les maïs et l’ennui
entre les rangées de maïs
dans ces étés d’adolescence
je regardais passer nos vies
le long des saisons en dormance
sur une musique de houle sèche
le vent agitait les épis
nous y somnolions tête-bêche
avec l’avenir comme utopie
les jours se suivaient et parfois
parfois ne se ressemblaient pas
longtemps j’ai été l’endormie
d’un univers bien trop petit
dans les champs aux nefs végétales
las d’une providence trop étale
nous étions là, ombres dociles
d’un paysage trop immobile
le soleil nous plissait les yeux
faisait scintiller la rivière
nous n’étions pas souvent deux
tout en haut des belvédères
le temps se perdait bien des fois
sous le sourire tranquille des yeux
avec l’espérance aux abois
des après-midi ennuyeux
*
les fenouils sauvages d’Ougarit
j’avais de son pays rare connu l’histoire fertile
par les hasards mouvants où nos vies transformaient
des passés immortels en avenirs volubiles
que nous venions glaner auprès des hypogées
j’avais enfin trouvé ce qui était perdu
le ciel parlait aux pierres, et les pierres souriaient
qui donnaient le regret de ne pas l’avoir connu
quand il était enfant au pays des genêts
si nous avions voulu approcher l’absolu
tant la trace et l’aura que le bruit de nos pas
tant l’illumination que le temps disparu
nous auraient accordé encore de grandes joies
le paradis perdu n’est pas une terre féconde
les fenouils ont poussé sur les vieux alphabets
dont les symboles disaient la richesse d’un monde
au sein de l’innocence où la beauté dormait
*
sur un bruit de galop
(fragment)
pour les brassées de jours que le destin consent
qui sentent le fournil et les fleurs de printemps
il faut garder le goût de la terre et de l’eau
et arracher ses chaînes sur un bruit de galop
Extraits du recueil Les brise-lames