CLÉMENT Thierry-Pierre

Biographie

Thierry-Pierre Clément vit à Bruxelles. Il a publié un roman et huit livres de poèmes.
Récemment parus : Ta seule fontaine est la mer (préface de Pierre Dhainaut, prix Emma Martin) et Approche de l’aube (préface de Jean-Pierre Lemaire, prix Aliénor).
Il est aussi l’auteur de plusieurs livres d’artistes en collaboration, ainsi que de poèmes, essais et articles critiques publiés en revues. Nombre de ses poèmes figurent dans diverses anthologies.
Son travail littéraire reflète un amour profond pour la nature ainsi qu’une inlassable quête intérieure.

 

 

Bibliographie

Poésie

  • Électrolation, Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1979.
  • Torrent, Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1980.
  • Cailloux ronds dans l’eau claire, Omvros, Athènes, 1986.
  • Le laurier-rose, avant-propos de Marcel Hennart, chez l’auteur, 1988.
  • “Passage du monde”, dans Guillaume, Guillaume…il y a 75 ans Guillaume Apollinaire, collectif, Tétras Lyre, Ayeneux, 1993.
  • Orées, en collaboration, édition d’artiste à tirage limité, Atelier du Héron, Bruxelles, 2003.
  • Le pèlerin, dans Cinq immortels, collectif, édition d’artiste à tirage limité, Atelier du Héron, Bruxelles, 2004.
  • Un chemin de lumière, édition hors commerce, chez l’auteur, 2007.
  • Fragments d’un cercle, Le Non-Dit, Bruxelles, 2010.
  • Ta seule fontaine est la mer, À bouche perdue, 2013. (Sépia). Prix Emma Martin 2014.
  • Approche de l’aube, préface de Jean-Pierre Lemaire, Ad Solem, Paris, 2018. Prix Aliénor 2018.

Roman

  • Furnes et la montgolfière, Snark, Bruxelles, 1992. Prix Hubert Krains 1990.

Textes

Neuf poèmes extraits d’Approche de l’aube
(éditions Ad Solem, Paris, 2018)
 
 
 
 
L’appel
À Thierry Renauld
pourquoi avoir quitté ce chemin
où tu marchais d’un pas tranquille ?
pourquoi soudain
cette impulsion pour prendre de côté
l’allée vers l’inconnu
inondée de soleil ?
un appel
seulement un appel
et ton obéissance
aux courants de lumière
*
La question
entre tilleul et hêtre rouge
tu berces ta vie
la poses au creux de la balance
y aura-t-il assez de silence
pour accueillir en cette paume
le trop-plein du ciel ?
*
L’éternité
À Lucien Noullez
derrière les arbres
un incendie demeure
et de l’or flambe
au fond de la vallée
la pluie ne l’éteint pas
des oiseaux blancs dans le ciel
passent sans bruit
*
Le don
Pour Anne-Marie Weyers
la glycine épanche ses fleurs très pâles
elle déborde en gros bouquets d’offrandes
par-dessus la balustrade et la corniche du toit
on dirait une cascade
de neige parfumée
en flots d’inépuisable abondance
et ton cœur déborde aussi
stupéfait de recevoir ce matin
tant de merveille imméritée
*
Révélation
À Jean-Pierre Lemaire
les hautes pierres blondes
fendent la brume du matin
comme la proue d’un navire l’écume
et plus elles s’avancent plus elles se couvrent d’or
elles nous montrent la voie
le soleil sorti des bois de la nuit
la lumière accueille la révélation des pierres
elle accepte d’être désignée par elles
de naître à travers elles
*
Attention
À Philippe Mathy
tu as marché
à la rencontre
d’un poème
tes pas ne le savaient pas
il t’attendait
au bord de la route
tu devais juste lui prêter
l’oreille
et le regard
*
[sans titre]
arpentant cette plage
le long du flux et du reflux
tu suis la ligne d’écume
entre le sable et le sel
le palpable et l’inconnu
tu foules
l’imperceptible crête
entre le temps
et l’éternel
où donc ta certitude ?
dans ce que tu crois tenir
ou dans ce qui sans cesse
t’appelle et te fuit ?
*
La promesse
assis au seuil de la cabane
la nuit close derrière
le jour ouvert devant
*
[sans titre]
qui nous fera voir le bonheur ?
qui marchera devant nous
et guidera nos pas dans les plis
de l’obéissance au vent ?
nous ne refusons plus
ce que nous ne pouvons voir
nous avons jeté nos sacs idiots
pleins de questions et de doutes
nous restons à l’écoute
au milieu des vagues
et nous laissons la mer
entrer dans notre cœur
****
Extraits de Ta seule fontaine est la mer, 2013 (Prix Emma Martin 2014) :
Comment dire la lumière
au tréfonds de l’obscur
au cœur même du manque
ce qui t’emplit tout entier ?
Enfermé dans l’enfer
comment dire l’infini
et le silence ébloui
dans le tonnerre des vagues ?
*
À Lucien Noullez
 
Le merle murmure
en son gosier d’eau.
La pluie applique
sa patience aiguë.
Attendre
d’un cœur égal
une
présence.
*
Qui sait le chemin de l’eau
sous la peau de la roche
avant la source ?
*
Ta soif…
Aucune joie ne peut
ici
l’étancher.
Ton esprit déchiré
ouvert au grand large
est une vasque d’eau claire.
Ta seule fontaine est la mer.
L’écume et le sable
te le chantent à l’oreille
et le vent.
*
On ne sait pas
pourquoi l’on aime.
Une lumière nous atteint,
nous donnons notre accord.
Nous ne pouvons déchiffrer
mais nous livrons passage.
Nous ne sommes pas aveugles.
Nous voyons plus loin.
*
Aucune certitude
ici.
Pourtant c’est ici
que s’écrit la
seule certitude.
*
Pour mon fils Arnaud
L’oiseau reste invisible
mais le chant dit l’oiseau
comme le chemin
dit la mer
que nous ne voyons
pas encore.
*
Solitude
pleine aussi
l’ordre des jours posé
sur le fil
de l’éternel.
****
Extraits de Fragments d’un cercle, 2010 :
étrangers sur cette terre
quelles sont ces pluies
qui glissent sur nos cœurs
à la recherche de quoi ?
étrangers sur cette terre
cloche au clocher sonne
campagnes étranges diluées dans vos brouillards
étrangers sur cette terre que sommes-nous venus chercher
ici ?
*
ô claire pesanteur
dans tes voiles fanés
qu’est-il advenu de vos
beaux corps ombragés
les brocéliande écume
semblent mortes
et je vois vos cils fins
défaire les lits du temps
*
tu danses sur des sentiers de sonnailles
et tu traverses les champs de châtaignes
laissées par les brumes
le vent soulève tes os
et te glace les paupières
il n’est d’autre fruit
au rouage de l’horloge
que ces coques écrasées
dont le jus s’est perdu
– quand le soleil se lèvera
rouge
tu verseras dans le creux de ta main
la cendre de nos forêts
et tu boiras de l’or
dans une coupe d’airain
*
et quand au bout des songes
à l’herbe bleue des marais
tu venais dans une barque d’étoffes déchirées
écouter les histoires sans mémoire
que racontaient les grenouilles au fil de l’eau
tu te disais que le soleil finirait bien
par couler lui aussi
pour inonder la terre
et lui rendre son cœur aquatique
son cœur sans images et sans mots
son cœur à jamais sans forme
et sans muraille
tu te disais
qu’il serait temps de partir
– un jour
à la recherche du jardin perdu
où l’arbre n’est qu’un arbre
et son frère un arbre aussi
où la fève est pure et sans taches
qui nourrit le vol d’oiseau
où l’abeille n’a pas de maison
où la fleur n’a pas de saison
où rien n’a de raison
où je n’est pas né
où le désir est absent
– mais
le délire aussi
le délire d’un soir d’été
le délire d’un soir comme ce soir
où les grenouilles racontent des histoires bleues
au fil de l’herbe des marais
sous l’or du soleil qui s’endort
alors
tu remontes dans ta barque d’étoffes déchirées
tu pousses dans l’eau ta branche de bois mort
et tu rejoins la rive
où dansent les abeilles
*
lente montée blanche
parmi la fagne et les sapins
le regard gris-bleu du ciel
retient le souffle de nos âmes
le blanc soleil derrière les bois
dessine une danse dans le silence
l’eau muette et pâle
glisse sous l’œil glacé
ses longs cheveux s’étirent
s’élancent et dansent dans le silence
ô linceul ô pureté
la joie ici se tait
dépasse son propre nom
efface son propre nom
*
tu viendras chaussée de la nudité des sables
tu viendras vêtue de la nudité des mers
drapée de l’immensité du vide
je te dirai mon voyage et j’apprendrai ton chant
tu rempliras mon âme de la senteur des étoiles
je jetterai dans les vagues mon sac idiot plein de questions
alors nous irons sur la mer
*
La maison où je demeure
ne meurt jamais
et n’a pas de limites
elle ne possède pas de murs
mais des fenêtres de lumière
et des portes de feu
La maison où je demeure
habite en mon cœur
flamme au creux d’une lanterne
bateau dans une bouteille
Aujourd’hui le verre s’est brisé
même le navire s’est ouvert
et seuls demeurent
la lumière
et l’océan