Voix
Tu es là, avec les yeux tournés vers la lumière Je vois ta nuque, tes épaules rondes et nacrées Et je vois le reflet de ton regard dans la trouée Des nuages et dans le masque du soleil. Je tire à moi l’espace en respirant entre mes poings Je tourne dans un grand vent de papier qui se lève Je gagne les régions mathématiques du rêve Je dors debout en jouissant entre tes reins Je parle dans la nuit sans prononcer un mot Personne ne se doute des mots de mon silence Je déconnecte tous les appareils de voyance Je suis mort n’importe où et je vis dans tes bras La signature de ton sang sur le bleu des draps Où la main de l’artiste infléchit les jambages Révèle la blancheur de la première page Tu écris en saignant le roman de ta voix. Fuir La certitude du salut mais la panique Tout le jour deux par deux mon corps et son fantôme Mon corps détruit par sa puissance immodérée Retour rivière poème orgueil lividité La carence qui est dans les jets de lumière Le poivre sec du premier plaisir contumace Ce sexe qui relève du délit d’initié Tous les mots parachutes en torche Panique ma panique ma fin du monde intime Mais le ciel précoce dans La nuit fraîche, ferme les yeux Tasse les oreillers Renaître à présent, le rire de Renoir Te protège de tes cigarettes Tu fumes dans le couloir verrouillé Tu es la pluie dans la vitesse Tu marches devant toi et tu tournes à demi Ta nuque vers la hache Tu ne mourras jamais Tu habites hors du temps. Contre-poison Je suis avec toi dans le temps Enroulés dans nos couvertures Tu dors loin de moi et j’attends Les longs doigts de la ville endormie Redessinent tes yeux fermés Je suis dans la cité du rêve La montre bleue et l’écran noir Le téléphone absent, le café dans la tasse Les heures claires de la nuit Plein de choses me manquent mais toi Tu ne manques pas, tu me troues Je sens le fruit de la douleur S’ouvrir en deux entre tes paumes Le suc délicieux et vivant Coule sur ton poignet de velours Petite vasque où je bois à genoux Tu es glacée et ta lente salive Pénètre les réseaux et les cordes De mon corps nu, vibrant Tous les bonheurs de la lumière sont venus Par le philtre de ton regard Ton rire vit en moi Ta peau peinte avec le pinceau Du matin – est ma lampe. Il n’y a pas de ciel… Il n’y a pas de ciel, il n’y a que la lumière Cette clarté jaillissant de toi Dansant sur la pointe des feuilles Dans le sous-bois où le froid nous entraîne Et je connais le silence du temps Et tu connais l’exil et la promesse De beaux mensonges ont caressé ton corps De mauvais rêves m’ont tiré en arrière Et à présent rien ne reste du mal Tu vas heurter le métal de la porte Tu vas tourner la clé noire dans ton ventre Tu vas sentir le bonheur remuer Je vais sortir de mon corps éternel Je vais entrer dans la forêt première Je vais toucher ton visage de pierre Je vais monter en toi et hors de toi Et le ciel s’ouvre, et les yeux se referment Le long voyage à travers le sommeil La longue main du plaisir refermé La longue vie de l’instant arrêté. Luc Dellisse