HENRY Albert

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Biographie

 Né à Grand-Manil le 20 mars 1910, décédé à Nancy le 22 février 2002;

 Docteur en philologie romane de l’Université libre de Bruxelles (1932), lauréat du Concours des Bourses de Voyage du Gouvernement (1934), élève diplômé de l’École pratique des Hautes Études de la Sorbonne à Paris (1938), aspirant FNRS (1936-1940), chargé de cours à l’Université de Gand (1946-1949), Albert Henry est nommé professeur à l’Université de Gand (1949-1958). Dans le même temps, il est chargé du cours de dialectologie wallonne à l’Université libre de Bruxelles (1949), avant d’y être nommé professeur (1958-1976).

Bibliographie

Il réorganise alors l’ensemble des programmes de cours et donne ses lettres de noblesse à la philologie romane à Bruxelles. Philologue, essayiste, écrivain, Albert Henry est l’auteur de: L’œuvre lyrique d’Henri III, Duc de Brabant (1948), Les Œuvres d’Adenet le Roi (1951-1956), Chrestomathie de la littérature en ancien français (1953), Langage et Poésie chez Paul Valéry (1952), Études de Lexicologie française et gallo-romane (1960), Syntaxe expressive (ancien français et français moderne) (1960), Le jeu de Saint-Nicolas de Jehan Bodel (1962) et Le Testament de Villon (1974). Auteur d’un article, dans la NRF, sur un poème de Saint-John Perse, il devient un ami de l’écrivain français et consacre à ses œuvres plusieurs études critiques. On lui doit aussi des études importantes de l’œuvre poétique de Rimbaud.

Lauréat du Concours décennal du gouvernement (1950-1959), Albert Henry est membre de la classe des Lettres de l’Académie de Belgique, membre étranger de l’Académie de Suède et de la Medieval Academy of America. Prix Lagrange (1962) de l’Institut de France pour la première édition du Jeu de Saint-Nicolas, prix Honoré Chavée (1963) de l’Institut France pour ses Études de Lexicologie, plusieurs fois professeur associé, il donne conférences et enseignements dans différentes universités étrangères, notamment à Strasbourg, à Bonn, à Laval, à Yale et à la Sorbonne. En 2000, il est élu sociostraniero de l’Accademia dei Lincei.

Alors qu’il entame une carrière universitaire prometteuse, Albert Henry est mobilisé dès septembre 1938, à raison de quinze jours par mois, comme artilleur de forteresse. En septembre 1939, il est mobilisé à demeure au fort de Suarlée, puis à Saint-Héribert, avant de rejoindre, en 1940, l’État-major de corps d’armée à la Citadelle de Namur. Officier adjoint au commandant de l’artillerie, il se retrouve en Flandre au moment de la capitulation du 28 mai 1940. Comme nombre de jeunes Wallons de sa génération, il est fait prisonnier et interné en Allemagne durant la durée des hostilités. Prisonnier de guerre à l’Oflag de Tibor, de Prenzlau (1941-1942) puis de Fischbeck (1942-1945), Albert Henry est notamment le compagnon d’infortune de Maurice Leroy (philologue classique, futur recteur de l’ULB), de Robert Demoulin (futur professeur d’histoire à l’Université de Liège) et de Jacques Lavalleye (professeur à l’Université catholique de Louvain). Avec un groupe d’universitaires de formations variées, ils développent des activités intellectuelles importantes. Recevant des publications via les services de la Croix-rouge, ils organisent des cours et donnent des conférences. Parallèlement, cherchant le réconfort dans l’écriture et le souvenir de la terre natale, mu par l’amour et la nostalgie des siens et de sa terre wallonne, animé par le désir d’affirmation de soi dans un monde hostile, Albert Henry écrit Offrande wallonne, derrière les barbelés de l’Oflag de Prenzlau (1942). Chant lyrique qui évoque les spécificités de la Wallonie, tout en faisant le tableau de l’apport de la Wallonie aux cultures romanes, Offrande wallonne est une œuvre majeure tout à fait originale. Le manuscrit en est achevé en 1942. Certains extraits, écrits sur des morceaux de papier épars, sont envoyés à son épouse via des colis.

Dans son exil forcé, dans sa captivité de cinq ans, Albert Henry trouve les accents vibrants et harmonieux pour louer sa Wallonie. Son profond attachement pour elle apparaît à chaque ligne. Au travers de cette offrande se découvre un Albert Henry épris non seulement du sol qui l’a vu naître, mais aussi de tous les autres terroirs qu’il a parcourus. Il souligne que la diversité des terroirs et des métiers a forgé des types originaux et différents, enracinés chacun dans son milieu, faisant corps avec lui, qui tous contribuent au charme varié de la terre wallonne : de Verviers à Tournai, de Nivelles à Arlon, un même sang circule, un air de famille fait qu’on se reconnaît, se recherche et sympathise par delà les différences. À ses yeux, la langue française unit les patois dans une civilisation universelle. La façon de penser et d’agir face aux événements forme l’âme commune des Wallons. Se cultiver pour un Wallon, c’est rester Wallon en s’affirmant sur le plan de tous les hommes : en même temps sentir ses attaches, gonfler ses racines de tous les sucs romans et promouvoir ses rameaux vers le bleu humain pour un choix dans toutes les lumières et un don de tous ses parfums.

À son retour de captivité – il est libéré en mai 1945 –, Albert Henry publie Offrande wallonne, chez Georges Thone, sans changer le moindre mot. La première édition de 1946, rehaussée d’illustrations de Jean Donnay, sera vite épuisée. À la deuxième édition, de 1961, s’ajoutera une troisième, en 1990, illustrée de quelques bois sculptés par l’auteur. Albert Henry publie aussi une Histoire des mots wallons et Wallonie. Cette étude fouillée connaîtra plusieurs éditions dont la dernière, Esquisse d’une histoire des mots Wallon et Wallonie, a été publiée, en 1990, aux éditions de l’Institut Jules Destrée.

Membre du comité général du deuxième Congrès culturel wallon (Liège, 1955), Albert Henry y livre un exposé remarqué, consacré à L’essence et la formation de la culture en Wallonie. Remarqué aussi sera son discours prononcé en clôture des Fêtes de la Wallonie, à Uccle, lors du traditionnel hommage à la Terre wallonne (26 septembre 1964). Une terre s’intègre aux hommes. Une terre n’a pas de droits, elle est au service des hommes et ne doit pas accabler les hommes, écrit-il notamment. La terre wallonne, c’est une terre et des hommes, c’est un esprit et une culture qui vont de la terre à l’homme et plus encore, de l’homme à la terre. C’est cette alliance qui a fait ce que nous sommes. Défenseur de la langue et de la civilisation françaises, il dénonce les lois qui fixent le choix de la langue au nom d’un territoire, au détriment des hommes qui y vivent ; il dénonce l’annexion des Fourons au Limbourg ; il dénonce l’absence de grands travaux d’infrastructure en Wallonie : autoroute, électrification des chemins de fer ; contestant la politique bénéluxienne du gouvernement belge, il craint un retour à 1815. Dans sa conclusion, il clame que la terre wallonne n’a pas besoin d’hommage mais d’action, et Albert Henry s’engage à tout mettre en œuvre pour défendre, maintenir et, si possible, illustrer sa langue, sa culture et toutes les valeurs universelles et humaines qu’elles impliquent.

En juin 1976, Albert Henry figure parmi les signataires de la Nouvelle Lettre au roi pour un vrai fédéralisme rédigée à l’initiative de Fernand Dehousse, Jean Rey et Marcel Thiry, notamment, et qui vise à dépasser la régionalisation pour instaurer un fédéralisme véritable, fondé sur le respect des droits de l’homme et de l’égalité des citoyens, fondé sur l’égalité politique des communautés et des régions qui ont des pouvoirs véritables, un fédéralisme où Bruxelles est reconnue comme région à part entière.

Textes

La pudeur dans l’expression, la volonté de tempérance ou l’impuissance d’ivresse gouvernent d’admirables artisans.