sa HUBIN Christian - Maison de la poésie et de la langue française de Namur

HUBIN Christian

Biographie

Christian Hubin est né à Marchin (Huy, Belgique) le 18 septembre 1941. Il est licencié en Philosophie et Lettres de l’Université de Liège.

Bibliographie

  • Musique, avec des eaux-fortes originales de Marc Laffineur, éditeur, 1964.
  • Études pour les deux mains, Ray Graf, 1964.
  • Soleils de nuit, Marche romane, 1964.
  • Messe pour une fin du monde, Le Thyrse, 1969; 1ère édition hors commerce, 1965.
  • Prélude à une apocalypse, bois gravés de Marc Laffineur, éditeur, 1966; éd. définitive, Encres Vives, 1970.
  • Le chant décapite la nuit, Fagne, coll. Espaces, 1968.
  • Terre ultime, Fagne, coll. Espaces, 1970.
  • Traverse-pierre, E. Thomas, coll. Plein Chant, 1971.
  • En marge du poème, Vodaine, coll. Le temps de dire, 1972.
  • Coma des sourdes veillées, Éd. Les Lettres belges, 1973.
  • Demeure consumée, Éd. La presse à poèmes, 1973.
  • Alliages, Éd. Atelier de l’Agneau, 1974.
  • La parole sans lieu, La Fenêtre Ardente, 1975.
  • Dans le blanc, Thierry Bouchard, 1978.
  • Éclaireur, Fond de la Ville, 1979.
  • Regarder sans voir, récit, Puyraimond, 1979.
  • Afin que tout soit de retour, Thierry Bouchard, 1981.
  • À perte de vue, précédé de L’enracinée, Sud, 1983.
  • La fontaine noire, Thierry Bouchard, 1983.
  • La salutation aux présences, Marc Pessin, coll. Le verbe et l’empreinte, 1984.
  • Le point radiant, Hautécriture, 1986. Orné par Claude Faivre. Rééd. José Corti, 1998.
  • Personne, José Corti, Paris, 1986. Rééd. 1998.
  • La forêt en fragments, José Corti, Paris, 1987.
  • Hors, José Corti, Paris, 1989.
  • Continuum, José Corti, Paris, 1991.
  • Parlant seul, José Corti, Paris, 1993.
  • Ce qui est, José Corti, Paris, 1995.
  • Maintenant, José Corti, Paris, 1998.
  • Personne/point radiant, José Corti, Paris, 1998.
  • Tombées, José Corti, Paris, 2000. En collaboration avec Claude Faivre.
  • Le sens des perdants, José Corti, Paris, 2002.
  • Venant, José Corti, Paris, 2002.
  • Laps, José Corti, Paris, 2004.
  • Dont bouge, José Corti, Paris, 2006.
  • Serrant, Poliphile, Dijon, 2008.
  • Squame, La Proue, 2009.
  • Greffes, José Corti, Paris, 2010.
  • Neumes, L’Étoile des limites, 2012. (Parlant seul).
  • Crans, L’Étoile des limites, 2014.
  • Incunables, Ettore Labbate, 2013.
  • Nu (e), Numéro 54
À consulter
  • DHAINAUT Pierre et VERHESEN Fernand, Christian Hubin, in Le Journal des Poètes, 1973, N° 4.
  • MIGUEL André, Christian Hubin, in L’homme poétique, Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1974.
  • EDELINE Francis, PUEL Gaston et DELLA FAILLE Pierre : Autour de Christian Hubin, in Le Journal des Poètes, 1976, N° 2.
  • Écriture française de Belgique, Cacef, Namur, 1979 (dossiers du Cacef).
  • DUPREZ Michel, dossier-anthologie : Christian Hubin, in 4 Millions 4, mars 1980, N° 268 (Bruxelles).
  • Terre d’écarts, écrivains français de Belgique, par André MIGUEL et Liliane WOUTERS, Éd. Universitaires, Bruxelles, 1980.
  • Écrivains contemporains, entretiens I, L’Hexagone, Montréal, 1982.
  • Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas, 1984.
  • BROGNIET, Éric, Christian Hubin : portrait d’auteur, in Lectures, janvier-février 1987, n° 35.
  • Dictionnaire de la littérature française et francophone, Larousse, 1987.
  • BROGNIET, Éric, Christian Hubin ou la recherche du feu occulté, in Sud, 1988, n° 75.
    BROGNIET, Eric, Christian Hubin : le lieu et la formule, essai. Avin : Ed. Luce Wilquin, 2004. Coll. L’oeuvre en lumière.
  • TROUSSON (R.) et FRICKX (R.), Lettres françaises de Belgique – Dictionnaire des œuvres – Tome 2 : La poésie, Duculot, 1988. Tome 4, ibidem, 1995.
  • SABATIER (R.), Histoire de la poésie française. La poésie du vingtième siècle, tome 3 : Métamorphoses et Modernité, Albin Michel, 1988.
  • Le Magazine Littéraire, n° 252-253 : Christian Hubin, par François POIRIÉ, avril 1988.
  • Flache, n° 7 : Christian Hubin. Présentation, bio-bibliographie; entretien avec J.M. LE SIDANER. Musée-Bibliothèque Rimbaud, Charleville, avril 1989.
  • Sources, n° 13 : Christian Hubin. Présentation et étude (Accélérations) par Pierre ROMNÉE, septembre 1993.
  • Rémanences, n° 3 : Christian Hubin : une solitude bien peuplée, par Claude LOUIS-COMBET, septembre 1994.
  • Dictionnaire universel des littératures, Presses Universitaires de France, 1994.
  • Matricule des Anges : Un socle par résorption, par Claude LOUIS-COMBET, n° 14, automne 1995.
  • Prétexte (Cahier critique), Christian Hubin: l’ellipse absolue, par Chantal COLOMB, n° 10, juin 1996.
  • The French Review : L’année poétique, par Michael BISHOP, Vol. 69, n° 6, May 1996.
  • Dictionnaire des lettres françaisesLe XXesiècle, Le Livre de poche, «La Pochothèque», 1998.
  • Dictionnaire de poésie moderne et contemporaine, Presses Universitaires de France, 1999.
  • Textyles : Christian Hubin : un poète d’une lecture difficile ?, par Pol CHARLES.
  • Sans commencement, Charleville-Mézières : Bibliothèque Municipale de Charleville-Mézières, 2007. Avec des essais, des témoignages, des lettres, illustré, avec des textes inédits du poète. Appareil critique et bibliographique.  Catalogue de l’exposition présentée au Musée Arthur Rimbaud, du 7 septembre au 14 octobre 2007.
  • http://www.lettre-de-la-magdelaine.net/spip.php?article75
  • Orphéon, F.D.R., coll. Lettres 55, 1962.
  • Epitomé, F.D.R., coll. Lettres 55, 1962.

Textes

 

Extraits de Ce qui est

Quelque chose, plus tard, dans l’embrassure. Un plateau où on résonne, imprégné ; un socle par résorption.     Comme semblable, sans connaître et su.     Un choc troué d’ascendance.        Par millimètres, sans savoir. Ovale dans du verre, les cimes à saturation.    Par un son, une seule fois, quand on regarde.      Vissant dans toute la colonne, dans l’urètre.     La trajectoire. La bulle dans l’éclat de verre.     Crêtes où du fer se pose pour guérir.     Le sol par endroits tombé d’au-delà du temps.     Où les membres, puis toute la pièce traversée, le bruit du chlorure dans le temps.        Ecoutant s’approcher les cils des morts, précédant les pierres, les ruisseaux, neigeant dans des grottes sans entendre.     Etant le fil sans contenu   Dans la mousse, dans la division de l’être.     Comme la rainure du plastique. Le seul bruit où rien n’entende.

Extraits de À perte de vue

C’est un lac, c’est un repos décimé de pas noirs. Sur la rive un fanal veille le convalescent. Des poteaux vacillent sous leurs décharges glauques.   Blafard c’est un nom qui erre, une goutte qui ne tombe plus.   C’est un lieu qui nous fixe couvert de détritus, de vieux cabans mouillés de mots impénétrables.                                                       Et deuil après deuil, les couches de carbone et de cendre. Et brouillards, haleines fumier sous la pelle, humus de syllabes sans sons.   Tuf qui enfonce sous des silos. Chimies putréfiées, ferments noirs. Feuille sous feuille, le mica d’empires calcinés.   Au fond. Où tout se tait. Au fond. Où se dissout et grouille, aux graisses. Sanie épaisse. Nuit qui patauge. Au fond, où l’obscur pile des reliques Où les pilotis pourris, Où s’éboule.   Au fond. Où s’ébranle la souche qui bée.                               Au centre opaque, dans la moelle. Ruine qui nous écoute, ruine qui nous attend, où rien ne répond ni personne.   Le sang remue les sourds métaux de l’insomnie.   L’amnésique est la seule à garder la demeure, à connaître le chemin.   La nuit s’avance éclairée dans le méandre des violettes.   Tous les mots tus s’assemblent en signe d’alliance autour d’une aurore aimantée.

Extraits de Laps

Comme
un laps

d’où ici
est,

qu’il incorpore.

Où des pores
du poignet,

du presque
identique

touchant.

Et
dans eux.

Dans le pré

qu’est-ce qui d’entre eux

– qui est,

qu’ils bougent.

Et quand
dans
plusieurs fois,

dans eux

– mimant.

Toute muqueuse

sans
toucher.

L’inexistant
de la haie,

sa dilatation
qui
retire.


sans poids.

Qui
est.

Commentaires

Christian Hubin : le lieu et la formule.

Christian Hubin fait partie d’une génération de poètes qui conduisent peu à peu l’écriture à une nouvelle maturité : revisitant les enjeux de notre modernité, il dépoussière incontestablement notre perception du poème et de la langue. Il faut souligner toute l’importance d’une démarche que je place personnellement à l’extrême pointe magnétique de la poésie française d’aujourd’hui et qui échappe à l’idée conventionnelle que d’aucuns se font du phénomène poétique : par sa forme surprenante, son dépouillement, son refus du lyrisme, du Moi, de l’effusion romantique, ainsi que par ses constants courts-circuits de langue, son écriture polyphonique est faite de résonances et d’infrasons. Par ce remarquable travail sur la langue, où s’accordent la sensibilité et les réalités contemporaines, son œuvre dénote d’un dynamisme certain de la poésie française qu’il illustre : « L’art est l’abréviation suprême. L’ellipse absolue », dit-il[1]. Il participe sans conteste d’un mouvement d’approche de « la pure présence aux choses » comme Yves Bonnefoy, Pierre Chappuis, Jacques Ancet, Philippe Jaccottet ou Roger Munier. Mais aussi d’un mouvement plus général de la création moderne : « Nous travaillons sur de l’erratique, sur de l’extrême ténu — buée volatilisée, haleine de disparition. Nuages de Debussy, Ionisations de Varèse, pétillements de nappes électroniques (Jean-Claude Eloy), spatialisations sonores (Gérard Grisey), distorsions spectrales (Tristan Murail), flux paniques, (…) tournantes-migrations (Michaël Lévinas). Rayures, stridences, mots »[2]

. Sans participer à des cénacles réducteurs, en tenant une position profondément solitaire, irréductible, ainsi que le réclame toute écriture véritable, il s’inscrit pourtant dans un vaste mouvement qui transcende les frontières et se reconnaît par l’amour qu’il porte à la langue ainsi que par l’originalité comme la profondeur de l’engagement poétique marqué par une intransigeance dans la conscience d’y jouer là tout ce qui vaut d’une existence .

Eric BROGNIET

Extrait de Christian Hubin : le lieu et la formule, essai. Ed. Luce Wilquin, Avin, 2004. Collection L’Oeuvre en lumière.

[1] Christian HUBIN, Parlant seul, Paris : Corti, 1993, p. 57. [2] Ibidem, pp. 56-57.

Debout, face à l’énigme.

Christian Hubin n’est pas de ceux pour qui la poésie est un jeu. Il s’ abîme, s’y efface. c’est depuis les bords coupants de ce qui nous échappe, de ce qui erre sans refuge qu’il écrit. Explorateur du latent, distillateur d’insoupçonnable, géographe de l’imperçu, il guette le moment où l’apparence se retourne, pour mettre ses mots dans ce laps, ou dans le sillage que laisse la langue en se retournant vers ce qui la fait apparaître. Une façon d’appréhender le réel, donc, où il n’est plus question d’un quelconque savoir, mais bien plutôt d’une remise en cause, d’une interrogation du phénomène de la perception. Chez Hubin, le poème est reste, trace d’un petit séisme, stupeur, désarroi né d’une soudaine confrontation à un déplacement d’intensité, à l’affleurement de forces invisibles, à une naissance empêchée, à un vacillement d’identité. A la façon d’un sismographe ou d’un oscillographe, le poète est celui qui enregistre les vibrations de ce qui vient de faire trembler les apparences, de ce qui est en avance sur un geste, ou encore “brille/de privation”. De la présence en ruine, une résonance, une tangence, une apposition. (…). Le poème, chez Christian Hubin, tient de la réponse à l’appel de l’inconnu, du signe vaguement complice, de l’écho à des présences qui défient tout discours. D’où un poème forcément lacunaire, pauvre reflet d’un contact empêché ou impossible. Un poème toujours trop vite rattrapé par le silence – l’intensité aveuglante du silence de l’in-connnaissance (pour dire ce face à quoi la parole s’effondre). (…). Des poèmes qui mettent au bord des choses, dans le tremblement intime ou l’écho primordial d’on ne sait quelle origine ou quel futur. on est transporté dans un temps sans temps. Peut-être le temps rétractile, flexible qu’invente le poème. Celui des laps, de ces moments où le réel, soudain, baîlle. Sur quoi ? C’est l’alchimie entre ces synchronismes en décalage et ces syncopes temporelles, qui donnent son unité à ce long poème éclaté qu’est Laps. Une grande giration lente d’éclats spasmodiques qui auraient perdu leur centre de gravité. La respiration de la matière sur fond de dépouillement et de dislocation. (…) Christian Hubin (…) est un médium perméable aux insinuations de l’inconçu, aux aurores latentes, aux harmoniques de l’immémorial. Un poète dont l’exigence est exemplaire. Un poète dont la lecture n’est qu’invite au déplacement des perspectives, et initiation toujours recommencée au silence et à l’attente.

Richard BLIN

Extrait de : Matricule des Anges, mars 2005, n° 61.

Christian Hubin : une langue for-senée

(…) Entre la réalité brute et les neurones désastreux, il s’agit moins de voir que de saisir un mouvement, de le sentir nous traverser – antenne d’insecte, sonar de chauve-souris, expérimentant un monde inexorablement autre. Le poème : bombe à fragmentation, explosion mentale, arc électrique, a-préhension, quasi-saisie sitôt déçue. le geste suspendu (sans toucher), l’immobilité apparente (sans bouger) sont une tension, une accumulation d’énergie dirigée vers le pôle suivant. Un chant inouï sourd de ces pages, entre l’ars nova et certaines avancées de la musique contemporaine, longues réverbérations du son, legato du silence, coupé de brusques et brèves déflagrations. Langue for-senée. (…). Poésie qui tire le dire vers le sans, mais où rayonne la virtualité pressentie.
Pierre ROMNEE

Extrait de : Le Mensuel littéraire et poétique, avril 2005.     Grands poètes d’aujourd’hui : Christian Hubin [en ligne]. Conférence du 30 mai 2011. BnF, 2011. 84 min. Disponible sur http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_conferences_2011/a.c_110530_hubin.html