DECORTIS Léon

Bibliographie

  • Silhouettes épiques
  • Les Danaïdes
  • L' Ecole en fleurs
  • Les roses de Jericho
  • Heures platoniques,Renaissance du Livre, Bruxelles, 1932. Prix Edgard Poe, Paris, 1932.
  • Offrande aux étoiles, Avant-Poste, 1939.
  • Vous et ma joie, Renaissance du livre, Bruxelles.
  • La Fleur du feu, roman, Renaissance du livre, Bruxelles
  • Le chant d' une traversée, Ed. de L'Essai, coll. "Essai-Poésie", Liège-Bruxelles-Paris, 1964.

Textes

Et tu sauras enfin que les âmes sont mortes.

Tu revenais de la montagne,
Des brebis te suivaient en bêlant,
Des oiseaux se posaient sur tes épaules,
Les branches, une à une, inclinaient sur ta route
Leurs palmes bénissantes,
Et le nuage avait quitté le ciel
Pour étendre sa laine sous tes pas.

tu avais cueilli des étoiles
Qui brûlait au creux de tes mains
Et tu descendais vers les hommes
Qui attendaient le feu des cieux.

Mais quand s' ouvraient sur les cités
Tes mains riches et pures,
Plus hautes que les tours,
Plus larges que les fleuves,
Tes étoiles avaient pâli...
Et les hommes... n'étaient pas là.



Il n' y a pas un grain de blé pour toi,
Pas un grain de raisin, pas un rayon de miel
Dans la corbeille du soleil.

Tu pouvais bien bénir le désir des pollens
Et le miracle de l' hymen
Qui met au monde la saveur :
Toute la sève de l' année
Est encor dédiée
A la santé des forgerons.

Il ne te reste plus qu ' à mendier la vie
Aux trois gouttes d' été qui pendent au buisson,
A disputer au bec des oiseaux faméliques
La sorbe et la cenelle,
Et à frapper aux bleus carreaux du ciel
Pour demander justice au silence éternel.

O Prince des élans, des fleurs et des musiques
Qui glissas dans ses chairs des harpes et des lyres
Afin qu 'il te rendît le son de la douleur,
Ne le délivre pas des trésors de la faim :
Il faut qu ' il ait le ventre creux
Pour que la corde vibre au fond de ses entrailles.



Et voici dans tes bras le tendre agneau naissant
Qui bêlait sans ton coeur sur la soif de ton sang.
Voici venu l' enfant de ta haute infortune
Qui t' avait mis un soir en marche vers la lune
Et qui tressaillait dans ta chair quand tes genoux
Et ton orgueil heurtaient l' étoile et le caillou.

Eh bien ! va, maintenant, le présenter aux hommes ;
Lève les bras au ciel ; hisse-le dans tes paumes :
Tu verras les volets tomber sur le matin,
Tu verras fuir les pas, les yeux, les coeurs, les mains ;
Tu entendras glisser le verrou sur les portes
Et tu sauras enfin que les âmes sont mortes.

Et puis, ton bel agneau, ton frêle agneau bêlant...
Il y a dans la jungle un fauve qui l' attend.



Mais aux buissons de l'inutile,
Où vont tes mains cherchant la fleur sacrée,
Qu' importe, au bout de chaque épine,
La goutte de sang pur !
Qu'importent, sur la route, un long soir étourdi
Peuplé de nains repus,
Et la grimace des boutiques
Et la fortune de l' enclume :
Il y a pour le feu de tes mains douloureuses
La lèvre et le benjoin du ciel mélodieux
Qui hante l' heure du poème,
Et pour la croix de ton épaule,
Il y a ce visage ébloui d'éternel
Dont le souffle se penche et soulève
Comme le vent des âpres étendues
Porte la feuille aux nues.

extrait de Offrande aux étoiles