Extraits de L’arpenteur des steppes à pommes
Il arpente, l’enfant-loup. Il arpente les prés en broussailles.
Long détours sous le vent pour éviter les vaches rousses.
Mauvaises, les jours d’orage.
Surtout ne pas s’éloigner trop du camp de jute au parfum de
tubercule.
La grande plaine promet des chevauchées de Tartares et de
Sioux.
S’il danse mieux que la veille, le crépuscule
se noiera dans la vallée.
***
Un puits plein, brillant
comme l’œil d’un télescope
Briser le silence d’une pierre folle
Remonter la lune craintive dans le seau malmené
Et peut-être une gerbe d’étoiles déboussolées
***
Lui. Le repère. Son double. L’ami de sang et d’humeur. Plus
jeune. Deux étés et quelques dents.
Leurs pognes terreuses étreignent un même appétit.
Petit frère à l’œil d’azur et de flamme, coudes aux genoux, au
grand conseil des sachems. La parole comme une main tendue,
l’éclat d’une passerelle par-delà les fragilités.
***
Extraits de Toiles à vivre
Elles savent sans jamais avoir appris
que leur ventre capte la lumière
mieux qu’un miroir
Quand la nuit rapproche les murs
elles ferment leurs fenêtres
pour mieux goûter sur leur peau
le murmure du soleil
***
Un fou dort en moi
enserré dans la camisole
de ma peau
Quand je desserre le col de ma chemise
il m’arrive de l’entendre gémir
***
Leur maison sur la colline, loin des morsures du fleuve.
Quand le vent souffle sa hargne, la charpente geint. Une
goélette au jusan. Quatre troncs ravis à l’azur, unis par la
lumière d’une cheville.
A l’ancienne.
Il écoute le chant du bois. Comme un défi à l’usure des
chairs.
Il pense à elle. A leurs corps que la nuit confond. A cette
dérisoire et pure coïncidence.
***
On ne sépare pas l’inséparable.
Le fleuve s’ouvre devant l’île pour mieux se noyer.
C’est la même eau. La même vie. Le même éclat de ciel bleu.
Et les mêmes nuages.
Paisible et puissant, le fleuve coule sur leur amour.
Du granit à polir.
***
Extraits de Chants d’errance
L’errance est notre destination
à rebours toujours
La mort mène battue
Son chant perfore l’absolu
vivre ne tient qu’à l’oiseau qui le porte.
***
L’éternité n’a pas d’amarres
ni de quai où débarquer
Les mouchoirs s’agitent donc pour rien mais leur danse éphémère
apaise nos cœurs comme des moulins
que le vent malmène
au détour d’un chemin sans issue.