Textes
QUAND SE TAIRA LE CHANT
C'était il y a mille ans. Au pays où he suis née
Les neiges étendaient leurs chastes hermines
Sur les berges du grand fleuve au reflet moiré.
Je dansais sur l'écume de mes tendres années.
Chaque jour charriait une joie vagabonde
Dans l'air frémissant de folles ritournelles,
Puis, l'ange qui passa me frôla de ses ailes
Et j'étais née comme au premier matin du monde.
Mais tu ne peux savoir: au détroit des solitudes
Où glissent les carènes de glabres bannissements
Vers le pays de nulle part aux lois inexorables,
Pour toi s'est arrêté le sablier du Temps.
Non, tu ne peux savoir: là où tu planes depuis des décennies
Otage du néant dans la houle sidérale,
Dans les gouffres d'éther dont les ombres s'ébreuvent,
Où chaque parcelle de toi aborde l'éternité,
Là où pavoisent les funèbres savanes
Et retentissent les appels des noires profondeurs,
Dans l'océan de plaintes et clameurs des bien-aimées
- Echos des élégies et sortilèges profanes-
Quand se sera éteinte la flamme qui me dévore
Et se sera tu en moi l'écho du souvenir,
Quand d'un écran de larmes se voilera l'aurore
Sa douleur s'effrite en poussière
S'intègre au levain de l'humus
Son crime rejoint dans la terre
L'indifférence du cosmos.
Débarqué sans cérémonial,
Banni du jardin des défunts,
L'alchimie des cheminements
Brassera leurs débris ensemble.
Ces corps élus ou misérables
se referont ronces et fleurs
A la fin des temps - et les âmes
Au juste poids seront pesées.