CHANLY José

Biographie

Né à Namur il y a trop longtemps (1938). A enseigné dans cette même ville durant 32 ans. A commis sept recueils et s’est offert une particule lors de la parution du dernier ouvrage intitulé: Les Très Riches Heures du duc de Chanly. Pour vous servir.
Depuis cinq ans, il nourrit sur le Net trois sites, dont l’un consacré aux haïku et tankas, poèmes courts qui lui permettent de poursuivre sa quête poétique.

Bibliographie

Recueils

Mes quatre saisons. Virton : éd.Michel frères, 1968.
seul ensemble, chez l’auteur, 1973.
Dix-huit désirs d’écrire (atelier du champeau), 1976.
Proies en prose (atelier du champeau), 1979.
19 temps morts enchâssés (Temps-Mort), 1982

Tout mon royaume pour une varlope, chez l’auteur, [s.d.] (1988).

Les très Riches Heures du duc de Chanly, chez l’auteur,1997.

Sites

http://chanly.apinc.org/  (haïku et tankas)
http://chanly.apinc.org/Jose/index1.html  (photos du jour accompagnées de poèmes (haïku ou tankas)
http://chanly.apinc.org/rh.html  (les recueils précités)

Textes

PUIS-JE?

Puis-je entrouvrir votre corsage
pour égayer le paysage
sans plus?

Puis l’effleurer des lèvres
en signe d’amour
sans plus?

J’aimerais tant vous délivrer
d’une robe qui vous étouffe
sans plus?

Vous demander d’entrer en vous
pour m’y perdre sans plus?
puis-je?

PERMIS DE CHASSE

C’est la guerre
des jeunes gens en gris
suis en vert
je tire
des tués

décoré

C’est la paix
un café
des jeunes gens
qui crient
gesticulent
je gueule
ils m’insultent
lancent des pierres
je tire
un seul mort

condamné

comprends plus

JE T’AIME!

Je m’aime
car tu m’aimes
toi la source du bonheur
que l’on n’achète
dans aucun supermarché
car simple et naturel
et sans prix
source du désir
mon élixir
ma toute belle
ma vie ma chère ma chair

Quand je te vois
je souris comme on sourit
à l’enfant qui s’éveille
ou au soleil
qui vainc les nuages
les mauvais présages
les pluies moroses
le vent qui geint
l’hiver qui vient
viens!

Je m’aime
car je t’aime
mon trésor pour la vie
mon pain quotidien
mon verre de vin
ma communion sous
les deux espèces
ma rose sans épines
ma raison d’être
sur cette terre

Quand je te vois
le mal s’en va
sur la pointe des pieds
la méchanceté navigue
sur le Léthé
c’est le règne de la bonté
dela générosité
faite femme
nos yeux s’unissent
que la chance nous bénisse
viens!

Je m’aime
car tu m’aimes
et si un jour la mort
à jamais nous sépare
ce jour-là
le soleil disparaîtra
sur le chemin du Golgotha
et l’homme que tu embrasses
chaque matin ne sera plus
lui si cool
qu’un pauvre hère sanglotant
sur la route du désespoir
reste!

Quand je te vois
la vie m’apparaît sans
problèmes sans béquilles
claire comme une source
qui sur les cailloux sautille
d’allégresse
et Dieu qui ne t’a
malheureusement pas connue
n’est pas mon cousin
viens…

Je t’aime!

Commentaires

“Figure namuroise : José Chanly (1984)”, de Joseph Delmelle :

José Chanly – c’est là un pseudonyme dont le propriétaire se nomme, en réalité, José Mazuin – est venu au monde en 1938.

Cet heureux homme n’a donc pas connu – ou si peu! – cette seconde guerre mondiale dont le souvenir n’est entré, en lui, que par personnes interposées et lectures ayant plus d’une fois fourni un tremplin à son inspiration. Il demeure à Fosses-la-Ville, à la lisière du plateau de la Marlagne, au pays de saint Feuillen et des Chinels. Sa petite ville et l’Entre-Sambre-et-Meuse ont plus d’une fois stimulé son lyrisme… Et ses moqueries. Car le paysage se réduit parfois à “Des maisons mornes, des arbres en larmes” avec, tombées au champ d’honneur, “des betteraves, dents arrachées“. Quant à la petite ville où il a ses pénates, elle lui offre un spectacle varié où


des
flaques d’eau
sourient
comme des Jocondes
après le passage des pompiers

mais
une tribu de pintades
motos ne voulant prendre
fait un de ces tintamarres!

Mais qui est tout d’animation colorée au Laetare lorsque les Chinels dansent, comme s’ils étaient en ébullition, agitent leurs clochettes, tournent comme des moulins à vent exhibant un yatagan de bois :


c’est le jour des gosiers en pente

des crises de foie…
mais les tambours battent la mesure

José Chanly se fait donc, d’aventure, le “chroniqueur” de son étroite cité et de la région sur laquelle elle règne. Mais ce n’est là, bien entendu,  qu’un des nombreux aspects d’une oeuvre qui ne cesse, en dépit des apparences, de se référer à une réalité vécue avec passion et liberté. Car si notre poète est un “rat des champs”, il est aussi un “rat des villes”. Professeur de français à l’institut technique de Namur, il passe une grande partie de son temps loin de sa collégiale. Et il a donc le loisir d’observer autre chose, de s’imprégner de l’atmosphère citadine, de s’évader de son univers quasi champêtre. Par ailleurs, comme tous nos contemporains, il voyage… D’aventure jusqu’à Moscou, ou Paris, ou San Francisco. Et sa vision du monde est donc, en définitive, aussi large que celle de beaucoup d’hommes de notre époque… Qui ne se contentent pas de regarder, mais veulent voir!

Ses récoltes, José Chanly les a engrangées aux pages de plusieurs recueils dont le deuxième : Seuls ensemble, dédié à son épouse, date de 1970 et témoigne d’une intense volonté d’indépendance et donc d’originalité :


de la mère

cette sortie illicite d’un poète en révolte
cette envie folle
soleil
d’être ton petit ouvrant sa coquille
d’un royal coup de bec

Par la suite, tout en donnant certains de ses textes aux revues parmi lesquelles Marginales d’Albert Ayguesparse et les Feuillets du Spantole de Roger Foulon, José Chanly a livré à la publication d’autres ensembles dont Dix-huit désirs d’écrire et , sorti à l'”Atelier du Champeau” avec des illustrations d’une remarquable finesse de trait de Marie-Paule Wagner, Proies en prose. Là, l’auteur se compare à Champollion à la recherche de sa pierre de Rosette. Et il suit un itinéraire fantasque, jalonné d’images insoutenables comme celles ayant été montrées lors du procès de Nuremberg, de souvenirs gustatifs, auditifs et visuels, de réflexions sans complaisance sur notre société associant le meilleur – un peu! – au pire – à fortes doses! – , ne cessant d’opposer l’ange à la bête, l’argent à l’idéal, le plaisir au cancer. Hélas, oui, la vie est ainsi faite… Et, s’il s’agit de refuser – autant que possible! – ce qu’elle comporte d’inacceptable, il n’y a toujours pas lieu de s’abandonner au désespoir. Lucide, José chanly ne noie pas son idéalisme congénital dans l’ivresse. Il s’en guérit par l’écriture, ce puissant antidote dont les pouvoirs sont bien connus. L’or est sous la cendre. La vérité est au-delà du concret et du quotidien. Elle réside peut-être dans le trottinement d’une musaraigne, dans la saveur d’une pomme, dans une certaine solitude ou dans la neige qui vient recouvrir “les plus beaux désastres“. Dans ses poèmes et ses proses, José Chanly se libère du mal de vivre. N’est-ce pas aussi une telle libération que nous cherchons souvent à notre insu?

Joeph Delmelle