Poète belge (1907-1969).
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Poète belge (1907-1969).
Régime
I
La ville se sent pleine
De prisons mal fermées
De ruines qui rongent
Le sol sous l'ennemi
De bouges atteints
De maladies honteuses
De lampes cachées
De haine en veilleuse
Patrouilles de peur
Autour des vainqueurs
Des traîtres dormant
Mal sans leur masque
II
L'ivresse est rationnée
Le papier brûle
La bassesse est pensionnée
La musique hurle
Quant à l'amour
On voit de temps en temps un ange
Se fracasser sur le Trottoir
Ernest Delève a connu l'existence la plus effacée, la plus solitaire, la plus plate, la plus insignifiante. Il a publié trois recueils, entre 1953 et 1961, chez un éditeur méritoire, Georges Houyoux, qui était presque aussi discret que lui et qui n'a pas réussi à le tirer de l'ombre, sauf aux yeux d'une dizaine de bons esprits. Une étude consciencieuse d'Edmond Kinds dans la collection "Poètes d'aujourd'hui", chez Pierre Seghers, n'a pas davantage contribué à sa renommée. Dans son premier livre, La belle journée, il est pourtant un poète d'une incroyable pertinence et d'une révolte comparable à celle d'Artaud ou de Roger Arnould Rivière. Ayant surmonté, en apparence, son hostilité foncière, une sorte d'équilibre. Il y parvient, comme par l'absurde, dans son dernier, livre, Je vous salue chéries. Cet acquiescement se voudrait illuminé, mais le coeur y est-il? En tout cas, on y devine la volonté du bonheur, de la part d'un maudit: un phénomène rare.
La poésie francophone de Belgique (1903-1926), Éditions Traces, Bruxelles.