PRIS SUR LE VIF
Qui a eu le culot d’insinuer
qu’il m’avait encore une fois surpris
sur le point d’expirer,
moi, qui ne me sens jamais aussi bien dans ma peau
qu’en suivant l’inspiration du moment ?
C’est toi, avec ta tête d’enterrement
dont n’importe qui serait tenté de faire son deuil,
avec ton beau sourire en coin, plein de morgue ?
Arrête un peu, c’est à mourir de rire.
Oublie, aucun espoir que je succombe à ton charme
et, qui plus est, au péril de ma vie.
Encore une allégation mensongère
et je t’expédie en enfer
sans compromis ni concession.
Tantôt bien, tantôt mal, je m’inspire
en retenant parfois mon souffle
avant de reprendre haleine,
évitant de confondre autre monde avec outre-tombe ?
Un jour, je sais, je deviendrai feu.
Quelqu’un vêtu d’un uniforme invisible
me forcera à obtempérer à son injonction :
« Couché, ventre à terre ! C’est un ordre ! »,
ajoutant sur un ton inquisiteur :
« Cette fois-ci, mon grand,
il est grand temps de passer l’aspirateur ! ».
CAVALIER SEUL
Quand il vous dit sans rire :
« Je me réunis en petit comité. »
et qu’il prétend être toujours à cheval sur les principes,
il faut comprendre
qu’il ne se retrouve en réalité que face à lui-même
et donc seul, comme par hasard,
à tenir les commandes
du commencement jusqu’à la fin,
sans aucun compagnon d’arme à ses côtés
pour empêcher l’expression idéale,
l’idée la plus appropriée,
presque arrivée à portée de sa main,
de lui fausser compagnie.
VISITE GUIDÉE
C’est ici que je suis né,
dans ma première et dernière demeure.
Vous pouvez bien sûr en devenir le propriétaire,
mais seulement dans vos rêves.
En attendant, je vous invite malgré tout
à vous y introduire quelques minutes.
Sachez que vous serez toujours le bienvenu.
La visite est gratuite et vous aurez ainsi tout le loisir
de vous familiariser avec l’intérieur.
On est bien d’accord, l’état général laisse un peu à désirer,
la façade, après tant d’années,
a forcément changé d’apparence
et je partage entièrement votre avis sur le fait
que ce soit dans le mauvais sens.
Le rythme du métronome que vous entendez
peut vous paraître un peu agaçant, mais c’est comme ça,
Que voulez-vous, il faut s’y faire !
Quant à la cage que vous voyez là-bas,
non, ce n’est pas ascenseur :
ses barreaux sont bien trop squelettiques.
J’ai d’ailleurs été forcé de conclure un compromis
avec mon colocataire, exempt de loyer pour autant
qu’il s’occupe de tous mes dossiers
et m’aide à me souvenir du meilleur comme du pire
en me dirigeant dans la bonne direction
à chaque fois que je fais appel à ses talents.
Enfin, continuons : le sous-sol est légèrement dégradé.
Par contre au dernier étage, on distingue
un pavillon de chaque côté de l’édifice,
une double fenêtre avec volets roulants intégrés
d’où l’on voit de temps en temps
s’échapper quelques gouttes d’eau transparentes et salées.
Il se trouve que celle-ci est située juste au-dessus
des deux becs verseurs d’un robinet
ayant quant à lui pour principal défaut
d’être tantôt sensible au froid,
tantôt bouleversé par des moments d’émotion
souvent aussi intenses qu’inattendus.
Mais c’est ici que je suis né,
dans ma première et dernière demeure,
hélas, promise un jour
à être réduite en poussière
comme tout refuge où l’on se figure
pouvoir vivre en toute en sécurité.
INTERRO-SURPRISE
Si je vous dis « La règle de trois »,
que me répondriez-vous ?
Sans hésiter : D’Artagnan,
même vingt ans après,
ainsi que la célèbre devise :
« Un pour tous, tous pour un ».
Si je vous dis
« Comment jugez-vous les mauvaises langues ? ».
Qu’en toute franchise,
quelles qu’elles soient, je les admire
pour leur captivante diversité.
Si je vous dis
« Un poète à l’égo démesuré »,
que me répondriez-vous ?
Rien de plus qu’un « illustre inconnu ».
En guise de conclusion, si je vous dis
« Qui êtes-vous réellement
et qu’avez-vous donc vraiment voulu exprimer ? »,
que me répondriez-vous ?
C’est simple : après mûre réflexion
et dans le but de mieux saisir
votre façon d’interpréter mes propos,
je serai plutôt tenté
de vous retourner la question.
Michel DUPREZ