CLAUS André

Œuvres disponibles

Biographie

André Claus est originaire de Saint-ghislain. Il est mort en 2011. L'ensemble de son oeuvre poétique a été reprise dans Faisceaux de lumière.

Bibliographie

  • Faisceaux de lumière, chez l'auteur, 2000.

Textes

Extraits de Faisceaux de lumière

 

Et pourtant elle tourne !

De n'importe où jusqu'à Melbourne

Sans se lasser la terre tourne,

 

Et l'homme court et l'homme a peur,

Appréhendant le pollueur,

Irrérductible bricoleur,

Qui lui souille sa ville et sa mer et son sable,

Lui trafique son air et frelate sa table.

La terre tourne et va vau-l'eau,

Pauvre poisson, pauvre moineau.

 

Et l'homme court et l'homme a froid,

Craignant de quelque maladroit,

Faiseur de bruit, planteur de croix,

Pléthore en décibels, publicité criante

Ou "phytopanacée superdéfoliante".

La terre va l'erreur en main,

Pauvres moissons, pauvres humains.

 

Et l'homme court et l'homme est fou,

Aurait-il vu le casse-cou,

Mi-pense à rien, mi-touche-à-tout,

Manipuler la bombe et l'atome et l'a transe

Et semer par tout vent des ivraies de souffrance?

La terre va l'angoisse aux dents,

Pauvres lapins, pauvres enfants.

 

Et l'homme court et l'homme a tort,

De n'importe où jusqu'à Melbourne,

Sans se lasser la terre tourne

Et va tout droit jusqu'à sa mort !  

 

Commentaires

André CLAUS, de Saint-Ghislain (B.). 

 

«La perfection classique des constructions poétiques n'étouffe jamais son romantisme» 


            Un jour, ses yeux n'ont plus distingué que des ombres. Mais, de sa mise à la retraite prématurée de la SNCB, André Claus ne tirera aucune amertume. Adieux sans regrets à l'Atelier de traction diesel de Saint-Ghislain. Malgré un travail accompli impeccablement, et des employés qui regretteront ce chef qui avait du cœur…  

 

Nous sommes en 1975. Pour habiter son temps libre, André Claus reprend un dialogue interrompu à la fin de l'adolescence. Il se remet à tutoyer les mots. Et s'immerge avec jubilation dans les arcanes de la prosodie. Jongle avec les pieds. Fignole alexandrins, quatrains et sonnets. Ce "très malvoyant", comme il se qualifie lui-même, reçois en outre l'appui de l'asbl "Les Amis des Aveugles de Ghlin". En trois semaines, il apprend le braille et retrouve le chemin de la bibliothèque. Du bout des doigts, il aiguise sa mémoire "visuelle" et mémorise plus encore les subtilités ortho-graphiques de la langue de Molière. 

 

Son goût pour la poésie romantique et classique lui revient intact. Hugo, Musset, Ronsard, du Bellay, Lamartine, Claudel,… cette fois, c'est son tour de polir les strophes comme on fignole un bijou difficile. Ses lecteurs occasionnels s'émerveillent et se récrient ; l'encouragent à participer à des concours de poésie. Bien que retranché derrière sa modestie naturelle, André Claus accepte. Ce perpétuel premier de classe possède la bravoure des timides et ne dédaigne pas, à ses heures, la compétition. Depuis l'enfance, il a l'habitude de se battre. Ses parents – des Flamands frontaliers durs à la tâche -  exigent-ils qu'il entretienne le jardin, soigne les animaux tout en caracolant en tête de classe ? Soit. Mais alors, il utilisera sans vergogne son arme secrète. Et s'évadera en se glissant dans la peau de ses héros favoris. "Le travail devenait loisir. C'est bien là le secret".  

 

Haute enfance, toujours vivante qui, comme le vent dans les blés, fait ondoyer la mémoire aiguë de cet octogénaire. André Claus y puise son inspiration et nous convie "aux agapes de roi des années immatures". La nature, le quotidien, le respect des "travaux ennuyeux et faciles"? "Vivre jour après jour est peut-être artifice, mais le bonheur engrangé reste pris pour longtemps". Et les poèmes d'André peuvent être lus de 7 à 77 ans. 

 

Au-delà de la rigueur de cet architecte des mots, qui ordonnance un vocabulaire foisonnant, séduit les experts du genre. Bien malin le censeur qui parviendra à dénicher une faute de style ou d'orthographe parmi ces alexandrins subtils.  Résultat, une Kyrielle de prix, collectionnés avec une régularité d'horloge depuis 1984. Le dernier en date lui a été décerné par l'Académie européenne des Arts. Une médaille d'or internationale pour son "Recueil". 

 

À présent, André Claus estime avoir "tout dit" en matière de poésie. "Faisceaux de lumière", son dernier ouvrage, reprend l'intégralité de son œuvre, y compris des textes écrits en 1938 et 1939, avant que la guerre n'éclate, ainsi que des poèmes en langue dialectale. D'authentiques morceaux de Picardie qui valurent, cette fois encore à l'auteur, leur pesant de distinctions. 

 

Aujourd'hui, son histoire d'amour avec les mots n'est pas finie pour autant. Pour la première fois, André Claus travaille à un roman. Qui lui aussi s'abreuve directement aux sources enfantines et qui met à nouveau en scène ce petit Flamand qui ne commença à parler le français – mais lequel ! - qu'à l'age de six ans.  

 

Pudique, André Claus ne s'épanche guère sur sa mal voyance, même qu'il regrette "la prunelle féline" de ses vingt ans. Même s'il déplore d'avoir trop longtemps fixé un soleil dont le disque éclipse pour toujours sa rétine… 

 

                                         Martine Pauwels