Extrait du Tome 10 de la Nouvelle Biographie Nationale
“Jean d’OSTA, né VAN OSTA, journaliste, écrivain, poète et folkloriste, né à Ixelles (Bruxelles) le 20 novembre 1909, décédé à Forest (Bruxelles) le 29 juin 1993..
Fils unique et enfant naturel, il portait le nom de sa mère Jeanne Van Osta. Après la naissance en Belgique de son fils, Jeanne retourna en Argentine, où elle était engagée comme gouvernante d’une riche famille espagnole. Elle confia le petit Jean à sa sœur Hélène, commerçante qui tenait une modeste crèmerie rue Longue Vie à Ixelles. Hélène n’avait pas d’enfant et elle était mariée à Franz Soetewey. L’oncle Franz était un personnage peu commun : autodidacte, écrivain, philosophe, photographe, franc-maçon. Il transmit à son jeune neveu sa curiosité pour toutes les innovations et les inventions du début du XXe siècle.
Dans son adolescence, Jean se passionne pour les débuts de la téléphonie sans fil (TSF). Il monte un premier poste à galène, que la famille et les voisins viennent régulièrement écouter, le casque collé aux oreilles.
A l’époque où les voyages étaient rares et l’apanage des gens aisés, le jeune Jean concrétise un rêve : voir Venise ! C’est avec son meilleur ami, le docteur Polak, qu’il réalise cet exploit à vélo en trois semaines : Bruxelles – Venise et retour via le Saint-Gothard, et cela sur un vélocipède de vingt-deux kilos !
Après ses humanités à l’Athénée de Saint-Gilles, Jean d’Osta trouve un premier emploi aux éditions Bruylandt qu’il quitte ensuite pour devenir rédacteur à la Commission d’assistance publique d’Uccle où il réussit des examens de promotion qui feront de lui le plus jeune chef de bureau de Belgique. De son expérience de fonctionnaire, il tracera dans ses mémoires un portrait courtelinesque d’un de ses collègues rond de cuir.
Sa première publication, à vingt ans, est un recueil de poèmes intitulé Primevères. Edité à compte d’auteur en 1929, il sera couronné par la province du Brabant, époque bénie où les provinces décernaient des prix aux jeunes poètes.
C’est après la Seconde Guerre mondiale et sous l’influence de son ami Louis Quiévreux, journaliste à La Lanterne, que Jean d’Osta va, lui aussi, devenir journaliste, abandonnant sa prometteuse carrière à l’administration.
C’est alors qu’il choisit son nom de plume. Issu d’une famille d’origine hollandaise, il s’appelle en réalité Jean Van Osta, et on peut lire dans ses mémoires la raison de son choix : “Van Osta”, écrit-il, “n’est pas un nom de poète. Van c’est flamand, c’est commun : la moitié des Bruxellois sont des Van”. Il le change en un noble d’ et c’est sous Jean d’Osta, parfois J.d’O. qu’il signera ses articles et toutes ses publications.
Jean d’Osta entre d’abord à Front (un quotidien issu de la Résistance) dès la fin de la guerre, puis, en 1947, et pour une trentaine d’années au journal socialiste Le Peuple (aujourd’hui disparu) et à son hebdomadaire Germinal.
Comme un de ses premiers reportages consista à écrire un compte rendu sur un congrès de podologie, il l’intitula Les Pieds dans le Plat. Il conservera ce titre pendant toute sa carrière au Peuple, écrivant chaque jour, en première page et pendant trois décennies, des billets d’humeur et d’humour.
Il avait pour habitude de rédiger ses articles non loin des bureaux du journal, dans une pâtisserie de la rue du Marais où il pouvait assouvir sa passion pour les gâteaux. On pourrait comparer ses Pieds dans le Plat aux caricatures actuelles que réalise Kroll dans Le Soir.
C’est dans l’hebdomadaire Germinal que paraissent ses premiers articles écrits en bruxellois Les billets de Jef Kazak. Ce “Jef”, personnage truculent, “zwanzeur”, anticonformiste et plein de bon sens populaire, permet à l’écrivain de stigmatiser son époque surtout quand on détruit le Bruxelles qu’il aime.
Parce que c’est une réelle passion que Jean d’Osta éprouve pour sa ville, ses petits quartiers et ses petites gens : ceux qui sont restés naturels, qui chantent des chansons bruxelloises, comme Jean d’Osta d’ailleurs (qui adorait chanter en faisant la vaisselle !), et qui manient une langue qui n’est ni le français ni le flamand mais un subtil mélange des deux.
Au fil du temps, il édifie une œuvre tout entière consacrée à sa ville et à son passé, à commencer par la “Bible” de Bruxelles que représente son Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles. Cette somme de travail et d’érudition avait été précédée par un Dictionnaire des rues disparues de Bruxelles et reste un ouvrage de référence précieux.
Le livre d’or du Vieux Marché (1973), Bruxelles d’hier et d’aujourd’hui (1976), Notre Bruxelles oublié (1977), Bruxelles, Album de famille (1977), La Belle Epoque de Bruxelles (1979), Bruxelles Bonheur (1981), tous ces livres, illustrés par de nombreuses photos personnelles de l’auteur, font de Jean d’Osta l’incontournable chantre de sa ville. Il développait lui-même ses photos, prises avec son fidèle Zeiss Ikon ; photos qui deviendront, avec le temps, un témoignage essentiel de ce que fut Bruxelles avant l’Exposition universelle de 1958.
Enfin, c’est aussi par ses mémoires, modestement intitulés Mémoires candides d’un Bruxellois ordinaire, que Jean d’Osta parvient à nous passionner pour sa famille et pour ce Bruxelles disparu dont il n’avait rien oublié. Parue en 1984, cette œuvre sera rééditée, après sa mort, en 2003.
Ses talents de photographe, Jean d’Osta les exerça aussi durant la guerre où de nombreux clichés transitèrent par le canal de son ami Louis Quiévreux et illustrèrent le News Chronicle, journal britannique de l’époque, permettant aux Anglais de comprendre ce qu’était la vie des Belges sous l’Occupation.
C’est encore à la demande de Louis Quiévreux qu’il compléta le Dictionnaire du Dialecte bruxellois de son ami par une Grammaire du flamand de Bruxelles. Sans avoir jamais étudié la philologie, il jette les bases d’une grammaire et d’une phonétique que de savantes études postérieures ne pourront qu’entériner. Il était d’ailleurs passionné par les langues depuis son plus jeune âge, lui qui avait suivi des cours de sanskrit.
Sur le plan humain, Jean d’Osta donnait l’apparence d’un homme timide et renfermé. Il se livre essentiellement dans ses écrits, et il faut le lire pour comprendre ce qui lui tient à cœur. Peu sûr de lui et peu confiant dans ses capacités d’improvisation, il préparait, par écrit, avant d’être interviewé à la radio, les questions qu’on devait lui poser ainsi que les réponses qu’il allait donner. Il n’hésitait pas pour autant à participer à des séances de signatures, notamment au Salon du livre, où il prenait plaisir à rencontrer de jeunes lectrices. Il était, en effet, moins timide avec les dames : passionné de danses de salon (notamment la valse et le tango argentin), il avait, dans sa jeunesse, séduit Eva Thys, une miss Saint-Gilles qu’il épousa en 1934.
En secondes noces, il se maria en 1943 avec Julienne Mornard qui allait lui donner trois garçons. C’est grâce à elle qu’il entra en contact avec Louis Quiévreux. Ce dernier avait en effet appris que Madame Van Osta donnait des leçons de piano. Louis Quiévreux devint son élève et l’ami de Jean d’Osta.
Ils sont désormais réunis tous les deux à la place du Jeu de Balle, où chacun a son bas-relief ornant le mur de l’église des Capucins de la place du Vieux Marché, en plein cœur de ce Bruxelles qu’ils aimaient tant.”
Lebouc, Georges. Jean d’Osta [en ligne]. In: La Nouvelle biographie nationale, Tome 10. Bruxelles : L’Académie royale de Belgique, [s.d.] Disponible sur : www.georgeslebouc.be/ArticleOstaAcademie.htm