CHANDELEUR Renée

Portrait de CHANDELEUR Renée

Biographie

Née à Schaerbeek le 7 novembre 1921. Enfance passée à Nieuport. En 1929, ses parents reviennent habiter Bruxelles, elle y fait des études d’institutrice à l’école de la ville de Bruxelles. Ensuite des études pour l’enseignement dans le spécial (deux ans). Puis des études de journalisme à l’Institut pour Journalistes où elle reçu le diplôme. A excercé son métier d’institutrice pendant trente quatre ans à Schaerbeek. Vingt de ces années ont été consacrées à l’enseignement spécial. Elle se marie en 1951 et de 1954 à 1955 fait un séjour en sanatorium. En 1957, naissance de son fils, 1961 naissance de sa fille et 1965, divorce. En 1981, elle est mise à la retraite pour dépression profonde et retourne à Nieuport pour y reprendre des forces. En 1997, retour à Bruxelles.

pseudo : Locoge

Bibliographie

1937 – 1938 – 1939 : tenu la rubrique “Journal d’une étudiante ” dans la Gazette de Charleroi.

Sous le pseudonyme : Renée Chandeleur:

  • 1948: publication de poèmes dans  “La Revue Vivante”.
  • 1950: publication de poèmes dans “La Revue Neuve”, Paris.
  • 1950: publication de Songe d’Amour, poèmes en prose; ils obtiennent une mention au prix de la “Revue Neuve” à Paris et seront édités chez  René Debresse à Paris (édition des cahiers de la Revue Neuve).
  • 1951: Ces poèmes sont traduits et paraissent dans la revue “Ausonia” (Italie).
  • 1953: certains de ses contes sont traduits et paraissent dans la revue “Amico Dello Studente” (Italie).

Sous le pseudonyme : Renée Locoge

  • 1953: Les sept péchés capitaux, poèmes en prose, édition René Debresse, Paris.
  • 1954: Ma classe de première, essai, roman édition René Julliard.
  • 1959: Ma classe de deuxièle année, livre de lecture à l’usage des écoles, édition Wesmael-Charlier, Namur.
  • 1964: seconde édition
  • 1950: Bernard et Geneviève, à l’usage des écoles chez Wesmael-Charlier.
  • 1960: La renouée des oiseaux, poèmes, édition René Debresse, Paris.

1947à 1968 des nouvelles paraissent dans les revues “Audace “et “Le Thyrse.”
par la suite d’autres nouvelles dans diverses revues.

25 octobre 1998: obtention d’une mention au concours de nouvelles de la Communauté française, 5ème place

Un livre en préparation

 

Textes

Moisson

Je suis entrée dans les blés, j’y suis entrée jusqu’au ventre
et je me suis mêlée aux épis mûrs comme un autre épi mûr.
Seule dans la pleine force du soleil et dans celle de la terre,
au milieu du champ, j’étais sa fécondité, j’étais son mystère.
L’été releva le long de son bras sa rude manche de faucheur et
jusqu’au soir il coucha sa moisson.
Il me coupa sans me voir, me coupa parmis les blés, me lia dans
une gerbe et pendant qu’il la nouait, j’ai vu danser les épis sur
l’horizon.
Alors sans douleur et sans regret j’ai courbé la tête sur les
éteules et j’ai dormi parmi les récoltes.

Joie

J’ai pris la joie du vent et les blés me saluent.
J’ai pris la joie des blés. J’ai pris la joie de l’eau,
Et dans cette eau, j’ai pris la joie du ciel.

Prends-en moi la joie du vent. Et celle des blés,
Et celle de l’eau. Prends-en moi la joie du ciel.

Voici que toutes les moissons du monde
Chantent dans tes bras,
Que le vent parle pour toi seul,
Que l’eau te reflète,
Que le ciel s’ouvre dans tes yeux.

A un arbre abattu

          Laisse-moi boire ta sève; laisse- moi voler tes vertus.
Je t’offre un coeur solide où planter tes racines; je t’offre
une chai saine où continuer ta vie. Je te porterai en moi droit
et fier, comme un défi.
Laisse-moi boire ta sève. Mes mains d’enfant ont mutilé ton
feuillage, aujourd’hui je t’offre une âme où gémir et chanter.
J’aimerai d’un amour d’arbre.
Je garderai les bras ouverts à tout ce aui passe.
Je saurai perdre avec grandeur tous les dons de l’été.
Laisse-moi boire ta sève. J’y boirai la terre et ton ciel, et
j’aurai mal, d’un grand mal d’arbre.

Ma ville

          Ma ville, je croyais ne pas t’aimer, mais je maudis le blé nouveau
si ce n’est dans tes murs que je dois le manger.
Ma ville, quand je ne te verrai plus que de loin, digne et fermée,
je te violerai cent et cent fois dans ma pensée.
Ma ville, je me nourris de tes poussières, de tes rumeurs, de tes,
lumières; ma ville, tu vis de ma vie et moi, je vis de la tienne.
Ma ville, tu as été ma complice: dissimulée aux yeux de Dieu
j’ai vécu chaudement dans tes replis, et tous les baisers reçus dans
tes porches, tu as su me les rendre à chacun de mes passages, plus doux
et mieux donnés.
Ma ville, je croyais ne pas t’aimer, tu as été impure avec moi,
mais le jour de l’amour j’ai vu monter tes toits, grandir tes églises,
s’élever tes clochers.

Satan

Te voici donc, Satan, seul sur la lande au milieu de tes chiens
avec, derrière toi, le soir pour te servir.
Te voici donc, toi que je découvrais au fond de moi, quand ceux
qui me parlaient des anges pesaient sur mon épaule avec une main trop
dure.
Te voici, toi qui me révélais, au fond du verger, dans l’âcre
odeur des pommes, que c’est l’eau elle-même qui a soif et que nul ne
saurait l’assouvir.
Satan! J’ai vu dans tes yeux luire tous les yeux du monde;
j’ai vu tes chiens qui me flairaient se coucher et se taire; je t’ai
senti danser dans mon sang, je t’ai entendu rire dans mon rire…
Satan! Je te possède! Je suis à toi pour la fête, je suis à toi
pour le feu! …
Chaque fois que tout est brûlé, je retrouve en moi le vrai visage
de Dieu.

 

 

Commentaires

Songer d’amour, par Renée Chandeleur, Editions Les Cahiers de la Revue Neuve, Paris.

” Renée chandeleur n’écrit qu’en prose. Mais quelle prose prestigieuse ! Cela coule de source. Le rythme en est occulte mais puissant. Les images sobres et vraies se fondent dans la simplicité de l’ensemble. De plus, Renée Chandeleur n’est pas triste. Elle chante à tout vent son désir de joie. Et ce n’est pas ce qu’on aime le moins dans cet excellent recueil, plein de promesses “.

Marcel Hennart

Les sept péchés capitaux, par Renée Locoge

Le féroce auteur que voilà ! En quelques récits très courts, mais d’une surprenante acuité, il nous peint le visage des sept péchés capitaux. Quelques traits, une touche de lumière sur un coin d’ombre: des péchés aussi vieux que le monde et qui ne périront qu’avec lui.

Renée Locoge est pleine d’humour, narquoise, méchante à souhait, comme seule une femme peut l’être. Mais ce n’est que pour mieux appuyer son témoignage qui veut qu’à ” chaque fois que tout est brûlé, on retrouve en soi le vrai visage de Dieu “.

La libre Belgique, 10 juin 1953

Ma classe de première, Roman par Renée Locoge, Editions Julliard, Paris.

Voici en soixante-dix pages un chef-d’oeuvre d’amour et de compréhension, un chef-d’oeuvre de dévouement. L’auteur, en touches fines et aiguës, nous révèle un monde neuf, celui de l’enfant qui passe du stade du bébé à celui de l’écolier.

Pleine d’humour et de poésie, cette classe de première recèle tous les problèmes de notre temps et la matière de cinquante romans. Mais, sagement, Renée Locoge n’essaye pas de démontrer; elle laisse au lecteur le soin de rêver sur les menus faits dont l’accumulation fera un jour une personnalité. En taille-douce elle évoque mille drames et en fermant le livre, on se prend d’angoisse en songeant au petit Jean-Pierre: ” La grand-mère a perdu son procès: le six août, le petit retournera chez son père. ” Ces trois lignes marquent le ton et soulignent  la profonde humanité du livre.

Bien différente de la classe  de troisième de Jouhandeau.  ”  La classe  de  première  ”  de  Renée  Locoge  est un des livres les plus émouvants  dans la narquoise simplicité , que nous ayons lus depuis longtemps.

Dernière Heure Bruxelles, 25 septembre  1955

Mon attention a été particulièrement attirée par un livre bref (trop bref)  d’un jeune auteur féminin belge.  Ce livre prend tout naturellement  sa place dans une  chronique sur la littérature  féminine consacrée en partie à l’enfance, Madame Renée Locoge est née à Bruxelles, y a fait ses études à l’ Ecole Normale, et est encore, je pense, institutrice , dans une école communale de Bruxelles. Je ne sais pourquoi ” Ma Classe de première “, prix liégeois des jeunes écrivains belges, est intitulé ” roman “. Il s’agit plutôt de petits croquis pris sur le vif, croquis d’enfants d’une classe de d’école primaire. De là à comparer ce livre à ” La Maternelle ” il n’y avait qu’ un pas. Il a été franchi, je crois, témérairement. Il reste l’écart entre une ébauche et l’oeuvre définitive d’un maître. Ceci n’est pas pour diminuer les mérites de Madame Renée Locoge. Mérites qui sont d’importance. L’auteur fait preuve de dons certains. il y a dans ces croquis une tendre compréhension de l’enfance, une psychologie très sûre, un don d’observation lucide. Cet univers secret des petits est dévoilé avec pudeur et sensibilité, par une main féminine et délicate. L’étude, de Madame Renée Locoge rappelle opportunément la pensée de Charles Péguy: ” Ce sont les parents, ce sont les grandes personnes qui ne savent rien. Et ce sont les enfants qui savent tous “. Ces enfants ” qui savent tout ” l’auteur les comprend et les aime. C’est du reste cet amour qui lui donne la clé de ce monde mystérieux. En cela ” Ma Classe de première ” est un livre émouvant. Ajoutez à cela que ces croquis sont tracés d’un  coup de crayon net et simple. Voilà, si je me trompe, un auteur de qui nous pouvons beaucoup attendre.

Et quelle saveur aussi que ces mots et expressions bruxellois piqués ça et là avec malice ! Ce parfum de terroir accentue le charme d’un livre déjà fort intéressant.

La Nouvelle Gazette, Bruxelles 17 avril 1955