sa CORBUSIER Jean-Marie - Maison de la poésie et de la langue française de Namur

CORBUSIER Jean-Marie

Biographie

Jean-Marie Corbusier est né en Belgique en 1950. Il est marié à Dominique Neuforge. Il vit dans un petit village des Ardennes belges. Il est professeur de français et a publié une douzaine de livres chez différents éditeurs ainsi que poèmes et articles dans différentes revues.

Bibliographie

  • Espérances suspendues, prose, éditions La Louve, 1985.
  • Régénération bleue, prose, éditions La Louve, 1987.
  • Le néant se dévore, L’Arbre à Paroles, 1991.
  • Heurte, je crie, Tétras Lyre, 1997.
  • De mutuelle présence, poèmes accompagnés de deux peintures de Dominique Neuforge, [s.d.].
  • Éboulis d’ombre, L’Arbre à paroles, 2000.
  • État de fait, Le Taillis Pré, 2000.
  • Duel, Le Taillis Pré, 2001.
  • Voix sans issue, éditions La Porte, 2003.
  • Durer, Le Taillis Pré, 2002.
  • Au jour le jour, Le Taillis Pré, 2003.
  • Figures de l’ouvert, Le Taillis Pré, 2005.
  • Ce lieu habitable, Le Taillis Pré, 2006.
  • Une neige peinte de pas, Le Taillis Pré, 2011.
  • Dans le jour soulevé, Le Taillis Pré, 2013.
  • La lampe d’hiver, Le Taillis Pré, 2015.
  • Le livre des oublis et des veilles, Le Taillis Pré, 2017.
  • Ordonnance du réel, Le Taillis Pré, 2021.

Textes

Disparus
père et mère
sous la pierre
plus de coupable
plus de silence
Disparus
pierre
sur les abois
sur les visages
je te regarde
non distance
non rupture
Disparus
Extrait de “Une neige peinte de pas”
*

Dans le tomber de l’air

La fraîcheur des premiers jours était l’immense innocence
face à la clarté nue du monde. demain sans écho, ne rudoyait
pas le présent non plus qu’hier oublié. la raison souriait
encore, elle qui plus tard portera le masque de fer et les dents
d’acier. l’errance faisait de nous les hôtes d’une terre toujours
tiède. Nous étions de partout assoiffés de nécessités. Le verbe
naissant tenait sa juste place entre le silence et l’ombre de nos pas.
Libre de son nom, l’arbre nous occupait la journée entière, nous
échangions nos sangs en plein jour. Dans notre paume
la pierre palpitait. Nous n’étions occupés que de vivre, nos
prises n’excédant pas aujourd’hui, nous restions libres, adossés
à l’air. Nos morts n’étant pas pleurés, nos regards restaient
circulaires.

En mémoire de l’hôte, ce trois juillet mil neuf cent
quatre-vingt-neuf.

Debout se draper de l’évidence : les soleils de midi
n’exhument que des blessures.
Chercheur d’un éclat de silence probant, l’éclair médité
aiguise la fuite prolongeant dans le cri apaisé l’hommage
fraternel.

Nous avons approché l’hirondelle au visage impatient : la
foudre recueillie entre nos mains nouées.
Effleurée, elle a fermé les yeux.

Extraits de : “Durer”

*

La main qui se tend ne touche rien
comme si le mur reculait
comme si traverser l’air n’était rien
traverser
ce miroir sans fond
ce par-delà visible intouchable
comme si sans visage l’oubli
brillait jusqu’à cet espace effacé
jusqu’à ce teint de rose évanoui
dans la durée diluée
ce face à face où tremble
trop tôt ou trop tard
ce visage à nulle voix qui se traverse
ni réponse
ni apaisement
qu’est-ce
qui s’efface et sans cesse revient
comme une absence de fin
ce fond sans fond dernière certitude
cet évanouissement
qui emporte vers ce qui toujours
RecommenceLaquelle de ces paroles
est la plus proche
parole qui ne revient jamais
parole dérisoire au fond du vivre
une toux sèche au bord du vent
parole ivre dans sa gangue
présente et ailleurs
qui dit n’importe quoi
rayonnant
dans l’éboulis des jours
inouïe
sur un appui d’air
présente et perdure
parole
telle une brassée d’air frais
qui délivre de soi s’éparpillant
d’ivresse
jusqu’aux plus sombres des mots
parole neutre
qui va jaillir

Extrait de : “L’Oubli, l’attente

Commentaires

Jean-Marie Corbusier a longuement fréquenté les “grands astreignants” et il en a retenu les leçons essentielles pour prendre appui sur la clarté des rares mots qui nous restent demeure.

René Welter

*

Jean-Marie Corbusier est pris à parti par la poésie, celle qui sans cesse devient malgré les fractures et ruptures, celle qui hante sans se décliner, qui s’échappe aussitôt approchée ; elle est sans destination étant destination elle-même.

Pousser le souffle à bout, pousser le souffle jusqu’au bout, jusqu’à l’abrupt du respirable : très loin, jusqu’à son extrême, jusqu’à l’âpreté banale, où se détachant, il devient un trait exact, synthèse de la forme et du fond, de l’affect et de l’intellect, de la pensée et de l’émotion. Tout pourrait nous laisser croire que Jean-Marie Corbusier vit comme un être crispé, suspendu au fil du temps incertain ; il n’en est rien. Etant ici, il est ailleurs, de l’autre côté, où se conjuguent des morceaux de jour, d’air, de ciel, de silence et de lumière, devenant jour exact, air exact, lumière exacte.

Gaspard Hons