Extraits de Glaires
hébétés de lumière
nous n’avons rien su du gel
—
on ne quitte pas ceux que personne ne réclame
ce sont eux qui nous quittent
un matin
—
jouets en tas partout cheveux
monceaux de voix sans parole
visage en cendre qui nous fonde
—
nous errons
en quête d’un visage
à offrir à la douleur
—
l’enfance est jonchée
de cadavres
jetés à la hâte
ils tombent maintenant
par pans entier
—
il ne nous reviendra
que ceux-là
lisses
intacts
—
on en fera des icônes
pour que quelque chose
un instant
reste dans nos mains
—
que votre visage demeure
celui qui manque
nous n’aurons que les mots
pour vous toucher
—
tard on parlera nu
de cette nudité des corps
retirés des gravats
et c’est le commencement
d’aimer
dit-on
—
toute cette nudité alors
toute cette nudité que nous sommes
dans le regard de l’autre
—
la nudité
elle n’est pas le lieu tardif
elle est ce qui commence
—
on écrit les yeux baissés
pour ne rien connaître
de cette nudité
—
et on jette des petits cadavres contre les murs
pour les punir d’être nus
pour nous punir
—
fosses d’enfants
nos généalogies
l’arrachement
ne finira pas
—
on a commencé de mourir
au commencement d’aimer
ce qui nous fonde nous achève
—
au ventre désormais
la faim des visages
que personne ne réclame
—
ceux-là les perdants
ils font de nous
les perdus d’avance
—
on est de la fratrie
des petits cadavres
on a dans la gorge
la bouillie de leur cri
—
ici au parloir
on se coupe les lèvres
sur la vitre
qui sépare les corps