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La secrète
Cette femme ayant le souci discret de son parfum, dont la précision du langage s’alliait à l’ élan du corps… sans autre ornement qu’un chapelet de perles…
Fougère inclinée sous la brise, en la tiédeur du satin, tu t’étires à la racine.
Jonquille ourlée par des elfes à l’écoute de la vague, tu te révèles à la caresse.
Aimée au creux de l’aile, l’envol a pour antenne les voyages des jardins.
Va resplendir à nouveau le tournesol.
A l’arbre du silence
tu attachas ton nom.
tant pis pour qui prendrait
l’ondée pour de la neige.
Tant mieux pour qui reconnaîtrait
le chemin de tes abysses.
A l’arbre de la joie
tu ne prias guère,
passé l’enfance.
A mi-guets, à mi-jeux,
tu te fis toi-même, avec les étoffes de l’hiver,
avec les jupes du printemps.
Depuis la mort à tes pieds,
tu vis la minute qui passe
comme on fléchit le doigt
sur la peau du raisin.
Ainsi le lézard à l’orée,
avec ma satiété de l’été
tu discernes l’instant.
Tu tendis à l’arbre de la connaissance,
entre des pages de livre où tout se lie,
entre des pages de vie où tout se délie,
Tu vins vers moi avec tes grappes mauves.
Tu macéras tes mûres dans mon alcool.
J’ai toujours à la paume ouverte
l’âcre saveur des étamines.
Tu me voulus ton goéland,
ton oiseau des plaines et des rivières.
Je fondis sur toi pour ma longue blessure.
Du lien des corps tu bronzas mes troubadours
et nous unîmes le tien et le mien.
A notre insu,
les timbres de nos voix
ont échangé leurs douceurs,
leurs craintes, leurs terroirs.
A notre insu,
les ailes de nos gestes
ont pris les mêmes latitudes,
survolant les mêmes rizières.
Je t’ai cousue au centre de ma vie
lorsque je volais encore de l’allège au chenal,
cachant mes raclures et mes rugosités,
m’entourant de sable et de lagune.
Tant d’années ont passé.
Voilà que nos limites
longtemps connues
ont gémi entre les tuiles.
Nous les savons, là-bas,
Plantées près des bouleaux.
Je n’ai cessé d’envelopper le regard
que ta peau a glissé sous la mienne
depuis l’aube rouge de l’été.
Mes bras se sont fondus en tes jambes.
Mes miroirs blessés reposent, lisses,
sur ton ventre où deux rides se sont posées.
tes sourires sont devenus plus graves ;
ils portent l’ouîe de l’âge et du siècle.
Tes bras ont agrandi leur cercle.
Le navire qui entre dans l’estuaire
défait le noeud qui t’habite encore,
où les oiseaux bas cachent leurs empreintes.
Au premier soir d’unité, tu m’offriras ta Vistule.
Tes jardins se fendent toujours sous la brise
pour mes mains qui se tendent et t’effeuillent.
Liane, ronde et belle pour mes freesias.
J’aime la maturité que j’ai donnée à ton corps.
Le parfum de pêche qui plane sur tes seins
jouxte le verger où tu récoltes les fruits
lorsqu’à l’automne s’emplissent les mannes.
Le parfum noir fume sur la colline
où grésille l’olivier de ma bergerie.
Tues l’élue de l’arum et de l’abîme,
mouvante à mes lèvres pour la lyre de Bilitis.
Mûre, mère, mante,
quand tu élèves les arcs au ciel de tes abondances,
je m’offre tes marais salants et, autour de tes reins,
plie mon plaisir pour t’en donner davantage.
Jument de ma joie que longe ton haleine,
je t’entends hennir au gré de tes délices
et le blé de notre couche jaillit de nos eaux fortes.
Lorsque je lâche ton nom et des mots d’homme,
le trait de l’éclair entaille l’oranger.
Tes accords de violoncelle bercent nos ondes
sous les âpres envies de nos bouches affranchies.
La résine découvre l’écorce, et nos corps chevauchants
s’annocent à la tendresse comme la pluie de midi.
Les songes jonchent nos artères bleues et s’apaisent
à la lumière éteinte comme la terre à l’étoile.
La chaleur se range et baisse les yeux,
nos mains s ‘adoucissent et reposent l’étoffe.
Les napées d’eau glissent le long de nos berges,
nos doigts coiffent le pain d’un arôme de miel.
S’abaisse le jour à la fente du soir.
Jetée comme une coupe
répandant ses jonquilles,
ta tête repose, absente,
au coeur de la chambre.
J’ai broché tes soucis
à l’épée de la nuit.
Douve, douce, Delft,
ma femme de juillet jusqu’à l’hiver,
ma femme séduite aux mains ouvertes….
Extrait de Claire ou le goût du bonheur