Ballade
tu es descendu au plus profond
au plus affolé de la grotte
nocturne puis l’oiseau est
venu comme ce qu’il fallait
entendre et tu as jeté ta peur
dans le premier silence du jour
dans la nuit tu t’en souviens
les ombres n’avaient pas de
visages il n’y avait ni son
ni parole seulement les frayeurs
l’errance et le grattement des
ongles sur le miserere des parois
dans la nuit tu t’en souviens
il n’ y avait que le ressassement
des pas et la buée honteuse
sur les miroirs souviens-toi
partout des bas-ventres brûlaient
comme un cauchemar sous la cendre
où étaient les vivants ? tu te
souviens seulement des aveugles
et des sourds et des morts qui se
soûlaient et de l’absence des femmes
tu te souviens de la nuit quand il
n’y avait plus d’issue à la nuit
tu t’es réveillé comme on s’
abandonne dans la paume d’un autre
silence et c’est alors que tu t’es
souvenu qu’ il y avait une musique
et qu’elle ne cessait de te manquer
et que tu étais né de l’avoir entendue
Moments du poème
Champ de lin
– ici
à perte de vue
ce bleu sans imposture
quand vivre est seulement
une immense vague
d’étoffe et de nudité
au-dessus de la ville
pour ne pas rompre la trêve
les martinets plongent
dans leurs propres cris
Parenthèse
bâillon
bouche cousue de l’enfance
– l’oreille collée au coquillage
sans savoir jamais de quel côté
se tient la mer
aujourd’hui encore quelques
paroles viennent s’échouer
sur le rivage – ce qu’elles
ne disent pas est une parenthèse
où la mer redevient possible
Variante
dedans comme dehors
les souffles
les glaives
la salive des blasphèmes
le déchaînement des songes
qui parle l’oreille collée
au secret qu’il ne dit pas ?
quelle voix s’insinue entre les lèvres
afin que la mer soit annoncée ?
Insistance
ruissellement des secondes
sur la gorge du merle
ne dites pas de son chant
qu’il recommence ne dites
rien non plus de l’achèvement
ne dites rien de l’écoute
meurtrière – rien de ce qui se
taira en vous aussi longtemps
que vivre ne l’aura pas rompu
Poème avec oiseau
on ne sait ce que l’oiseau
a troublé dans l’errance
des poètes ou des fous
on ne sait s’il a disparu
si ailleurs ou nulle part
sont des images
on sait à peine les bouches transpercées
les pages blanchies par une sorte d’adieu
à peine ce que désigne le vide
et qu’il n’était pas venu pour le combler