa bouche le sexe tout grandi de celui qu’elle aime qui du coup entend la chanson qui s’invente dans sa tête et ça lui donne un sourire si beau que toutes les pinces d’Eva tombent quelque part et ses cheveux sur ses épaules. Ça ressemble à une histoire qui commence, se dit Eva, ces cheveux à relever avec des pinces. Mais elle est amoureuse, elle oublie les histoires à dormir debout, elle laisse celui qu’elle aime grandir, grandir, grandir, dans sa bouche, avec son beau sourire.

2.

Eva est amoureuse, elle prend son dictionnaire et lui vole trois mots pour écrire un poème avec des fraises et des cerises sur le chemin de terre où marche l’homme qui a une bague en or. Elle l’appelle comme on chante mon amour mon amour, et il mange le poème et le jus des fruits rouges met du sang sur ses pas que la         terre boit boit boit. Mais il arrive, l’amour l’amour avec sa bague d’or : Ils sont perdus ceux-là. Eva le sait déjà, toute sucrée du premier baiser, mais elle ne pense pas au chemin du retour, elle chante mon amour mon amour dans la bouche rouge de l’homme qu’elle appelle depuis toujours. Debout sur son dictionnaire, entre la terre et cette bouche comme un fruit mûr, elle cherche les mots du poème qui arrivent joyeux et insouciants dans son cœur haut perché. On est perdus je crois dit-elle dans le baiser, mais l’amour l’amour veut bien se perdre avec Eva, il s’en fout, l’amour l’amour, il ne veut pas retrouver le chemin du retour alors il prend la main d’Eva qui tremble et il chante le poème qu’il a mangé sur le sentier. Mon cœur bat ce que tu chantes dit-elle en prenant son dictionnaire, on reviendra ici entre deux baisers rouges, continue le poème pendant que l’amour l’amour dépose sur le sentier des coquillages bleus.

3.

Eva est amoureuse. Il faudrait se dit-elle mettre amour et toujours dans le même poème, mais elle sait que toujours n’existe que pour les framboises écrasées sur les nappes trop blanches alors elle plonge dans la confiture, comme si l’on pouvait se noyer dans un bocal avec l’amour posé au bord. Et l’amour se penche et attrape la cheville déjà sucrée d’Eva mais glisse lui aussi dans les framboises rouges éclaboussant au passage l’entourage qui prend le jus pour du sang et meurt à cette seule idée. Dans le fond du bocal Eva trouve l’amour accroché à sa cheville et le prend dans ses bras et lui dit pour toujours mon amour, la vie est un poème où l’on ne peut que se noyer. L’amour n’entend rien, avec la confiture dans ses oreilles mais il est bien, dans les bras d’Eva qui pourtant le lâche et lui tourne autour en quelques brasses jusqu’à la ligne sombre entre ses fesses qu’elle trace de sa langue coquine pour laisser une chance à la rime. Avant de sortir du bocal.

4

Eva est amoureuse, il a des cheveux blancs et de belles mains brunes, ça suffit, ça suffit, se dit-elle surprise en vidant d’un seul trait la limonade aux mirabelles, ça suffit, ça suffit chante-t-elle en sautant sur les cases du jeu de la marelle, ça suffit cette fois-ci je n’ai rien vu rien entendu, j’irai à cloche-pied de la terre jusqu’au ciel sans penser à un homme. Elle pose ses lèvres sur le caillou pointu avant de le lancer et elle saute et elle saute et elle tombe et plus rien, mais lui qui ne dit rien la regarde, et lui touche l’épaule, et elle ouvre les yeux et les bulles en plein cœur font pétiller ses sangs et elle dit ça pétille dans mon cœur avec vous dans ma vie et j’ai peur, moi aussi lui dit-il, moi aussi, mais il reste près d’elle avec ses mots gentils et ses longues mains brunes alors elle se relève et elle pose ses lèvres sur le caillou pointu et le lance et elle saute et elle saute en chantant jusqu’au ciel, et une case et une autre et elle dit venez, venez avec moi jusqu’au ciel, et il répond j’ai peur et pas beaucoup de temps, je dois partir je reviendrai je t’écrirai mais je voudrais venir avec toi, et Eva écoute les bulles pétiller dans ses veines en chantant des poèmes qui disent je vous aime à un homme qui a des cheveux blancs et de belles mains brunes.

5

Eva est amoureuse, c’est gai comme une chanson, mais au lieu de chanter la chanson, elle rit elle rit dans la rosée parce qu’un paon crie léon léon et elle rit et elle danse dans le vert du matin : ce soir il va venir léon léon, battre ses longs cils noirs dans le cœur bleu d’Eva, ce soir il sera là, la marchand de glace vanille pistache, et ce soir il est là léon léon, avec ses yeux qui disent des poèmes et ses belles mains qui tremblent comme l’avenir. Il donne un cerf-volant presque vert presque gris et les enfants d’Eva s’envolent sans entendre le paon crier léon léon et il verse du rosé et Eva toute grise déjà se met à chanter comme dans la rosée et il dit je t’emmène et je t’emmènerai, nous irons à Florence et à Rome, nous irons ici et nous irons là-bas, je te tiendrai la main léon léon, j’aime les trains j’aime les gares, je suis un cerf-volant et quand tu danses tu fais du vent, mais je ne lâche pas ta main, tu viendras avec moi, tu m’ensoleilles Eva, et il chante comme elle danse et elle, toute grise de rosé, mouille ses pieds dans la nuit du jardin pour chanter une chanson qui trotte qui trotte, et elle danse et elle chante comme au petit matin avant léon léon quand amoureuse elle allait dans la rosée rieuse, le cœur tout chatouillé par des longs cils noirs et un marchand de glace qui raconte des poèmes, je suis amoureuse lui dit-elle et chante la chanteuse, mais cette fois-ci je suis heureuse, et derrière le cerf-volant presque vert presque gris, trois petites filles rient parce qu’ils vont s’embrasser léon léon et que les petites filles aiment bien, les baisers vanille pistache du marchand de glace, dans la vie de leur maman qui chante et qui danse, et ça les fait rire oui oui oui, les amoureux qui se bisent la bouche et qui chantent et puis dansent, sans se lâcher la main.

6

Eva est amoureuse, et que dira le roi ? Le roi dira ce qu’il voudra, et moi se dit Eva, quand j’irai chez le roi je penserai à toi, mais le roi quoi quoi quoi, le roi va près d’Eva et lui dit quoi quoi quoi que fais-tu là Eva sans le cousin du roi, je viens sire ou messire, je viens juste vous dire que j’ai envie de rire et que je ris messire parce que votre cousin a planté quelques graines dans mon petit jardin, quoi quoi quoi dit le roi des graines de quoi et où est mon cousin, il n’est pas là il n’est pas loin, il pense à moi et pas au roi. Votre cousin messire me dit ma reine et des poèmes, votre cousin, je crois, est amoureux de moi, quoi quoi quoi dit le roi, que fais-tu là Eva sans le cousin du roi tout amoureux de toi, je ne sais pas se dit Eva, je ne sais pas, je passais chez le roi, je ne pense qu’à toi.

7

Eva est amoureuse. Elle dit donne-moi l’année donne-moi le jour marions-nous mon bel amour épouse-moi mon bien-aimé donne-moi le jour dis-moi l’année et je serai ta fiancée et lui qui pleure et lui qui rit se voit déjà mari époux et puis lui dit je t’aime Eva voici le jour voici l’année et les voilà les fiancés à s’embrasser du bout des yeux à se zyeuter du bout des doigts à se dire mon amour pour la première fois et lui qui rit et lui qui pleure dit je suis en bonheur et quand ce sera l’heure et le jour et l’année je glisserai à ton doigt ma belle fiancée une bague un rubis tu me troubles et je tremble et déjà je te vois à pieds nus à pas lents dans une robe rouge et déjà je suis là à te donner mon cœur et mes jours et mes nuits avant l’heure mon amour chaque jour mon épouse pour toujours.

8

Eva est amoureuse en été en hiver dans la neige et le vent la saison de l’amour sur la colline blanche va durer pour toujours alors Eva en luge glisse rouge et heureuse entre les cerisiers du fiancé qui cueille des pommes qui cueille des poires et qui chantonne jusqu’au soir quand elle fredonne tu es mon homme sur la colline où le vent et le soleil ont envoyé les fleurs en milliers de pétales couvrir le vert de blanc pour que sans glace elle glisse en luge jusqu’à l’eau du ruisseau où elle plonge nue tout va si vite dit-elle entre les poires et les cerises sur la colline des fiançailles que j’ai peur qu’il s’en aille emporté par un vent qui ne compterait plus les pétales alors dans le ruisseau en bord de luge elle nage jusqu’à lui qui l’attend toute nue j’ai planté des lilas près du lit viens Eva près de moi je suis là près de toi et comme si pour lui le temps ne soufflait plus sur la colline en fleurs il chantonne je suis son homme et j’ai de la gelée de pommes pour Eva que je vais cueillir au pied du lilas il y a des roses aussi lalalère et de la canelle près du lit pour nos noces trémières.

9

Eva est amoureuse très amoureuse très amoureuse cliquetis clic toute joyeuse au bord du lac elle tricote pour lui qui la regarde en sautant dans les flaques cliquetis clac pour lui qui la tripote et vaque de bric en broc un grand pull rouge cliquetis clic pour lui qu’elle aime tant en vidant sa pelote entre les gouttes qui l’éclaboussent flic flic et floc avec un grand cœur vif dessiné dans le rouge au bord des flaques bleues du lac cliquetis clac parce qu’à l’aube même dans une grande trique il lui a dit je t’aime cliquetis clic avec le grand bic de l’amour planté comme un poème au milieu de sa vie cliquetis clac une maille à l’endroit une maille à l’envers elle débloque les heures en toc clic clic tic tac cliquetis clic elle astique le bic qui écrit des je t’aime il grignote et tripote elle tricote et débotte asticote tout à trac tout en vrac encore et encore il éclate tic tac cliquetis clac au bord du lac un grand pull rouge avec un cœur comme la vie les jours bleus de grande trique cliquetis clic les jours rouges qui se tricotent tic tac tic tac cliquetis clac.

10

Eva est amoureuse, elle n’est pas très sérieuse : elle a du riz dans les cheveux et du savon qui lui brille les yeux à chaque éclat de bulle. Le jour, entre deux ongles, elle ramasse les grains blancs parmi les cheveux rouges et le soir elle les glisse du bout des doigts entre les draps sans plis puis se couche sans plus, et lui se gratte, se griffe et s’érafle, alors grignote le moindre grain et s’emmêle dans ses bras et ses jambes comme un enfant dans un champ oublié mais les champs n’oublient rien : il n’est pas un enfant, et Eva amoureuse n’est vraiment pas sérieuse, elle rit, elle rit, à le voir tout mari entre ses jambes trop blanches, la gorge sèche de tant de riz, elle rit et dit mon cher mari que faites-vous ici ? Je compte les grains de riz, ma mie, ma chérie, et si je suis mari, ce sont vos bras ou vos jambes ou ces grains dans ma gorge ou votre rire de jeune mariée, mais j’ai tant soif que je voudrais, coquine, dans un noir coquillage, un peu de ta cyprine pour faire passer le riz ! Et après, il s’étonne, au saut du lit, guère plus, de trouver dans les cheveux d’Eva quelques grains de ce riz qui l’assoiffe entre les draps sans plis qui se prennent pour une rizière, alors que lui, comme un enfant, découvre un coquelicot dans la rosée d’un matin bleu ciel, ouvre les yeux, regarde les éclats de bulles et se noie dans le rouge.

Extrait de : Amoureuse, textes poétiques, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, février 2007.

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La chronique de Michel VOITURIER

Écrire et faire écrire (Eva KAVIAN)

Difficile parfois de trouver des idées nouvelles pour une rédaction. Embarrassant de devoir inciter des élèves à écrire pour qu’ils s’expriment, pour que leur imagination s’éveille, pour qu’ils s’amusent avec leur langue maternelle. C’est alors que la pratique d’ateliers d’écriture vient à point nommé. Mais tous les enseignants n’ont pas suivi nécessairement de stages en ce domaine. Or voici qu’ Eva Kavian, animatrice de l’association Aganipé et elle-même romancière, propose un manuel destiné à aider ceux qui ont envie de prendre la plume. Il n’est certes pas réservé à l’enseignement mais il est aisément adaptable en classe.

L’intérêt de ce livre est d’abord de donner à lire le parcours de son auteure. Elle explique comment elle en est venue à devenir écrivain. Ensuite elle énumère les principes d’un atelier fructueux et respectueux de la personnalité des écrivants qui y participent. C’est d’autant moins négligeable que dès qu’on débarque dans la production écrite, on y dévoile qui on est et donc que des mécanismes psychologiques sont susceptibles de se mettre en branle de manière négative.

Ce mode d’emploi permet à chacun de voir où il peut aller, jusqu’où, de quelle manière. Viennent ensuite des pistes à explorer. Chacune comporte un déclencheur grâce auquel le texte va commencer. Car il est évident qu’il n’est pas capable de surgir de rien. Le mythe de l’inspiration venue d’ailleurs a fait long feu depuis longtemps. C’est bien à partir de mots, d’objets, d’images, de sons ou de couleurs que le poème ou la narration commencent. De là, Eva Kavian permet d’aborder le récit, le statut du narrateur, les points de vue, l’élaboration de personnages, la description, le portrait, le déroulement temporel, le dialogue, le conte, les incipit… Les consignes sont claires. Les exemples sont probants. Les lectures conseillées sont nourricières. La bibliographie et la webographie sont éclairantes et ouvrent sur d’autres pratiques. C’est sans nul doute un des meilleurs moyens d’aborder la littérature de l’intérieur, par la pratique plutôt que par la théorie.

Eva KAVIAN, Écrire et faire écrire, Bruxelles, De Boeck, coll. Entre Guillemets, 144 p, préface d’Albert Jacquard.

Voir aussi article dans le magazine GAEL (1ère partie)
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