Sensible, ô combien sensible, tu es le poète fraternel, et c’est la voix, ta voix la plus pure que j’écoute là, celle qui dit la mort, et la reconnaissance dans la mort, et la reconnaissance des ombres avec la lumière. Et c’est triste, et pourtant il y a comme un bonheur diffus, une allégresse pudique, légèrement posée comme un oiseau de page en page. Cette « petite suite » si grande et douloureuse, émue, lumineuse, ténébreuse, ardente, glacée, frémissante, retenue, forte avec sa faiblesse, faible de toute sa force, avide, jetée au ciel vide, maîtrisée, spontanée, qu’est-ce que cette petite suite au juste ! Quel chant immémorial et neuf il y a là, toute simplicité allusive, et quelle mélodie secrète (et humble triomphante). Voici donc, non pas des poèmes, mais la poésie. Cela c’est toi, le malheur conquis, le chant retrouvé. Faut-il que meurent ceux qu’on aime pour que nous les aimions avec notre résidu de vie ?
Jean-Claude Pirotte (à propos des Treize poèmes pour Eric)
Ce qui nous est dit, c’est l’ailleurs, et que cet ailleurs ne délivre pas de soi-même. Que rien, en somme, ne délivre de rien. Tout, en ce monde, est sécheresse, la sécheresse amère de la soif dans les convois empoussiérés des Andes, celle du petit matin sous la verrière des gares de l’est, celle encore de midi le long des pistes où le bagage pèse aussi lourd que le destin, celle enfin des tendresses fuyantes de la nuit, et du désir jamais assouvi.
Un poète désespéré de plus, direz-vous. Eh bien non. Sous la croûte rude et crissante du texte se cache une mélodie profonde et ténue qui console, un appel timide et pur, la pulsation d’un amour, une parole au-delà de toute parole. Le poète habite là, sous les ombres, dans le plus grand secret.
Jean-Claude Pirotte (avant-propos de Je n’ai jamais été à Iquitos)
Il y a dans vos poèmes comme écartelés – et cela aussi atteint très loin en moi – comme une pudique nostalgie (eh oui, malgré l’apparence à laquelle certains, toujours les mêmes, ne manqueront pas de se tromper) et un appel. Je songe au titre de Bianciotti soudain « L’amour n’est pas aimé ». Pardonnez la maladresse de mon expression : mais c’est bien aussi ce cri et cet appel, dans votre poésie, qui m’atteignent. Il me semble que c’est la vérité même de votre être, partout, qui se dit et se déchire, se met à nu.
Jacques Borel (à propos de Je n’ai pas été à Iquitos)
Vous écrivez en toute évidence en héritier de Valéry Larbaud et de Blaise Cendrars, de Kerouac et de Kenneth White. Vos textes sont pleins de vent, d’air aspiré et de nostalgie.
Christian Hubin (idem)
Ce livre, je l’aime vraiment beaucoup, car il me semble échapper à tout « ronron » autant qu’à cette désastreuse « belgitude » qui nous endort…
Werner lambersy (idem)
Je n’ai jamais été à Iquitos : cela vous dérangerait-il que je voie ce recueil comme un journal-jeans et jazz d’un poète dérivant à la recherche d’une identité et qui n’accomplit pas le voyage, même si le voyage est le moteur de cette dérive.
André Schmitz (idem)
Ce désespoir fondamental, de la vie comme de l’écriture, interdit d’envisager la poésie comme un jouet culturel. Notation lucide et tension douloureuse, dont la révolte à l’égard de la condition humaine est le détonateur : Dantinne « ne fait pas de la poésie ». C’est pourquoi son livre est traversé d’interrogations convulsives et c’est pourquoi le voyage entrepris et narré n’est pas de divertissement (qu’il soit touristique ou poétique, et de toutes façons anecdotique) mais à usage interne.
Eric Brogniet (critique de Je n’ai jamais été à Iquitos, dans Marginales)
Ses poèmes se donnent à vif, au cœur même de l’expérience vécue. L’amour et ses défaites y tiennent une large place, et cette espérance chevillée au cœur, d’un peu de tendresse, d’un geste de bonté. Mais n’avons-nous pas vocation du malheur ? et ne sommes-nous pas les passagers de nos peurs ?(…)
Appel à la sérénité, la poésie de Dantinne vibre d’un désespoir que la révolte et la rage transforment en cette force qui pousse le désir au-delà de lui-même, vers le partage impossible, le lieu mystérieux où vivre en paix ; n’est-ce pas la mission du poème, quand il est inspiré ? Ou de la musique qui le prolonge jusqu’à l’incandescence ?
Alain Bertrand, pour De Consolatione Poetica, dans Luxemburger Wort.
(…) Je voulais juste te dire à quel point j’avais été ému (pardon pour cette faiblesse, mais il n’y a pas d’autre mot : ému) par la lecture de ton de De Consolatione Poeticae, qui est plus qu’un recueil de poèmes, mais un état de la vérité. Et de la vérité la plus cruelle. Il n’y a pas beaucoup de lignes qui ne formulent pas très justement ce que j’ai plus d’une fois éprouvé devant cette navrante catastrophe des choses qu’on ne recommencera jamais. Le chagrin n’est sans doute pas la bonne attitude. Mais n’importe quelle autre attitude ne serait qu’une feinte. On fait face, d’ailleurs assez mollement. Nous ferons semblant d’y croire toujours. On se noie dans l’écriture avec le sentiment d’y nager. Finalement, on est heureux qu’à l’âge où la question du bonheur ne se pose pas. Ton beau livre est un livre de survie. L’espoir y est à sa place naturelle : nulle part.(…).
Lettre de Franz Bartelt à propos de De Consolatione Poeticae
“Il n’est pas très original de mourir, mais vivre non plus, n’est pas une chose très neuve” écrivait Essenine au bord du suicide. L’incapable d’Alain Dantinne constate qu’ “il n’y a ni fort, ni faible. Que des vaincus”. Mais il existe pour les vaincus, des défaites fascinantes, qui sont appelées autant qu’exécrées. Ce journal sera donc le registre fidèle d’une double agonie, celle de l’enfant que fut le narrateur – et qu’il se surprend à être encore – et celle d’un père lointain que la mort va soudain rapprocher férocement. Mais c’est aussi la relation d’une paradoxale et obstinée renaissance. Faut-il que meurent les êtres aimés, familiers et méconnus, intouchables et souverains, pour que nous nous sentions autorisés à naître ? Et que se flagelle et s’autodétruise le sentiment amoureux pour que l’amour accède à l’épiphanie ?
Jean-Claude Pirotte, à propos de Journal d’un incapable