Alain Germoz s’est manifestement laissé faire par ses amis qui ont décidé de lui rendre hommage par ce livre, L’ombre et le masque, premier titre d’une maison d’édition créée dans la foulée de la revue Archipel qu’il dirige depuis dix ans. Pêle mêle, on trouve ici de la prose, une nouvelle, de poèmes et même des dessins (ces énigmatiques scromphales tracés d’une main qui s’impatiente durant les longs coups de fil comme Dubuffet, en son temps, développa l’Hourloupe. Germoz (né en 1920) a traversé le XXè siècle et fréquenté bien des avant-gardes ; il en a gardé une tonique liberté d’esprit et un élégant savoir-faire du pied- de- nez aux conventions. Il a aussi choisi de cultiver la langue française sans renoncer à vivre dans une ville (Anvers) de moins en moine ouverte au cosmopolisme. Tout cela lui confère une distinction (dont il ne s’encombrera sûrement pas), une remarquable qualité d’expression et un joyeux sens de la dérision. Et lui permet, entre autres, de brosser son autoportrait en forme de manuel de ponctuations ou de faire l’apologie de Caïn et de s’élever ainsi contre les errements divins. L’ombre et le masque dévoile tous les registres d’une identité. Longue vie aux tapinois ! Jack Keguenne
Passant désaccordé, rêveur des falaises, gisant ou errant, Alain Germoz est tout cela à la fois. S’appuyant autant sur ses références mythologiques (…) que sur ses connaissances philosophiques (…), le poète, même s’il est fortement ancré sur le réel, plonge dans les recoins de la conscience et dans la destruction des leurres. (…). La sandale d’Empédocle ou la recherche de l’informulée.
Gérard Paris, Le Journal des Poètes, 2009, n°1, p.7.
À propos du recueil Le fou rire de la Joconde (Editions Les Carnets du Dessert de Lune, 2010)
Vitrine à phantasmes
Le sourire de la Joconde est-il un leurre? Ses ambiguïtés souvent évoquées offrent en tout cas à Alain Germoz l’occasion de contestations majeures autant sur l’art en soi que sur les comportements humains qu’il suscite. Sous-titrée « variations sur un thème trop (mé)connu », cette mosaïque rassemble, dans un mélange des genres, une gerbe de réflexions et de dialogues moissonnés au long des années à travers le prisme de cette vitrine à phantasmes signée Vinci. Textes tout en intelligence, en irrévérence et en rouerie, qui soumettent cet ectoplasme de la nommée Mona Lisa à tous les traitements possibles (des plus gratifiants aux plus mortifiants), à toutes les interrogations et à tous les regards posés sur un pli de bouche passible de refléter le catalogue de nos grimaces et de nos contradictions. Saccage magistral des certitudes hautaines, des idées toutes faites, des engouements grégaires et de l’imposture d’icônes en toc du monde de l’art, mais mené avec l’élégance d’un jeu d’esprit qui pourrait, le cas échéant, s’apparenter au fameux sourire. Si toutefois celui-ci cache bien un fou rire réprimé, face aux conjectures mêmes qu’il suscite, ou exprime le doute fondamental et créatif qui anime en toutes circonstances et à tout propos, un auteur dont la liberté de pensée constitue le seul credo.
© Ghislain Cotton in Le Carnet et les instants
Comment qualifier un des derniers écrivains francophones de Flandre, homme de la plus grande liberté de ton et de la plus grande rigueur de langue, Alain Germoz. Est-ce un surréaliste, un dadaïste, un ancien ou un moderne ? Je me refuse à le classer dans un petit ou grand casier de ce genre. Son dernier live prouve une fois encore qu’il peut se contenter d’être lui-même, avec sa fantaisie et son énorme culture. Le fou rire de la Joconde est cependant, malgré son humour et sa belle méchanceté, tout autre chose qu’une potache. A preuve s’il en fallait le chapitre « Point à la ligne » véritable cours sur l’Art (il tient à la majuscule) qu’il définit comme la « potion magique librement consentie. » Le reste de ce petit livre digne des « propos des buveurs » de Rabelais se permet toutes les insolences et même pire, s’amusant à désacraliser le tableau de Léonard en jouant de toutes les ressources de la bonne blague, y compris une réjouissante grossièreté à l’occasion. Décidément ce fils de l’étonnant Roger Avermaet (encore un oublié ou gommé) n’a rien perdu à près de nonante ans de la faconde estudiantine. Comme les précédents, cet opus a aussi conservé le souci de ne jamais écrire (ou dessiner, voir ses scromphales) n’importe quoi, comme c’est la mode aujourd’hui dans les milieux dits intellectuels où croupissent des écrivains surtout préoccupés de subventions et d’une retraite confortable et si possible académique.
© Paul Van Melle, in Inédit Nouveau