Textes
(Extrait de Sophisme du Crétois)
Plus qu'à-demi gravi le chemin de la vie,
je devrais deviner les terres d'au-delà...
Mais tous ces pas qui m'on mené, mais tous ces pas
me laissent en-deça du tourment qui m'épie,
me cachent le pays que je ne connais pas.
Sera-t-il de soleil? Irai-je par ses cendres?
La grande nuit de gel sera-t-elle son ciel?
Plus qu'à-demi gravi ce chemin peu cruel,
je ne sais pas encor s'il consent à descendre:
je monte, et monte, et tombe, et suis pourtant l'appel.
Il est venu de si longtemps, de tant d'étoiles,
de tant de morts entremêlés dans le limon;
il m'a donné mon sang, il m'a donné mon nom,
il a tressé les fils épars de cette toile
dans laquelle je taille en vain mon gonfanon.
Il me faut cependant le hausser jusqu'au faîte.
On me dira demain quelle fête l'attend.
Si je n'ai pas sur le coeur, si je n'ai pas le temps,
brûlez-le sur le sol qui marque ma défaite,
et repartez sans moi, et repartez vivants.